Les soumissions de la composante « disponibilité de produits et personnels qualifiés en santé de la reproduction » du projet « Autonomisation des femmes et Dividende démographique au Sahel», passent au scanner, aujourd’hui 18 et demain 19 juillet 2016, à Ouagadougou. A travers ce dossier, Sidwaya situe les enjeux de cette rencontre de la capitale burkinabè et revient sur les ambitions d’ «un projet de bon augure».
Six pays du Sahel ont décidé d’impulser une meilleure cadence à leur marche vers l’émergence, en optant pour un processus de développement plus inclusif. Il s’agit du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad. Ces pays ont adhéré au projet « Autonomisation des femmes et Dividende démographique au Sahel », en abrégé SWEDD (ndlr : dénomination anglaise) dans un esprit de partage et de saine émulation. Ledit projet de quatre années vise globalement, à accélérer la transition démographique et la réduction des inégalités entre les sexes dans la région du Sahel. D’un coût global de plus de 205 millions de dollars US, il est financé par la Banque mondiale, sous forme de prêts sans intérêts et surtout de dons. Le projet a amorcé sa mise en œuvre, il y a environ une année, avec l’appui technique conjoint du bureau régional de l’Afrique centrale et de l’Ouest du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) et le l’Organisation ouest-africaine de la santé (OOAS), le bras sanitaire de la CEDEAO. Pour le directeur régional de l’UNFPA, Mabingué NGom, le projet SWEDD a le mérite de toucher à des défis majeurs dans la zone concernée. En effet, le projet comporte trois composantes. La première ambitionne d’améliorer la demande des services de santé reproductive, maternelle, néonatale, infantile et nutritionnelle, etc. Cela passe par la communication pour un changement social et comportemental, de sorte que les populations sahéliennes puissent jouir du droit à la santé. Le deuxième volet a pour objectif d’apporter une réponse appropriée aux demandes sus-citées, en renforçant les capacités des pays en vue d’une mise à disposition conséquente de médicaments et de personnels de santé de la mère et de l’enfant qualifiés. L’équation à résoudre, selon le Directeur général (DG) de l’OOAS, Dr Crespin Xavier, est celle-ci : comment rendre plus accessibles et plus disponibles les produits ainsi que les ressources humaines compétentes en Santé de la reproduction (SR)au kilomètre près, même dans les localités les plus reculées des pays du Sahel?
Renforcer les systèmes sanitaires
Pour l’opérationnalisation de ce volet, une réunion du comité régional de pilotage du projet réunit des délégués et ministres sectoriels, à Ouagadougou, aujourd’hui 18 juillet 2016. La réunion va être suivie, demain 19 juillet, d’une session d’évaluation des soumissions issues des différents pays (un appel à propositions avait été lancé le 2 mai dernier), afin de retenir les projets pertinents qui bénéficieront de financements. « Pour accéder aux financements, les pays doivent, sur certaines composantes, prouver que les soumissions sont à même d’aider à avoir un impact positif sur les populations. Nous allons analyser les soumissions et faire des observations éclairées à la Banque mondiale pour le déblocage des fonds », détaille le coordonnateur régional du projet SWEDD, Dr Justin Koffi.
La dernière composante, quant à elle, devra favoriser un engagement politique fort de dirigeants, de parlementaires, de leaders communautaires, des ONG et associations, des communautés elles-mêmes, dans l’optique d’une prise en compte du Dividende démographique dans les questions de développement.
