L’un des dispositifs de prévention des inondations dans la ville de Ouagadougou est sans conteste le curage continuel des ouvrages de drainage de l’eau pluvial dans les réserves d’eaux à savoir les caniveaux et les canaux. Dans la ville de Ouagadougou, ce travail de curage des ouvrages de drainage d’eau a été confié à la Direction de la propreté de la commune qui, outre cette mission, s’occupe également du nettoyage, de la collecte, du transport, du traitement et de la valorisation des déchets et de la prévention des pollutions et des nuisances. Dans cet entretien que son responsable Sidi Mahamadou Cissé a accordé à Fasozine, il a abordé de long en large la question de curage sans oublier d’évoquer les difficultés rencontrées dans le cadre de la prévention des inondations dans la capitale burkinabè.
Fasozine: A quelle périodicité procédez-vous au curage des caniveaux de la ville ?
Mahamadou Cissé: Ce n’est pas seulement en période hivernale que nous procédons au curage des caniveaux de la ville de Ouagadougou. Premièrement, il y a une convention qui lie la commune de Ouagadougou à l’Association Jeunesse Sans Frontière Burkina (AJSFB). C’est ce qui nous permet de faire curer une grande partie des caniveaux de la ville de Ouagadougou en régie. Et ce curage se passe du 1er janvier au 31 décembre de chaque année. Ce sont les jeunes que vous voyez très souvent ville en gilets orange. Donc le curage de ces caniveaux en régie est assuré par les membres de cette association. Deuxièmement, c’est le curage en entreprise. C’est-à-dire que la commune annuellement, par le biais d’un appel d’offre, sélectionne des entreprises auxquelles elle confie le curage. Cette année, ce sont trois entreprises qui ont été adjudicatrices de nos quatre lots. Le contrat a été signé il y a deux jours et le lancement officiel de la campagne de curage en entreprise va démarrer d’ici 4 à 5 jours. A la faveur du projet Haute intensité de main d’œuvre (HIMO), nous avons bénéficié de quatre camions, des bennes de chantier, avec les quels nous procédons déjà au curage de certains de nos caniveaux que nous qualifions de dangers. Ce curage est fait par les membres de ce projet. Ils sont au nombre de 1 100 et sur ce nombre il y a 750 jeunes qui ont été affecté à la direction de la propreté de la commune. On a sélectionné une cinquantaine qui fait équipe avec quelques membres de l’AJSFB qui sont spécialisés exclusivement dans le curage des caniveaux.
En quoi le curage des caniveaux fait-il partie du dispositif de prévention des inondations?
Ce sont ces ouvrages qui sont conçus et aménagés pour drainer exclusivement les eaux pluviales. Ce n’est ni pour être transformés en dépotoir d’ordures comme c’est le cas malheureusement ni pour drainer des eaux usées qu’elles soient domestiques ou industrielles.
En période sèche, en principe, si on respectait la règlementation qui régit la gestion de l’environnement urbain, on ne devrait même pas avoir une goutte d’eau dans ces caniveaux. La plupart de ces caniveaux sont transformés en dépotoir dans lequel on se débarrasse de toute sorte d’ordures comme les pneus usagés, les vieux matelas et les vieilles nattes, sans oublier une importante quantité de déchets plastiques qui se retrouvent dans ces ouvrages de drainage, ce qui contribue à les obstruer. C’est vraiment dommage.
En plus du fait que ces caniveaux sont transformés en dépotoir, il faut aussi reconnaitre que la plupart de nos ouvrages de drainage ne sont plus adaptés au contexte actuel d’urbanisation. Ils sont dépassés par le fait qu’ils sont sous dimensionnés. Il y a également beaucoup de construction de bâtiments dans la ville de Ouagadougou qui constituent des obstacles vis-à-vis du drainage des eaux pluviales. Par conséquent, ces ouvrages ne sont pas à même de recevoir tous ces flots encore moins les drainer vers les plans d’eau.
Le curage des caniveaux n’est pas nécessaire mais il est indispensable parce que cela contribue un tant soit peu à minimiser les risques d’inondation dans la ville de Ouagadougou. Malgré les efforts consentis par l’Etat central et les collectivités locales en l’occurrence la ville de Ouagadougou, vous voyez comment la ville est confrontée au problème d’inondations avec les toutes premières pluies. La pluie du dimanche dernier, c’était autour de 60 mm d’eau et malgré qu’elle soit loin des 262 mm d’eau du 1er septembre 2009, vous avez vu les dégâts causés.
Les curages ont débuté ?
Oui en régie nous le faisons sur toute l’étendue de l’année. C’est à l’entreprise que nous n’avons pas commencé. D’ici là, ils vont procéder au curage d’une partie des caniveaux qui leur a été confié.
Cela ne devrait pas être fait avant que la saison pluvieuse ne s’installe ?
