Le projet de modification constitutionnelle au Burkina Faso, pays des Hommes intègres, commence à faire des gorges chaudes. Quand ce n’est pas la composition de la commission chargée de rédiger la nouvelle Constitution, qui fait polémique, c’est la volonté des autorités de revenir sur certains points, notamment l’indépendance de la magistrature, qui fâche. On se rappelle, en effet, que l’opposition politique, dans une récente déclaration, tout en s’interrogeant sur l’urgence qu’il y a à engager un processus d’écriture d’une nouvelle Constitution, demandait au Chef de l’Etat de revoir le décret portant création, attributions, organisation et fonctionnement de ladite commission constitutionnelle. Mieux, elle souhaite que toutes les dispositions à réviser fassent l’unanimité pour éviter d’élaborer une Constitution qui pourrait faire l’objet de contestations. Peu avant l’opposition, ce sont les Burkinabè vivant en Côte d’Ivoire, qui, à coup de déclarations, récusaient le choix de leur représentant, estimant qu’il s’est opéré de manière unilatérale. Et ce n’est pas tout. Les syndicats des magistrats, les présidents et procureurs des juridictions du premier degré, sont aussi vent debout contre toute remise en cause de l’indépendance de la Justice acquise à l’arraché. Ce sont là autant de griefs formulés ça et là contre le pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré qui, plutôt que de faire la sourde oreille en opérant un passage en force, gagnerait à rectifier le tir pendant qu’il est encore temps. Car, il ne sert à rien de mettre en place une Constitution qui, en elle-même, porte des germes de la contestation et qui, au lieu d’unir les Burkinabè, contribuera à les diviser davantage, surtout que la fracture née de l’insurrection populaire de fin octobre 2014, est encore présente dans les esprits. Il faudra donc faire en sorte que, dans la rédaction de cette nouvelle Constitution, seuls priment les intérêts du peuple burkinabè et non ceux d’un clan ou d’un régime. On ne veut plus d’une loi fondamentale taillée à la mesure d’un homme, comme ce fut le cas sous la IVe
République où Blaise Compaoré était l’Alpha et l’Oméga de tout. « Au début, c’était Blaise, à la fin c’était Blaise », disait à juste titre, Pr Abdoulaye Soma à propos de l’actuelle Constitution du Burkina.
Le Burkina n’a pas besoin d’une nouvelle crise sociopolitique
C’est pourquoi, comme nous l’avions déjà dit à la suite de certains spécialistes et autres observateurs avisés, l’idéal aurait voulu que la nouvelle Constitution fût rédigée sous la Transition qui était supposée être neutre. Cela aurait eu l’avantage de mettre tout le monde d’accord et d’éviter les suspicions venant de toutes parts. Alors, maintenant que la Transition est loin derrière nous, que faire au regard de la clameur qui ne fait que monter ? La réponse est simple. Il suffit, pour le régime en place, de laisser en l’état les acquis engrangés sous la Transition, notamment l’indépendance de la Justice et la sanctuarisation de l’article 37 de la Constitution qui a été à l’origine de tout ce que l’on sait. Dans le cas contraire, on risque d’aller vers un clash avec ses conséquences imprévisibles. Or, déjà durement éprouvé au plan économique, le Burkina, à l’heure actuelle, n’a pas besoin d’une nouvelle crise sociopolitique. C’est pourquoi les uns et les autres ont intérêt à mettre de l’eau dans leur vin. Car le contexte, marqué par le péril djihadiste, ne s’y prête pas. Aussi, rappelons-nous que depuis l’insurrection, les Burkinabè ont un précieux héritage à défendre ; celui d’un peuple mûr, qui sait taire ses divergences pour défendre ses intérêts. Ne l’oublions jamais!
Sidzabda