La 17e Assemblée générale des Etablissements publics de l’Etat (EPE) se tiendra les 14 et 15 juillet 2016 à Ouagadougou. Ainsi, à partir d’aujourd’hui, ce sont 74 EPE et 10 Fonds nationaux (la 1re fois pour ceux-ci) soumettront pour appréciation et approbation leurs états financiers au titre de l’exercice clos au 31 décembre 2015. Dans cet entretien, le directeur général du Trésor et de la comptabilité publique, Naby Abraham Ouattara, fait le point de la santé financière, en 2015, de ces établissements financés par les capitaux publics. Dans l’ensemble, il a estimé que les EPE ont réalisé des performances satisfaisantes, mais doivent à l’avenir fournir des efforts pour réduire les subventions de l’Etat.
Sidwaya (S) : A partir de ce matin et ce jusqu’au 15 juillet 2016, se tient la 17ème Assemblée générale des Etablissements publics de l’Etat. Pouvez-vous rappeler les objectifs et le rôle de cette instance dans la gouvernance des EPE ?
Naby Abraham Ouattara (N.A.O) : Tout d’abord je voudrais vous remercier pour l’opportunité que vous m’offrez de pouvoir m’entretenir avec vous et vos lecteurs à l’occasion de la tenue de la 17ème Assemblée générale des Etablissements publics de l’Etat (AG/EPE). Pour répondre à votre question, prenons le cas d’une entreprise où l’Assemblée générale est la réunion des associés ou des actionnaires de l’entreprise. Les actionnaires se réunissent en Assemblée générale pour approuver les comptes annuels et prendre des décisions pour l’avenir. Dans le cas des établissements publics, il n’y a pas de capital, donc pas d’actionnaires. Du fait que l’entité est publique, c’est le gouvernement qui est concerné. Les membres du gouvernement sont les membres statutaires de l’Assemblée générale des Etablissements publics de l’Etat (AG/EPE). Ils acceptent ouvrir leur réunion aux Présidents des Conseils d’administration, aux directeurs généraux des différents EPE, aux corps de contrôle etc. L’objectif premier de l’assemblée générale est l’adoption des rapports de gestion des Conseils d’Administration et l’approbation des états financiers. Bien sûr, avant d’y parvenir, il faut passer au peigne fin la gestion de tous les EPE. L’AG/EPE offre, par ailleurs, l’occasion de se pencher sur les difficultés rencontrées par les EPE et de trouver des solutions consensuelles pour un meilleur fonctionnement des établissements publics. En résumé, on peut dire que l’AG/EPE répond à l’obligation de rendre compte qui est une grande exigence en matière de gestion des deniers publics.
S. : L’innovation de l’édition de cette année, est la participation des Fonds nationaux à l’Assemblée générale des EPE. Qu’est-ce qu’un Fonds national et qu’est-ce qui justifie leur participation à l’AG des EPE cette année ?
N. A. O. : Aux termes des dispositions de la loi du 30 avril 2013 portant règles de création des catégories d’établissements publics, les Fonds nationaux sont des établissements publics ayant pour objectif le financement, avec ou sans contrepartie financière, des activités de développement socio-économique. Cette catégorie d’établissements publics comprend les Fonds nationaux de Financement (FNF) et les Fonds d’Etat (FE). Les Fonds nationaux de Financement (FNF) ont pour objet principal de faire du crédit pour le financement des activités de développement à la base relevant de leur domaine d’intervention. Les Fonds d’Etat (FE), pour leur part, financent sans contrepartie des activités s’inscrivant dans leur champ de compétence. Aussi, conformément aux dispositions du décret du 24 juillet 2014 portant statut général des FN, ces derniers disposaient d'une année, à partir de l’entrée en vigueur de ce décret, pour se conformer aux nouvelles dispositions. Par conséquent, il convenait que les Fonds nationaux (FN) participent à la présente session de l’Assemblée générale des Etablissements publics de l’Etat (AG/EPE) afin de rendre compte de leurs gestions à l'instar des autres EPE. Il s’agit donc d’une obligation législative, prescrite par la Loi portant règles de création des catégories d’Etablissements publics qui stipule que : « les établissements publics présentent annuellement leurs rapports d’activités et leurs états financiers à l’AG/EPE ». En effet, les Fonds nationaux reçoivent des subventions de l’Etat pour la réalisation de leurs activités et doivent par conséquent rendre compte de la gestion des fonds qui leur sont alloués. Cette démarche participe d’une bonne gestion des finances publiques parce qu’elle offre l’opportunité au grand public d’avoir un droit de regard sur la manière dont ces ressources publiques sont dépensées.
