Que se passera-t-il aujourd’hui 10 août 2023 à ce 2e sommet extraordinaire de la CEDEAO consacré à la situation au Niger ? D’abord, l’existant : après les tentatives du chef d’Etat tchadien, Deby fils, du général Abdulsalami Abubakar et du sultan de Sokoto, les tombeurs de Bazoum ont refermé le Niger comme une huitre face aux médiateurs de l’UA, ONU et CEDEAO qui frappaient à la porte.
A peine accueillis à l’aéroport avec un minimum de civilités, les envoyés de divers horizons sont priés de repartir. Même la secrétaire d’Etat adjoint des USA, a eu droit certes à des entretiens, mais pas avec le général Tchiani, ni avec Bazoum.
L’ultimatum de la CEDEAO qui a expiré le 6 août dernier à minuit, n’a pas été suivi, pas encore en tout cas d’un déferlement des 22 000 casques blancs pour désinstaller les putschistes et remettre le président élu sur selle !
Et même si l’on continue à sériner que cette option du muscle est toujours sur la table, elle semble s’éloigner petitement comme une ligne d’horizon. Et même si les rapatriements des étrangers se poursuivent (Français-Américains) au cas ou, jusqu’à présent, rien n’indique que la CEDEAO va sévir militairement contre le Niger.
D’ailleurs, les narratifs, discours et gestes de ces derniers jours privilégient toujours le dialogue au lieu de la canonnière. Même celui qui en avait été le porte-étendard Bola Tinubu, président nouvellement élu du Nigeria, et président en exercice de la CEDEAO, semble se dédire à demi-mots.
Alors de quoi la montagne va-t-elle accoucher aujourd’hui à Abuja ? Seule certitude, même si on continue de brandir que les militaires de la CEDEAO ont le fusil en bandoulière, le ton sera moins martial, plus mesuré, et surtout on retournera la question sous toutes ses coutures avant de frapper, le délai imparti étant expiré ! Manifestement, faucons ou pas au niveau des chefs d’Etat de la CEDEAO, la réalité d’une intervention militaire au Niger, est très délicate, risquée et pas sûre du résultat escompté.
Le problème, c’est qu’avec les négociations, le temps s’avère un précieux allié pour le général Tchiani et ses hommes lesquels s’installent peu ou prou avec la nomination d’un premier ministre en la personne de Lamine Zeine, mais tend à dissuader la même CEDEAO, d’user de la force.
C’est au demeurant, une CEDEAO, engluée dans un dilemme cornélien qui tient cette réunion au sommet aujourd’hui 10 août 2023. En choisissant la parole plutôt que le fusil, elle a déjà manqué à sa parole, or, avec les cas malien et burkinabè qui ont fait chorus derrière le Niger, la CEDEAO a vu sa crédibilité s’éroder et il ne manquerait plus que les militaires nigériens sortent gagnants de ce bras de fer pour que la CEDEAO perde encore davantage l’étoffe qui lui restait. Véritablement, avec ce putsch au Niger et les micmacs pour solutionner le problème de ces militaires, la CEDEAO est au milieu d’un guet fangeux. Gare à l’embourbement !
A contrario, les militaires ne sont pas tirés d’affaire. Ils ont réussi à tenir tête à la CEDEAO et à la Communauté internationale pour le moment, ils multiplient les écrans de fumée pour masquer des réalités, mais c’est bien des putschistes transis et qui font d’énormes acrobaties cérébrales pour réussir leur coup. Calculateurs, ils le sont, mais si les fusils de la CEDEAO ne les privent pas de ce nectar qui s’appelle pouvoir, les sanctions économiques, et différents corsets pourront être à terme un remède efficace contre leur forfaiture. Car si les populations restent dans le noir des mois durant (le Nigeria a coupé le jus), qu’il n’y ait pas de liquidités, les prix des denrées flambent et le pays économiquement tombe sur répondeur, au pire, les militaires seront obligés de lâcher prise, au mieux, céder à une transition civile.