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Volonté d’autofinancement et d’envoi de troupes au Soudan du sud : L’UA a-t-elle les moyens de ses ambitions ?
Publié le mardi 19 juillet 2016  |  Le Pays
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© présidence CI par DR
Le Président du Rwanda, SEM Paul KAGAME offre un déjeuner de travail "Smart Africa" à ses homologues
Lundi 18 juillet 2016. Kigali. Dans le cadre du 27ème Sommet ordinaire de l`Union Africaine, Le Président du Rwanda, SEM Paul KAGAME offre un déjeuner de travail "Smart Africa" à ses homologues.




Les lampions se sont éteints hier, 18 juillet 2016, sur le 27e sommet de l’Union africaine qui s’est tenu à Kigali au Rwanda. Au nombre des décisions importantes prises par l’institution panafricaine, lors de ce sommet, l’on pourrait retenir l’adoption du principe d’instauration d’une taxe sur les importations pour s’autofinancer d’une part, et d’autre part l’idée d’envoi d’une « force de protection » des populations au Soudan du Sud, en proie à la recrudescence des violences entre les deux camps rivaux qui se disputent le pouvoir. Face à cette volonté d’autofinancement de l’institution panafricaine et d’envoi de troupes dans le chaudron sud-soudanais, la question que l’on pourrait se poser est de savoir si l’UA a les moyens de ses ambitions. L’on peut en douter. Car, sur biens des questions brûlantes, l’institution panafricaine a montré son incapacité à se hisser à la hauteur des défis et des attentes des populations du continent. Et cela risque d’être encore le cas si elle n’y prend garde.

Ce qui devrait contribuer à rendre l’UA plus forte, pourrait au contraire la fragiliser davantage

En effet, par rapport à la taxe de 0,2% sur les importations des 54 pays de l’Union, dont l’objectif est de parvenir à terme à une certaine autonomie financière de l’institution, l’idée est indéniablement bonne. Et pour une fois que l’UA, pourrait-on dire, veut grandir un peu dans le but de s’affranchir quelque peu de la trop forte dépendance financière des donateurs étrangers, on ne va pas lui jeter l’anathème. Bien au contraire, l’on pourrait même se demander pourquoi n’y avoir pas pensé plus tôt. Car, l’argent, comme le dit l’adage, étant le nerf de la guerre, si l’Afrique qui connaît une recrudescence des foyers de tension nécessitant des interventions multiples et multiformes, doit toujours attendre la mobilisation des ressources auprès de donateurs étrangers avant tout déploiement au chevet de ses Etats malades, l’UA risque pour longtemps encore de jouer le rôle du médecin après la mort.
Cela dit, l’application de la mesure sur le terrain, c’est-à-dire le prélèvement de ladite taxe, pourrait s’avérer plus difficile qu’elle ne paraît, si elle n’est pas bien balisée. Déjà que les Etats ne se bousculent pas au portillon pour s’acquitter de leurs cotisations, rien ne dit que les mauvais payeurs changeraient leurs habitudes et que l’opération sera faite avec toute la bonne foi et l’allant nécessaire qui devraient permettre à l’Institution de bien fonctionner. A ce propos, il n’est pas superflu de rappeler qu’à une certaine époque, la Libye du Colonel Mouammar Kadhafi avait dû voler au secours de l’Institution en épongeant la date de certains Etats membres. En outre, quand on sait que tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne en termes de volume des importations, il y a lieu de craindre une catégorisation des contributeurs avec, d’un côté, les grands contributeurs, et de l’autre, les petits. Toute chose qui trancherait avec la traditionnelle formule des cotisations où tous les Etats sont pratiquement sur un pied d’égalité. C’est dire si ce qui devrait contribuer à rendre l’UA plus forte et un peu plus autonome, pourrait au contraire la fragiliser davantage, d’autant que les grands contributeurs pourraient vouloir logiquement imposer leur diktat lors de la prise des grandes décisions. Le projet pourrait donc faire flop, à l’image de la mesure adoptée en 2014, instaurant une taxe sur les billets d’avion, les nuits d’hôtel et les SMS téléphoniques et qui n’est jamais entrée en vigueur. Mais tout dépend de comment le mécanisme sera mis en œuvre. L’une des solutions pourrait passer par la mise à contribution des entités sous-régionales comme la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), qui est du reste déjà très avancée en matière de TEC (Tarif extérieur commun). Ces institutions sous-régionales pourraient jouer le rôle de courroie de transmission entre les Etats membres et l’UA. Même si force est de constater qu’elles ne sont pas toutes au même niveau d’avancement dans leur processus d’intégration.

La volonté d’envoi de troupes au Soudan du Sud a de fortes chances de rester un vœu pieux

Le projet est ambitieux mais sera d’autant plus difficile à réaliser qu’il ne sera pas aisé de passer de ¾ des financements par l’extérieur, à zéro, le budget de l’UA reposant pour l’instant à près de 73%, sur l’apport des donateurs étrangers que sont l’Union européenne, les Etats-Unis d’Amérique, la Chine et la Banque mondiale essentiellement. Toutefois, l’on peut déjà saluer la volonté politique affichée de réaliser ce que la présidente sortante de l’UA, Dlamini-Zuma, a appelé un « bond en avant sans précédent pour l’autonomie et la dignité africaine ». Elle dont le vote du successeur a été reporté à janvier 2017, aucun des candidats déclarés n’ayant obtenu la majorité requise pour être élu, lors de ce sommet.
En tout état de cause, une UA forte et autonome devrait faire l’affaire de l’Afrique, même si l’on peut se poser la question de savoir à qui cette autonomie de l’institution profitera le plus. Aux têtes couronnées du continent qui donnent peu ou prou le sentiment d’avoir réussi à en faire un instrument à leur service, ou aux populations africaines qui n’en attendent légitimement pas moins ? Et même si l’UA réussissait à renflouer ses caisses, il faudrait surtout que cette nouvelle santé financière serve davantage au renforcement de la démocratie et au respect des droits de l’Homme sur le continent. Cela passe aussi par sa capacité à déployer ses troupes dans des pays en conflit, où la démocratie est en mal, comme c’est le cas actuellement au Soudan du Sud où il est question de déploiement probable d’une « force régionale de protection » des populations. L’UA a-t-elle les moyens d’une telle ambition ? On ne demande qu’à y croire. D’autant plus que les cas du Mali, où elle a pratiquement mordu la poussière et du Burundi où elle s’est pour le moins couverte de ridicule en haussant le ton avant de se dégonfler comme un ballon de baudruche face à l’intransigeance des autorités burundaises, n’incitent pas à l’optimisme. C’est pourquoi l’on est porté à croire que cette volonté d’envoi de troupes au Soudan du Sud a de fortes chances de rester un vœu pieux, si ce n’est une décision prise, juste pour se donner bonne conscience. D’autant plus que le feu est déjà dans la maison sud-soudanaise. Et si l’UA ne fait pas diligence, elle risque, au meilleur des cas, de venir constater qu’un autre pompier s’est déjà attelé à éteindre l’incendie, et au pire des cas, de venir faire le constat que la maison est déjà consumée. A elle de prouver qu’elle n’a pas proposé une solution utopique et que l’on peut encore lui accorder une certaine crédibilité.

« Le Pays »
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