S. : La 17ème AG EPE est placée sous le thème « La comptabilité des matières dans le contexte du nouveau cadre harmonisé des finances publiques au Burkina Faso». Qu’est-ce qui a motivé le choix de ce thème et quelles sont vos attentes au sortir de cette assemblée ?
N. A. O. : La tenue de la comptabilité patrimoniale est une exigence des directives communautaires de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) relatives aux finances publiques. Mais force est de constater que souvent nos structures n’ont pas une situation exacte de leur patrimoine parce que ne disposant pas de fichier de gestion et de suivi de leur matériel ou encore de système cohérent et harmonisé pour le faire. Le choix de ce thème nous donne donc l’occasion, avec l’aide des spécialistes de la Direction Générale des Affaires Immobilières et de l’Equipement de l’Etat (DGAIE) de donner quelques rudiments aux responsables des EPE. Au sortir de cette AG, il est donc attendu que chaque EPE puisse, à la lumière des connaissances qui seront acquises et des cas pratiques qui seront étudiés, disposer en son sein d’une situation complète de son patrimoine. Ceci participe également à la bonne gestion et à la transparence dans la gestion des finances au sein des établissements publics.
S. : Qu’en est-il de l’état de mise en œuvre des recommandations des précédentes AG en particulier celles formulées en 2015 ? Cette situation vous paraît-elle satisfaisante ?
N. A. O. : Une seule recommandation avait été formulée lors de la toute dernière AG. Elle est relative à l’élaboration et à l’adoption d’un plan de communication au sein des EPE. En terme de bilan, sur les 74 EPE concernés, 12 établissements soit 16,22% ont pu effectivement concevoir et faire adopter un plan de communication par leurs Conseils d’administration, cinq disposent de plans de communication qui ont besoin d’être actualisés, trente-sept EPE, soit 50% sont dans la procédure de sélection de cabinet pour les accompagner dans l’élaboration d’un plan de communication. Enfin, les vingt autres EPE, soit 27,03%, sont à l’étape de l’élaboration des projets de Termes de référence (TDR). Généralement, les recommandations des AG sont mises en œuvre par les EPE et c’est d’ailleurs ce qui nous permet d’avancer.
S. : Au regard de l’examen des états financiers, quelle est la situation d’ensemble et sectorielle des EPE au titre de l’exercice clos au 31 décembre 2015 ?
