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SONABEL : «Nos problèmes ne résultent pas de la gestion de la société»
Publié le vendredi 8 juillet 2016  |  Sidwaya
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© aOuaga.com par A.O
Les premiers responsables de la Société nationale burkinabè d`électricité (SONABEL) ont animé une conférence de presse le 4 mars 2016 à Ouagadougou. Photo : François De Salle Ouédraogo, directeur général de la SONABEL




« Structurellement déficitaire » depuis 2011, la Société nationale burkinabè d’électricité (SONABEL) recherche les voies et moyens pour équilibrer ses comptes. Un challenge pour son directeur général, François de Salles Ouédraogo, qui a pris les rênes de la société en fin 2014. Le patron de la nationale d’électricité lève un coin de voile sur la gestion de la société, la stratégie de diversification des sources d’énergie et l’épuration de la dette …


Sidwaya (S.) : La SONABEL est en tête des entreprises publiques déficitaires en 2015 à hauteur de 17 milliards de F CFA. Comment expliquez- vous cette situation qui semble perdurer?


François de Salles Ouédraogo (F.S.O.) : Effectivement depuis 2011, la SONABEL cumule les déficits. De 2011 à maintenant, nous avons enregistré des exercices déficitaires cumulés d’environ 67 milliards F CFA, dont le dernier est estimé à 17 milliards de F CFA. C’est un déficit structurel, qui n’est pas lié à la mauvaise gestion. Cette situation relève du fait, que le tarif de l’électricité, appliqué actuellement, a été fixé en 2006 et n’a pas connu d’évolution. Avec l’inflation, les coûts augmentent. Au-delà, nous avons notre principale charge qui est le combustible. En 2006, le baril du pétrole brut était de 50 à 60 dollars US. Le cours a frôlé les 150 dollars en 2012. Ce n’est qu’après qu’il a commencé à diminuer. Depuis 2011, nous vendons l’électricité à un prix assez bas que nous ne le produisons, parce que le coût du pétrole était en hausse. Ce paradoxe explique essentiellement le déficit actuel qui perdure depuis 2011.


S. : Une certaine opinion attribue ce déficit à une conjonction de mauvaise gestion, de mauvais choix technique, d’un personnel pléthorique... Ce diagnostic est-il pertinent ?


F.S.O. : Au-delà du gouvernement, la gestion de la SONABEL est soumise au regard scrupuleux d’un certain nombre de partenaires financiers, qui la suit chaque année à travers l’Assemblée générale des sociétés d’Etat. A aucun moment, ces instances de vigilance n’ont posé un problème de gestion. Même si tant est-il qu’elle reste une œuvre humaine toujours perfectible. La source de nos problèmes actuels, qui sont du reste connus du gouvernement et de tout le monde, ne se trouve pas dans la gestion de la société. Ce n’est pas non plus une question de pléthore d’effectifs. C’est un problème structurel. Le personnel de la SONABEL d’il y a dix ans, comparé à celui d’aujourd’hui et rapporté à ses activités, il y a dix ans, comparées à celles d’aujourd’hui, il ressort que la société connaît un accroissement de ses activités de l’ordre de 10 à 12 % par an, tandis qu’elle est confrontée à un manque criant d’effectifs. Ce qui l’oblige à recourir à des contrats à durée déterminée pour renforcer nos équipes. Parler de pléthore de personnel n’est donc pas exact. Il y a un fossé entre ce que la rue pense et qui est tout à fait contestable et la réalité qui repose sur des entités fiables. Les partenaires financiers et l’AG des sociétés d’Etat ont une bonne opinion de la SONABEL, parce qu’ils ont en leur possession, des éléments qui leur permettent d’apprécier en toute objectivité.


S. : Sur le volet technique précisément, certains vous reprochent de commander des groupes d’occasion, qui consomment beaucoup et plombent du coup la situation financière de la société ?