C’est tard mais il vaut mieux tard que jamais. Avec les différentes successions qui ont lieu à la tête de la commune de Ouagadougou ces deux dernières années, cela a joué aussi sur le calendrier. Avec tout ce chamboulement, nous a eu un retard dans la signature de certains contrats dont celui relatif au curage des caniveaux. C’est cela qui justifie malheureusement ce retard.
Le curage en régie a débuté depuis le début de l’année. Quel est le bilan que l’on peut faire?
En régie, nous sommes autour de 85% de caniveaux curés. Les entreprises quant à elles auront 45 jours maximum pour faire le travail. Sinon dans nos prévisions, c’était 30 jours. Cela veut dire que si ces entreprises commencent autour du 16 juillet, tous les caniveaux se trouvant dans leur lot respectif doivent être curés au plus tard le 16 août.
Mais quelles sont les mesures prises pour que les entreprises puissent exécuter le travail en bonne et due forme ?
Il y a le cahier de charges qui leur est soumis et la supervision technique sera faite par les techniciens de la direction de la propreté dont moi-même en tête en tant que directeur et coordonateur général de ces travaux de curage. Il y a aussi des pénalités qui sont prévues pour celles qui ne respecteront pas les délais requis.
Le fait que plusieurs caniveaux ne soient pas couverts ne justifie pas aussi la présence des déchets à l’intérieur ?
C’est un peu regrettable que presque 90% des caniveaux de la ville de Ouagadougou soit à ciel ouvert. L’idéal serait vraiment que ces caniveaux soient tous recouverts de dalles confectionnées dans les règles de l’art en respectant les normes. Souvent, en voyant des caniveaux à ciel ouvert, cela tente certains habitants. Mais si la commune disposait des moyens nécessaires pour les faire aménager et couvrir de dalles, le risque qu’ils soient encombrés sera moindre. Mais malheureusement ce sont des ouvrages dont la construction coûte excessivement chère. Au regard de la modicité du budget communal, il est vraiment difficile de faire couvrir tous ces caniveaux.
Et qu’en est-il du curage des grands canaux d’évacuation ?
Il y a en quelque sorte un vide juridique qui existe au niveau la gestion des quatre grands canaux de la ville de Ouagadougou : celui du Mogho Naaba, Paspanga, Zogona et Wemtenga. A l’issue de la réception, on n’a pas rédigé ou élaboré un protocole d’accord ou une convention qui confie la gestion de telles grosses infrastructures à une quelconque structure. Aujourd’hui, on ne sait pas si ces canaux sont gérés par la commune de Ouagadougou ou par le ministère en charge des Infrastructures et cela est aussi le cas pour les échangeurs.
Quelles actions les populations peuvent-elles poser pour réduire le risque d’inondation ?
Je leur demande d’adopter des comportements éco-citoyens respectueux de l’environnement. Premièrement, en évitant de transformer ces ouvrages de drainage d’eaux que sont les canaux et les caniveaux en dépotoirs d’ordures.
Deuxièmement, il faut éviter les installations anarchiques sur les caniveaux. A certains endroits, quand nos équipes arrivent, elles ont du mal à accéder aux caniveaux pour les curer parce que là-dessus, on a déposé des marchandises difficilement déplaçables.
Outre cela, il faut éviter d’ériger des kiosques, des boutiques sur les caniveaux. Eviter aussi de jeter des ordures et des eaux usées dans ces caniveaux avec toutes les conséquences néfastes que l’état de ces eaux usées peut avoir vis-à-vis de l’environnement et de la main d’œuvre qui sera déployée sur place. Imaginez-vous quand on arrive dans un caniveau, on y pénètre et on découvre que ce sont des eaux usées qui ont été déversées dans ces dits ouvrages. Certains se connectent allègrement à ces ouvrages de drainage pour drainer les eaux de toilettes, souvent ce sont des excrétas. Vous conviendrez avec moi que cela n’encourage pas et ne motive pas nos équipes qui sont déployées sur le terrain.
Nous demandons au groupement d’élèves, d’étudiants et de jeunesse de façon général qu’ils peuvent aussi à leur manière accompagner la commune de Ouagadougou. Le curage et les travaux d’intérêt commun ne doivent pas être laissés aux seules collectivités locales. Chacun peut apporter sa pierre dans l’édification de la maison commune en organisant des journées de salubrité au cours des quelles il procède au curage de certains caniveaux qu’on qualifierait de dangereux.
Seulement nous demandons à tous ceux qui veulent mener de telles initiatives de nous informer à temps pour que nous puissions mettre le matériel nécessaire à leur disposition. Parce que, souvent il y a en qui curent les caniveaux et qui les laissent les produits extraits aux abords des voies pendant plusieurs jours. Là nous ne faisons que déplacer le problème parce que ce sont d’autres nuisances que nous générons vis-à-vis des riverains de ces caniveaux et des usagers de la route. Non seulement il y a les odeurs tels les nuisances olfactives et quand un véhicule passe là-dessus, ces ordures peuvent se retrouver sur les autres usagers de la chaussée.
Propos recueillis par Dimitri Kaboré