N. A. O. : L’analyse synthétique d’ensemble de la situation financière des EPE qui porte cette année sur quatre-vingt-quatre EPE, dont dix Fonds nationaux, montre que d’une manière générale des efforts ont été maintenus dans la réalisation des activités et l’atteinte des objectifs, à eux, assignés. En effet, dans l’ensemble, l’évolution de la structure des indicateurs financiers donne des motifs de satisfaction. L’agrégation des données des soixante-quatorze EPE (hormis les données des Fonds nationaux) qui ont effectivement soumis leurs états financiers à la présente AG-EPE fait ressortir une progression des recettes totales de 10% entre 2014 et 2015. Ces recettes se chiffrent à la somme de 171,244 milliards de FCFA contre 155,713 milliards de FCFA en 2014. Au 31 décembre 2015, les recettes propres mobilisées par ces EPE, en progression par rapport à l’exercice 2014, ont atteint la somme de 32,123 milliards de FCFA, soit 18,76% des recettes totales. Les dix Fonds nationaux qui participent pour la première fois à l’AG-EPE, ont quant à eux, dégagé des recettes propres de 18,181 milliards de FCFA, soit près de 50,85% de leurs recettes totales qui atteignent 35,754 milliards de FCFA. Concernant les dépenses budgétaires des EPE, hormis les données des dix Fonds nationaux, elles s’élèvent à 149,298 milliards de FCFA en 2015 et sont en baisse de 2,10% par rapport à l’année 2014 où elles étaient de 152, 507 milliards de FCFA. Celles des Fonds nationaux s’élèvent à 27,854 milliards de FCFA en 2015. Au niveau sectoriel, l’examen de la situation au titre de l’exercice clos au 31 décembre 2015 montre des écarts entre certains secteurs, notamment au niveau des principaux indicateurs. Ainsi, certains secteurs sont à féliciter tandis que d’autres, sans pour autant remettre en cause leurs spécificités, doivent davantage déployer des efforts pour améliorer ces indicateurs et assurer leur viabilité. Ainsi, le secteur de la santé est à féliciter pour les niveaux satisfaisants de réalisation des recettes (90,44%) et des dépenses (85,62%) enregistrés. Toutefois, le secteur doit veiller à une meilleure maîtrise de l’évolution des charges de personnel car le ratio «part des charges de personnel dans les dépenses de fonctionnement» est de 57,22%, (supérieur à la norme de 50%) contre 33,01% pour l’ensemble des EPE ayant présenté leurs états financiers. Des efforts doivent être déployés par les EPE du secteur de l’hydraulique, du développement rural et de la foresterie pour améliorer leur taux d’exécution des dépenses et des recettes qui se situent respectivement à 61,73% et à 59,10%, en dessous de la norme. Le secteur doit également veiller à accroître ses recettes propres et contenir ses dépenses de personnel car le ratio «part des charges de personnel dans les dépenses de fonctionnement» se situe à 53,22%. Les EPE du secteur de l’éducation, de l’enseignement et de la formation professionnelle ont un niveau de réalisation satisfaisant des recettes et ont pu contenir les dépenses de personnel à un niveau satisfaisant. Cependant, on note que douze EPE sur les trente et un que compte le secteur enregistrent un niveau du ratio «part des charges de personnel dans les dépenses de fonctionnement» au-dessus de la norme. Le secteur de prestations de services et le secteur de la communication et de la culture enregistrent également des niveaux de réalisation des recettes et des dépenses en dessous de la norme. Le ratio «part des charges de personnel dans les dépenses de fonctionnement» se situe à plus de 50% pour le secteur de la communication et de la culture. Au niveau des Fonds nationaux, on note que les Fonds d’Etat ont des taux de réalisation des recettes et des dépenses en dessous de la norme, les Fonds nationaux de financement enregistrent des performances au niveau de la réalisation des recettes propres mais accusent des contreperformances au niveau de l’exécution des dépenses. Le ratio « part des charges de personnel dans les dépenses de fonctionnement », quant à lui, se situe en dessous de 50%. Enfin, tous les secteurs enregistrent des performances appréciables au niveau du ratio taux d’autofinancement et du ratio de couverture des dépenses par les ressources pour l’exercice budgétaire.
S. : Quelle est votre appréciation de ces résultats atteints ?
N. A. O. : D’un point de vue général, les niveaux de réalisation des prévisions des recettes et des dépenses sont assez satisfaisants pour l’exercice 2015. En effet, sur les quatre-vingt-quatre EPE considérés, cinquante et un ont enregistré des taux de réalisation des recettes supérieurs à 80% et quarante-trois ont des taux de réalisation des dépenses supérieurs à 80%. Toutefois, la structure des dépenses en 2015 fait ressortir une prédominance des charges de fonctionnement et une régression des dépenses consacrées aux investissements. Le taux d’autofinancement, qui traduit les efforts de création et de mobilisation de recettes propres, est assez satisfaisant pour l’ensemble des EPE en 2015 car comparativement à 2014, il connaît une hausse. En outre, on constate une progression dans la gestion des EPE avec une couverture plus satisfaisante des dépenses mandatées de 116,85% et des efforts de création et de mobilisation de recettes propres. Cependant, des efforts doivent être poursuivis par les EPE en vue de réduire progressivement leurs dépendances vis-à-vis de la subvention de l’Etat.