F.S.O. : Les groupes, que nous commandons, sont de grandes capacités. De même, les entreprises, avec lesquelles nous travaillons, sont aussi de grande renommée et ont leur réputation à défendre. Cela les empêche d’installer des groupes d’occasion. La SONABEL bénéficie de financements pour acheter ses groupes. Ces soutiens financiers sont octroyés par des partenaires ayant un droit de regard sur les activités de la société. Ceux-ci ne sauraient accepter que leurs appuis servent à acheter et à installer des groupes d’occasion. Du reste, nous ne pouvons pas nous permettre d’installer des groupes d’occasion à la place des groupes neufs. Il est vrai, que l’importation d’un certain nombre de groupes a été confrontée à des difficultés à un moment donné. C’est le cas du groupe n°1 de Komsilga, qui a connu des péripéties au cours de son transport au point d’être bloqué pendant un an au port d’Abidjan. A cause des effets de l’air salin au contact du métal, la rouille l’a attaqué facilement. Donc ce groupe a connu des problèmes. Mais dès l’arrivée du groupe, il y a eu une expertise des parties touchées. Ce qui a permis de les changer et de le mettre en état de fonctionnement normal. Les gens continuent de faire allusion à des groupes d’occasion auxquels la SONABEL a eu recours à un moment donné pour se dépanner. A l’époque, la direction générale savait qu’elle avait affaire à des groupes d’occasion et c’était juste pour des besoins ponctuels. Elle ne les a pas achetés au prix du neuf. Pour les acquérir, des techniciens sont allés sur place inspecter les groupes, apprécier avant que la SONABEL ne s’engage. On ne peut pas imaginer que les gabarits de groupes installés actuellement sont d’occasion. Il est difficile de faire de la jonglerie à ce stade
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S. : A propos des équipements toujours, ne pourriez-vous pas réduire vos charges en arrêtant d’importer des poteaux électriques en acier au profit du bois et des matériaux locaux ?


F.S.O. : Effectivement, on peut envisager l’utilisation de poteaux-bois, de poteaux-béton. A un moment donné, le cours du fer avait pratiquement doublé et nous avons pensé que c’était l’occasion de nous orienter vers le bois ou le béton. Mais après évaluation, nous nous sommes rendus compte, que le poteau métallique restait toujours moins cher. Actuellement, beaucoup de fabricants de poteaux-béton se sont installés au Burkina Faso. Petit à petit, le béton fait son entrée dans le réseau. Mais cela demeure toujours un peu plus cher que le métallique. Du fait de son poids, sa manutention est plus compliquée et le transport plus coûteux. Mais nous pensons qu’il faut aller vers le béton, parce que c’est une technique qui va donner du travail aux Burkinabè.


S. : L’AG des sociétés d’Etat a encouragé la SONABEL à diversifier ses sources d’énergie. Comment cela va s’opérer concrètement ?


F.S.O. : D’ores et déjà, nos centrales permettent de produire de l’électricité à partir de diverses sources. Nous avons déjà une ligne, qui permet d’importer l’électricité de la Côte-d’Ivoire. C’est une sorte de diversification. Une deuxième ligne nous permettra d’importer 100 mégawatts d’électricité à partir de Bolgatenga au Ghana d’ici à fin 2017. L’interconnexion Nigeria-Niger-Burkina (au moins 150 MW) et une autre ligne Ghana–Bobo-Dioulasso-Sikasso permettront d’avoir d’autres sources d’approvisionnement. Le Premier ministre vient de lancer les travaux de la centrale solaire de Zagtouli. C’est un autre volet de la diversification. Le gouvernement a affirmé sa volonté de prioriser le solaire pour la satisfaction des besoins en énergie de la population. Beaucoup de projets sont en cours dans ce sens. Il y a les centrales solaires de 33 MW de la SONABEL à Zagtouli, celle de 20 MW en partenariat public-privé avec la SEMAFO. Cinq autres centrales sont en cours de négociation pour une puissance totale de 67 MW. Le ministère en charge de l’énergie a aussi lancé une procédure pour une centrale solaire de 80 MW solaire et de 100 MW thermique. Nous avons des barrages hydroélectriques en exploitation et d’autres en projet, tels que le barrage en aval de Bagré et Samendéni. Au niveau de l’énergie thermique, la Banque mondiale accompagne la SONABEL avec une puissance de 50 mégawatts. Nous avons un projet d’une centrale de 150 mégawatts à Ouaga-Est dans la zone de Saaba. Un autre projet de 210 mégawatts dans la zone de Donsin. L’un dans l’autre, cela permettra de respecter la recommandation de l’AG des sociétés d’Etat.


