Bobo-Dioulasso - La finale internationale du concours d’art oratoire « Thé-batteur » a opposé la Côte d’Ivoire au Burkina Faso, vendredi 1er juillet 2016 à l’Institut français de Bobo-Dioulasso. Dans la catégorie élève, le Lycée municipal de Port-Bouët (CI) a remporté le premier prix devant le lycée Ouezzin Coulibaly (BF). Chez les étudiants, c’est l’Université Ouaga II (BF), qui s’est imposée face à l’Université Félix Houphouët Boigny de Cocody (CI).
La 4e édition du concours de débat et d’éloquence interscolaire et universitaire « Thé-batteur », a pris une dimension internationale. La finale de la compétition a opposé le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire à l’Institut français de Bobo-Dioulasso, vendredi 1er juin dernier. Les candidats ont eu chacun dix minutes pour développer leur thèse, suivant trois critères expliqués par la présidente du jury, Mme Yéri Palé : le sens de l’analyse, l’éloquence et la présentation. Dans la catégorie élèves, tenant compte des crises politiques et sociales qui ont endeuillé la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, les candidats ont eu pour thème : « Doit-on au nom de la cohésion sociale, faire la réconciliation sans justice ? ». Pour Nafissatou Ouattara et Khali Ibrahim Diomandé, élèves au Lycée municipal de Port-Bouët en Côte d’Ivoire, sans justice, il n’est pas possible d’aller à la réconciliation.« Pourquoi vous les Burkinabè vous demandez toujours la justice pour vos martyrs des 30 et 31 octobre 2014 ? Pourquoi vous demandez la vérité sur la mort de Norbert Zongo, de Thomas Sankara ? », a martelé Nafissatou Ouattara. Pour elle et son colistier, la justice permet de situer les responsabilités avant de procéder à la réconciliation. Soleine Ouédraogo et Adama Ouédraogo, du Lycée Ouezzin Coulibaly du Burkina Faso, ont argué sur la thèse contraire. Pour ces deux nouveaux bacheliers, la justice dans cette condition est encore source de conflit. Il s’agit selon eux, d’une justice aux ordres, qui ploie dans la corruption. De ce fait, Soleine et Adama penchent pour un pardon « sincère » entre les fils du pays et recommandent de repartir sur de nouvelles bases. Les Ivoiriens ont le plus convaincu le jury. Ils ont en effet remporté le premier prix, avec 14,5 sur 20 points. Les deux élèves burkinabè se sont contentés de la deuxième place avec 13,5 points.
Quel modèle pour le développement des pays africains ?
Après les indépendances des pays africains, certains leaders ont appelé au fédéralisme. D’autres ont soutenu le micro étatisme. Le débat demeure. C’est sur cette thématique que les étudiants de l’Université Ouaga II au Burkina Faso et de l’Université Félix Houphouët Boigny de la Côte d’Ivoire ont débattu : « Le micro-étatisme est-il porteur de progrès et de stabilité ou faut-il envisager l’unité fédérale comme option à porter le progrès des populations africaines ? » Fatim Fofana et Eric Kouadio, étudiants ivoiriens, ont soutenu le fédéralisme. Ces disciples de Kwamé N’kruma ont fait savoir qu’avec le fédéralisme, il est plus facile pour les Africains de se développer. Pour eux, c’est l’ère des grands ensembles et les pays africains doivent s’inscrire dans cette dynamique pour mieux défendre leur intérêt. Comme en 1963 à la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), aujourd’hui Union africaine (UA), les chantres du micro-étatisme ont encore convaincu le jury. Cette idéologie est soutenue par Ange Rita Sougué et Cyprien Saouadogo, étudiants de Ouaga II. Ces deux étudiants ont remis l’indépendance des pays en cause, et surtout leur incapacité à s’entendre. « Comment peut-on comprendre que 54 pays ne soient pas capables de construire le siège de leur institution ? », a demandé Cyprien Saouadogo. Il s’agit du siège de l’Union africaine à Addis-Abeba en Ethiopie, construit par la Chine. La sortie de l’Angleterre de l’Union européenne a été évoquée même par Cyprien Saouadogo, pour dire que les grands ensembles souffrent d’explosion. Avec ces arguments, les étudiants burkinabè ont décoché 13,83 points sur 20. Ceux de la Côte d’Ivoire ont eu 13,5 sur 20. L’initiateur du concours, Piga Souleymane Yaméogo, s’est dit fier de ce qu’il fait. « Je suis très fier de voir que par une idée, nous arrivons à rassembler des Ivoiriens et des Burkinabè qui discutent », a-t-il dit. Panafricaniste, M. Yaméogo soutient que le micro-étatisme n’est pas source de progrès pour les pays africains : « C’est vrai que les vainqueurs de ce débat ont soutenu le micro-étatisme, mais en réalité nous, nous ne pouvons pas nous développer dans ce statut. Si nous réussissons à lever les frontières, cela va nous rendre forts et faciliter l’investissement ».
Rabalyan Paul OUEDRAOGO