S. : Quelles ont été les principales difficultés dans le fonctionnement des EPE au cours de 2015 ? Peuvent-elles être citées comme les facteurs de contreperformances de certains EPE ?
N. A. O. : Au cours de l’exercice 2015, les EPE ont effectivement été confrontés à un certain nombre de difficultés, dont les principales, sont liées à l’insuffisance de la subvention de l’Etat, à l’application des procédures de passation des marchés publics, à la répercussion financière des mesures sociales gouvernementales sur l’exécution des budgets et à la gestion du personnel. Ces difficultés sont du reste récurrentes. Bien évidemment, leur impact sur le fonctionnement des EPE n’est pas négligeable, mais on peut se réjouir des efforts considérables consentis par les responsables de ces établissements et de l’accompagnement des autorités de tutelle, qui ont permis de juguler ces difficultés et d’atteindre des résultats globalement satisfaisants au titre de l’exercice écoulé. En témoigne l’évolution des indicateurs de performance enregistrés par ces entités.
S. : On note une prédominance des subventions de l’Etat dans les budgets des EPE qui connait une progression de 48,51% en 2015 par rapport à 2014. Quelles sont les mesures à mettre en œuvre pour assurer une indépendance financière aux EPE ?
N. A. O. : Effectivement, la situation d’ensemble des EPE reste caractérisée par une forte progression de la subvention de l’Etat qui est passée de 68, 591 milliards de FCFA en 2014 à 101,866 milliards de FCFA en 2015, soit une hausse de 48,51%. Cette hausse est observée au niveau de tous les secteurs : santé (36,76%) ; hydraulique (3,72%) ; éducation (16,49%) ; prestation de services (162,61%) et communication (111,14%). Cela témoigne des efforts entrepris par le gouvernement pour accompagner les EPE dans l’accomplissement de leurs missions. Toutefois, au regard des difficultés financières rencontrées au niveau national, l’Etat ne sera pas toujours en mesure de garantir cet accompagnement financier parce qu’il y a d’autres priorités à prendre en charge. Ils sont donc appelés à développer des initiatives tendant à réduire progressivement leur dépendance financière vis-à-vis de l’Etat, tout en accomplissant efficacement leurs missions de services publics. Ces initiatives devraient permettre à chaque EPE de garantir de manière pérenne, un niveau de mobilisation de recettes propres susceptibles de compenser dans une moindre mesure, la faiblesse de la subvention allouée par le budget de l’Etat. Cette question d’amélioration du niveau des recettes propres devrait être perpétuellement à l’esprit des premiers responsables de ces établissements qui ne devraient pas cependant ignorer leur première mission qui est d’offrir des services de qualité à moindres coûts à nos populations. Aussi, l’accroissement des recettes propres devra être accompagné d’efforts de maîtrise des dépenses de fonctionnement, notamment celles liées à la consommation d’eau, d’électricité, de téléphone, de fournitures de bureau, ainsi que la masse salariale des agents contractuels. C’est à ce prix que les EPE deviendront financièrement autonomes, ne serait-ce que pour ce qui concerne leurs dépenses de fonctionnement. Je voudrais tout de même souligner que l’augmentation du montant de la subvention de l’Etat, constatée en 2015 ne signifie pas pour autant que le niveau d’autofinancement des EPE s’est dégradé. Bien au contraire le taux d’autofinancement global a connu une croissance ces trois dernières années, passant de 24,45% en 2013, à 25,89% en 2014, à 26,61% en 2015. C’est donc le lieu de saluer les efforts fournis par l’ensemble des EPE pour ce taux se situant au-dessus du minimum exigé qui est de 20%. Les EPE dont les taux d’autofinancement se situent en dessous de la norme sont invités à redoubler d’efforts.
Entretien réalisé par :
Aymar POODA
(Collaborateur)