S. : L’énergie solaire vous reviendra-t-elle moins chère que vos sources d’énergie actuelles ?


F.S.O. : On peut affirmer, que le coût du solaire a suffisamment baissé pour revenir moins cher que nos sources actuelles, principalement le diesel mais son option a, tout de même, un handicap. Il ne fonctionne pas la nuit de même que les jours couverts. Donc le solaire ne peut pas remplacer le système actuel. Il vient en complémentarité. Toute substitution suppose qu’il va falloir stocker l’énergie. Un tel choix va renchérir les coûts et va entraîner des coûts supérieurs au diesel. Peut-être qu’à court terme, nous aurons des solutions de stockage qui permettent de baisser les prix. C’est seulement en ce moment qu’on peut envisager de remplacer le diesel par l’énergie solaire. Il y a un autre type d’énergie solaire-thermique mais le coût des investissements et le coût de revenu du kilowatt/heure demeure à un niveau assez élevé.


S. : Il a aussi été question d’un protocole Etat-SONABEL-SONABHY fixant les prix des combustibles vendus à la SONABEL. De quoi s’agit-il exactement ?


F.S.O. : Nous vendons le courant moins cher que nous ne le produisons. Conscient de cela, l’Etat a cherché la solution qui va permettre à la SONABEL de mieux équilibrer ses comptes et de mieux fonctionner. Dans ce sens, et comme notre principale charge c’est le combustible, l’Etat a décidé de baisser le coût d’achat du combustible en s’appuyant sur la baisse du cours du pétrole. Avec cette mesure, nous aurons le combustible livré par la SONABHY à un coût acceptable afin de nous permettre d’équilibrer nos comptes.


S. : Quels sont les nouveaux prix à la baisse du combustible proposés par l’Etat à la faveur de la baisse du cours du baril de pétrole ?


F.S.O. : Il est prévu que nous achetions le combustible à son coût de revient au Burkina Faso avec un plafond. C’est-à-dire que si le cours est très bas et que nous pouvons équilibrer nos comptes avec, on nous les applique. Mais si le cours monte à un niveau où nous ne pouvons plus équilibrer nos comptes, l’Etat subventionne pour ramener le cours à un niveau où nous pouvons équilibrer nos comptes. Nous utilisons deux types de combustibles, le fuel et le DDO (NDLR DDO : Distillate Diesel Oil, fuel ou mazout destiné à certains groupes électrogènes des centrales). Le plafond du fuel est fixé à 200 F CFA le litre et le DDO à 300 F CFA.


S. : Des sociétés minières sont autorisées à titre exceptionnel à s’approvisionner en droiture c’est-à-dire directement à partir de la côte sans passer par la SONABHY. Cette faveur ne peut-elle pas être accordée à la SONABEL aussi ?


F.S.O. : Une démarche avait été engagée, mais elle a été abandonnée à un moment donné, car la SONABHY était en situation de monopole. Si on devait permettre à la SONABEL d’aller s’approvisionner ailleurs, il fallait casser le monopole de la SONABHY. Mais la démarche n’a pas abouti.


S. : Pour quelles raisons ?


F.S.O. : Le gouvernement s’est rendu compte, que ce n’était pas aussi facile que cela. C’est pratiquement à la fin de la Transition, lors des derniers conseils des ministres, que la décision a été prise de laisser tomber la procédure.


