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Sidwaya N° 7456 du 10/7/2013

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Sexualité des jeunes à Réo : Douleur et malheur des adolescentes
Publié le jeudi 11 juillet 2013   |  Sidwaya




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Les grossesses précoces prennent de l’ampleur au Burkina Faso. C’est le cas dans la province du Sanguié où le nombre de «victimes» va crescendo. Pour mesurer l’impact de ce phénomène qui continue de faire verser des larmes et de semer la désolation au sein de la frange juvénile, nous nous sommes rendu, dans cette localité, située à environ 115 kilomètres de la capitale burkinabè. Immersion dans un drame silencieux où les jeunes filles sont les principales victimes.


Le regard triste, la peau décharnée, les yeux ankylosés par des nuits blanches, G.B ne cesse de maudire le jour où elle a fait la connaissance de son professeur de sciences physiques au lycée provincial de Réo. Orpheline de père, à 20 ans, sa vie a pris un tournant décisif, quand elle a su qu’elle attendait un enfant. Avec un sourire teinté de douleurs et de regrets, elle explique : «J’ai eu plusieurs rapports sexuels avec mon professeur que j’ai connu en 2009. Une nuit, quand nous avons fini nos rapports sexuels, il s’est précipité pour aller jeter le préservatif. Je n’ai rien compris. C’est un mois après que j’ai su que ce jour-là, le préservatif avait pété».
C’est le début des déboires. «Quand je l’ai informé que j'étais enceinte de lui, il a nié tout en bloc, protestant qu’il n’était pas mon seul copain. Même, le jour de mon accouchement, quand le travail a commencé, je l’ai appelé pour qu’il vienne à mes côtés, il m’a dit qu’il n’a rien à avoir avec cette grossesse», raconte-t-elle, avec douleur. En classe de Terminale D et mère d’une fillette de 18 mois, G.B. doit aujourd’hui affronter comme la plupart des adolescentes de la province du Sanguié, la dure réalité d’être fille-mère.

Venue de Ouagadougou en cette année scolaire 2012-2013, pour décrocher le Brevet d’études du premier cycle (BEPC), A.B attend d’être maman dans deux mois. Elève en classe de 3e au lycée provincial de Réo, elle n’a que 17 ans. L’auteur de sa grossesse, selon elle, est un élève du lycée communal de la ville. «Quand je l’ai informé que j'étais enceinte, il a reconnu son acte. Il m’a ensuite, demandé d’avorter. Face à mon refus, il a nié la paternité de la grossesse, me laissant seule avec mes problèmes», explique A.B. Du haut de ses 17 ans, le visage pâle, le regard innocent, l’air fatigué, A.B ne semble pas supporter le «fruit de son innocence».

Un mal caché dans les établissements scolaires

Bapio Bazié ne dira pas le contraire. Père de dix enfants, il a aussi connu les âffres de la grossesse de sa fille cadette en qui, dit-il, il avait placé beaucoup d’espoir, en raison de ses performances scolaires : «A 16 ans, ma fille a contracté une grossesse qui l’a éloignée pendant un long moment, des bancs. Veilleur de nuit, quand je m’absentais pour des raisons de travail, c’était une véritable occasion pour elle de disparaître, toute la nuit». Ces cas, affirme le chef de service de la protection de l’adolescent et de l’enfant de la province du Sanguié, Saturnin Kaboré, illustre bien un mal caché dans les établissements scolaires du territoire provincial. A l’en croire, les grossesses non désirées sont légion dans les établissements secondaires. Pour cette année scolaire, ce sont 21 cas de grossesses qui ont été portés à la connaissance des services de l’Action sociale (NDLR : 13, pour le lycée provincial et 8, pour le lycée communal). «La situation est alarmante au niveau du territoire provincial. Il y a plusieurs autres cas, tant au niveau de l’enseignement primaire que du secondaire, mais qui ne sont pas portés à notre connaissance», insiste M. Kaboré.