En partie, le projet « Autonomisation des femmes et Dividende démographique au Sahel » veut contribuer à combler les déficits mortels des systèmes sanitaires de la région. Le DG de l’OOAS, Dr Crespin Xavier, présente, en effet, une situation peu glorieuse : « La couverture sanitaire dans l’espace CEDEAO (ndlr : 4 des 6 pays du projet en font partie) est de l’ordre de 40 à 50% ». Les statistiques populationnelles dans le Sahel montrent que les couches les plus vulnérables, notamment les femmes, les filles, les nouveau-nés et les enfants, surtout ceux vivant en milieu rural, payent le plus lourd tribut. Dans la plupart des pays visés par le projet SWEDD, l’acte naturel de donner naissance, se mue, trop souvent, en une lutte contre la mort pour les femmes et pour les nouveau-nés. Au Sahel, en moyenne, plus de 300 femmes meurent en donnant naissance à 100 mille bébés. Des bébés qui, eux non plus, ne sont pas épargnés. Sur 1000 nés vivants, plus de 80 meurent avant leur cinquième anniversaire. Aussi, ces pays du Sahel enregistrent encore un taux de fécondité élevé, entre 6 et 7 enfants par femme. Une tendance qui noie les taux de croissance économique relativement élevés affichés ces dernières années dans cette partie de l’Afrique et ailleurs sur le continent. « Nous ne pouvons pas avoir de progrès au niveau des populations, si la croissance démographique continue à être aussi important », prévient le directeur régional de l’UNFPA, M. Ngom. Il explique qu’il serait difficile d’améliorer sensiblement la répartition des richesses générées si la population croît plus rapidement. Dans un langage pragmatique, M. Ngom soutient : « Si vous avez deux enfants que vous n’arrivez pas à nourrir, à soigner, à loger ou à scolariser et vous en faites trois autres, je ne crois pas que vous serez à même de donner des chances réelles de réussite à ces enfants ». Et l’Etat, en dépit de ces efforts « immenses », ne pourra pas, à ce rythme, faire mieux, estime-t-il.
Les jeunes d’abord
Au-delà des problématiques de santé, le projet « Autonomisation des femmes et Dividende démographique » entend implémenter une approche de développement économique tiré par des investissements dans l’éducation, la formation, la valorisation du capital humain et la bonne gouvernance. La finalité, c’est de faire en sorte que la tranche d’âge active de la population puisse effectivement être productive, à travers des emplois décents, créateurs de richesses. L’image que présente le patron de l’UNFPA en Afrique du Centre et de l’Ouest est assez évocatrice : « Si vous êtes dans une famille où seulement 2 personnes doivent travailler pour nourrir 18 autres, ce n’est pas la même chose que si 18 personnes travaillent pour nourrir 2. Pour que cette famille puisse vraiment s’épanouir économiquement, il faut aussi que les 18 puissent apporter une contribution significative dans la production ». Cela signifie qu’aucune couche de la société ne doit être mise en marge de l’effort de développement. C’est pourquoi le projet SWEDD a inscrit la correction des inégalités et des injustices multiformes à l’égard de la jeune fille et de la femme, parmi ses priorités. Comme le recommande le thème de la Journée mondiale de la population (JMP) 2016, il faut « investir dans la jeune fille », pour lui permettre d’être en meilleure santé, de rester plus longtemps à l’école (ce qui suppose de retarder l’âge du mariage, d’éviter les grossesses précoces). L’objectif étant de préparer la femme de demain à contribuer, en qualité d’ « acteurs économiques pleins », au développement économique et social. « A chaque fois que l’on fait quelque chose pour un garçon, l’on doit en faire autant, sinon plus pour la fille », conseille Mabingué Ngom. Les jeunes de façon générale, qui représentent plus de 60% des Sahéliens et constituent le futur, voire le présent de la région, sont aussi des cibles privilégiées du projet. L’idée à ce niveau, c’est de travailler à loger désormais la jeunesse dans la locomotive et non dans les wagons du développement. « Youth first, les jeunes d’abord », insiste M. Ngom, c’est-à-dire que ceux-ci doivent être impliqués aussi bien à la conception qu’à la réalisation de projets et programmes.
En somme, se convainc le coordonnateur régional, Dr Justin Koffi, le projet SWEDD embrasse un faisceau de stratégies qui peuvent influencer positivement le développement dans les pays de mise en œuvre. Mieux, il qualifie l’approche de voie royale pour tirer profit du Dividende démographique, à l’échelle du continent. Dans la même veine, il se réjouit de savoir que l’initiative sahélienne a été portée au plus haut niveau de l’agenda des chefs d’Etat africains. A l’écouter en effet, en marge de la 71e AG des Nations unies de septembre prochain, il sera organisé une conférence à New York sur le Dividende démographique. Deux sommets de l’Union africaine en 2017 seront consacrés au sujet, ajoute le directeur régional de l’UNFPA, Mabingué Ngom.
Koumia Alassane
KARAMA