S. : Dans quelles mesures les nouveaux prix peuvent-ils contribuer à améliorer la situation financière de la SONABEL ?


F.S.O. : Actuellement nous vendons le kilowatt/heure à 121 F CFA mais nous le produisons à 138 F CFA. Si nous arrivons à produire à 141 F avec les prix qu’on nous propose, nous équilibrons nos comptes. Mais il faut dire que la SONABEL n’est pas une société, qui a vocation de se faire beaucoup d’argent. Notre fonction première, c’est donner l’électricité de bonne qualité et en quantité suffisante à la population. La société a toujours été structurellement déficitaire. Cela fait plus de trente ans, que je suis à la SONABEL, il n y a pas eu une situation où la société produit moins cher qu’il ne vend. A chaque fois qu’on a fait des études de tarifs qui suggèrent que, pour que l’entreprise soit viable, il faut vendre le kilowatt/heure à tel prix, l’Etat a toujours estimé qu’à ce prix on ne peut pas vendre l’électricité à la population. L’Etat décide de le vendre moins cher pour donner le complément avec une subvention du combustible pour un plafond de 21 milliards de F CFA annuellement. Nous bénéficions aussi d’un régime particulier, lorsque nous devons importer du matériel pour étendre le réseau.


S. : L’Etat et la SONABEL doivent plus de 80 milliards F CFA à la SONABHY. Quelles mesures envisagez-vous pour apurer la dette de votre principal fournisseur ?


F.S.O. : Avec les nouvelles mesures de baisse du coût du combustible, nous allons nous acquitter. Par rapport à ce que nous leur devons, nous avons déjà pris des engagements pour payer sur 10 ans, avec un taux d’intérêt de 2,5%. Par le passé quand cela marchait bien, on les payait correctement.


S. : Les coupures l’électricité ont été relativement moins longues et moins fréquentes durant la période de forte chaleur en 2016. Comment la SONABEL s’y est prise pour minimiser les délestages ?


F.S.O. : En interne, nous avons préparé les équipements (réseau, machines) à affronter la période. A l’externe, avec l’accompagnement du gouvernement, nous avons mis en place un stock de combustible de sécurité de 10 jours qui permet d’assurer l’approvisionnement régulier des groupes. On se rappelle qu’en 2015, une bonne partie des délestages était due au manque de combustibles du fait de la grève des transporteurs. La Banque africaine de développement (BAD) nous a octroyé une subvention de 16 milliards pour renforcer le stock de sécurité. Du côté de la Côte-d’Ivoire, la situation de leur parc de production s’est améliorée et a permis aux Ivoiriens d’augmenter la puissance et la quantité d’énergie vers le Burkina Faso. Toutes ces mesures combinées ont permis d’améliorer la situation.


S. : De nouveaux quartiers à Ouagadougou comme à Bobo-Dioulasso attendent depuis des années, la lumière de la SONABEL. L’attente va-t-elle se prolonger ?


F.S.O. : Cela est simplement dû au manque de moyens nécessaires pour étendre le réseau. On peut déjà dire, que la situation a évolué avec l’accompagnement de deux partenaires, la BAD et de la Banque islamique de développement (BID) pour étendre le réseau sur toutes les zones périphériques de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. En 2017, les techniciens seront sur le terrain pour entamer les travaux d’extension du réseau.


S. : Les projets cités tantôt pourront-ils mettre fin aux délestages ?


F.S.O. : En tant que technicien, la franchise m’amène à reconnaître que le Burkina Faso est dans une phase où il est difficile de clamer de sitôt la fin des délestages. Le pays est au début de son électrification avec un taux estimé à 19% et un taux de croissance des besoins de l’ordre de 10 à 12% par an. Ce qui est très élevé et demande des investissements énormes pour satisfaire la demande alors que le pays n’a pas beaucoup de ressources. Nous savons ce qu’il convient de mener comme investissement jusqu’en 2030 pour asseoir une autosuffisance en électricité. Si le phénomène de délestage perdure, c’est seulement parce que les fonds nécessaires pour réaliser les projets ne sont pas alloués à bonne date. Que la clientèle soit rassurée : nous travaillons à améliorer le service, à fournir de l’électricité de qualité, à réduire le coût, à offrir un meilleur service sur les sites d’accueil pour un règlement facile des factures. Nous œuvrons chaque jour, pour que les populations puissent avoir un abonnement ou un dépannage dans les délais. Nous sollicitons leur compréhension pour les manquements qu’elles viendraient à constater. Nous comptons sur leur patience et leur accompagnement pour nous améliorer. Les réalités vont évoluer à court terme.


Mahamadi TIEGNA
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