En effet, pour la plupart naïves, les jeunes filles ne maîtrisant pas les différents changements de leur corps, tombent dans les pièges de certains «prédateurs». Les auteurs de ces grossesses sont issus de toutes les couches sociales de la localité. Il s’agit, entre autres, d'élèves, des fonctionnaires, de commerçants, d'enseignants, de professeurs, de chauffeurs, de chômeurs, de paysans et d'orpailleurs. «Cette situation est récurrente. Pratiquement chaque année scolaire, nous enregistrons des cas de grossesse d’élèves de la 6è à la Terminale», révèle le proviseur du lycée provincial de Réo, Zéphirin Bationo. Il poursuit : «A peine sorties des jupons de leurs mamans, les individus abusent de la naïveté des gamines contre de l’argent, du matériel, surtout les téléphones portables et autres artifices de beauté», s’indigne M. Zéphirin Bationo. Pour lui, plusieurs raisons pourraient expliquer cette recrudescence des grossesses précoces dans les établissements scolaires. «Nées de parents moins nantis pour la majorité, ces dernières veulent paraître et ressembler aux autres», déplore-t-il. Et de préciser que pour assurer leur scolarité, plusieurs filles ont recours à la «bonté» de leur copain. «Quand ces dernières avancent dans les classes, il estime qu’il court le risque de la perdre et cela se termine par des grossesses», soutient-il.

Un frein à l’épanouissement de la fille

Les conséquences logiques de cette situation, déclare Saturnin Kaboré, sont désastreuses, car la jeune fille se trouve dans l’obligation d’interrompre ou d’abandonner ses études (alors que le garçon en est épargné). «C’est difficile pour moi de poursuivre mes études, tout en m’occupant de mon enfant. Rien ne va dans ma vie, depuis que j’ai contracté ma grossesse. Je suis maintenant à mon deuxième échec au BEPC», raconte C.K. qui, après avoir vécu les angoisses des grossesses précoces, a dû goûter, à deux reprises, au fruit amer de l’échec.

Souvent marginalisées, dit-elle, leurs camarades ne les quittent pas du regard ou se moquent d’elles. Une autre épreuve difficile à vivre pour ces jeunes filles, c’est le rejet de certaines d’entre elles par leur propre famille. «Etant de l’ethnie gourounsi, la tradition m’interdit d’avoir des rapports sexuels avec un partenaire de l’ethnie peulh, ne parlons pas de grossesse. C’est pourquoi, presque toute la famille me boude, me laissant seule avec mon sort et ma souffrance. A mon accouchement, je m’occupais toute seule de mon enfant, sans assistance», témoigne G.B, la gorge nouée par l’émotion.

Aussi, en raison du refus catégorique de certains auteurs des grossesses, certaines filles optent pour des solutions radicales : l’avortement. Pour Rémi Bationo, habitant le secteur n°2 de Réo, cela se fait généralement, dans la clandestinité et celles qui ont la chance de survivre n’ont pas le courage d’aller vers les services de santé pour des soins appropriés. Ce qui peut conduire à des problèmes graves de leur santé sexuelle (la stérilité).

L’éducation sexuelle, une nécessité

Pour le proviseur du lycée provincial de Réo, la cellule de base qu’est la famille, doit jouer convenablement, son rôle de premier éducateur. Pour ce faire, il faut que les parents acceptent d’aborder les questions de la sexualité avec leurs enfants, avant que ces derniers ne les découvrent hors de la cellule familiale ou à travers les mass médias. Outre la naïveté des jeunes filles, le gestionnaire du Réseau africain jeunesse santé et développement au Burkina Faso (RAJS/BF) de la province du Sanguié, Ousmane Bationo, pointe du doigt la pauvreté, la faim et l’irresponsabilité de certains parents. «A Réo, il n’est pas rare de voir trois à quatre adolescentes venues des localités voisines louer des maisons pour poursuivre leur cursus scolaire. La majorité d’entre elles découvre la ville pour la première fois et jouit d’une certaine liberté, en l’absence des parents. Sans aucune surveillance, c’est la débauche», déplore Zéphirin Bationo.
Outre le milieu scolaire, le phénomène touche presque toute la société. Avec l’ouverture de la mine de zinc de Perkoa et le développement des cultures de contre-saison, soutient le proviseur du lycée provincial de Réo, les travailleurs de ces secteurs exposent leur fortune dans les maquis, les buvettes ou autres lieux d’ambiance pour appâter les jeunes filles, en leur achetant des mobylettes, des objets de valeur, etc. De ce fait, elles n’hésitent pas à tomber dans leur piège. «Les jeunes de ces domaines ont vraiment de l’argent. Ils font même l’objet de convoitise par ces dernières. C’est pourquoi, ils arrivent à engrosser les filles du scolaire et du secteur informel qui, presque toutes, rêvent d'avoir un portable, des bijoux…», affirme-t-il.

Et le gestionnaire du RAJS/BF de la province du Sanguié de confirmer : «Les six sites d’orpaillage sont venus empirer le phénomène des grossesses précoces dans la province du Sanguié. L’année dernière, on dénombrait environ 50 adolescentes en état de grossesse dans la seule commune de Réo», confie-t-il. Pour le médecin-chef du district sanitaire de Réo, Mahamadi Tassembédo, les grossesses chez les adolescentes témoignent d'une grande méconnaissance de la contraception, des circuits d'accès à ces contraceptions et des risques liés aux rapports sexuels non protégés et aux Infections sexuellement transmissibles (IST). «En 2012, nous avons recensé 148 cas d’IST, seulement chez les jeunes adolescents et cela constituait 24,48% de tous les cas d’IST de la province. Avec l’absence de centre de dépistage volontaire dans la province, il est difficile d’avoir des données précises pour les cas de VIH/SIDA», précise-t-il.

Des actions pour prévenir les grossesses précoces et les IST

Pour venir à bout de ce phénomène, plusieurs initiatives sont menées par les autorités en charge de l’éducation, de la santé, des associations de jeunesse, et de protection de la famille et de l’enfant. Au district sanitaire de Réo, indique le médecin-chef, plusieurs actions sont entreprises pour prévenir les grossesses précoces et les Infections sexuellement transmissibles (IST). Il cite, entre autres, les sensibilisations, le counseling, les causeries sur des thématiques de prévention des grossesses précoces, la distribution des contraceptifs par les agents de santé communautaire formés dans les Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de la localité, la prescription de toutes les méthodes contraceptives avec la pose et le retrait des Dispositifs intra utérin (DIU), des jadelles dans toutes les formations sanitaires. «Pour garantir la disponibilité des produits contraceptifs, nous avons aussi mis en place un système de surveillance hebdomadaire qui nous permet de maintenir constant un niveau de stock pour assurer permanemment, la demande», a affirmé M. Tassembedo.

Toutefois, il regrette l’absence d’un centre d’écoute pour jeunes dans toute la province. Toute chose qui, selon lui, est aussi un frein à l’accessibilité des jeunes aux informations sur les méthodes de contraception, d’autant plus que très peu de parents acceptent d’accompagner leurs enfants. «Nous avons fait un plaidoyer dans le sens d’avoir un centre d’écoute pour jeunes, mais en attendant, la stratégie de sensibilisation par les pairs semble marcher le mieux dans le cadre de l’accès de ces jeunes aux méthodes contraceptives. Nous sommes en train de mettre en place un programme de sensibilisation par les pairs où des adolescents seront formés à ces méthodes de planification et, à leur tour, procéderont à la vente et à la sensibilisation».

Aussi, pour éradiquer le fléau, le RAJS/BF, selon son gestionnaire, sensibilise la jeunesse aux bienfaits des méthodes de contraception, afin de maintenir les adolescents sur le banc de l’école. «Par la distribution gratuite de condoms et les créations d’activités génératrices de revenus pour les filles, nous contribuons, un tant soit peu, à freiner ce fléau dans la localité», souligne-t-il. Outre la sensibilisation et les sanctions pénales, le chef de service de la protection de l’adolescent et de l’enfant de la province du Sanguié souhaite que soient inclus dans les programmes d’enseignement, des cours sur l’éducation sexuelle et la santé de la reproduction.
«Dès que la fille fait la connaissance d’un homme qui peut apporter des retombées financières à la famille, les parents, quel que soit son âge, sont consentants. Il faut que les parents sachent que trouver un mari à tout prix pour leur enfant, qu’elle soit mineure ou pas, n’est pas la solution à leurs problèmes», prévient-t-il.
Selon Félicité Bassolé, membre de la cellule d’appui à la Direction des politiques de populations, plus de 500 millions d'adolescentes vivent dans les pays en développement. Leurs droits, leur santé, leur éducation et leur potentiel doivent être protégés. Or, ajoute-t-elle, des millions d’entre elles sont de plus en plus confrontées à une discrimination et à une exclusion profonde qui les empêchent de faire valoir leurs droits et exprimer leur potentiel. C’est pour inverser la tendence a expliqué Mme Bassolé que la journée mondiale de la population 2013, célébré ce jour est placée sous le thème: “La grossesse chez les adolescentes.”

Pour une adolescence sans grossesse poursuit-elle, il faut faciliter l'accès des filles à l'éducation et à l’emploi, valoriser le statut des femmes et des filles dans la société, améliorer l’accès des services de santé sexuelle et reproductive aux adolescent(e)s et jeunes.

Abdel Aziz NABALOUM

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