Quelles sont les perceptions des Burkinabè quant à la fréquence de la corruption au Burkina en 2015 ? Quels sont les services perçus comme les plus corrompus ? Quelles sont les initiatives des différents acteurs en matière de lutte contre la corruption ? Telles sont les interrogations auxquelles tente de répondre le rapport 2015 du Réseau national de lutte anticorruption (REN-LAC) qui a été lancé hier 30 juin 2016 dans la salle de conférences des Archives nationales à Ouagadougou.
Pour 87,4% des enquêtés, les faits et pratiques de corruption sont fréquents voire très fréquents au Burkina Faso. De même, les secteurs des marchés publics, de la douane et de la police municipale constituent le trio de tête des services perçus comme les plus corrompus du pays en 2015. Ces données émanent du document de 119 pages produit par le Réseau national de lutte anticorruption (REN-LAC) dans sa volonté d’informer les Burkinabè sur l’évolution de la gouvernance. Cette structure entend ainsi mettre à la disposition des citoyens et des communautés des chiffres à même de leur permettre de se mobiliser contre ce fléau, d’attirer l’attention du gouvernement sur la gravité du phénomène et de la nécessité d’engager des actions contre les corrompus et les corrupteurs.
Les résultats ont été obtenus grâce à un sondage qui a été réalisé du 2 au 16 novembre de l’année dernière, puis a touché les 13 chefs-lieux de région y compris la ville de Pouytenga. L’étude a concerné 2 000 personnes parmi la population âgée de 20 ans et plus, en tenant compte du sexe et de la catégorie socioprofessionnelle. Ainsi, le taux de perception de la fréquence de la corruption (87,4%) en comparaison avec ceux de 2013 et de 2014 montre que la corruption a légèrement baissé. Ces pourcentages étaient respectivement de 96 contre 91, d’où une leurre d’espoir des initiateurs de l’étude. Par ailleurs, la Direction générale des transports terrestres et maritimes (DGTTM), les impôts et la justice occupent les 4e, 5e et 6e places. Les services concernés par le classement grossissent avec l’arrivée de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et la Caisse autonome de retraite des fonctionnaires (CARFO), qui ne resteront qu’à la queue du peloton (17e et 18e).
Intervenant six mois après la prise de fonctions des nouvelles autorités issues des élections couplées du 29 novembre 2015, les commanditaires de l’étude estiment que les signaux en matière de gouvernance et la volonté de lutte contre la corruption restent faibles. Le secrétaire exécutif du REN-LAC, Claude Wetta, en veut pour preuve « des nominations de personnalités au passé trouble et dont la gestion n’a pas été des plus exemplaires ». « On peut citer des noms de personnalités telle celle liée à la mauvaise gestion de parcelles à Koudougou et révoquée pour cette mauvaise gestion, nommée directeur de cabinet du président », déclare-t-il par exemple, avant d’interpeller le chef de l’Etat à se souvenir de la promotion de la «méritocratie» dans les nominations. Le REN-LAC se félicite enfin de l’adoption de la loi portant prévention et répression de la corruption par le gouvernement de la Transition et de la réforme de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat (ASCE) désormais ASCE-LC (lutte contre la corruption). Il exhorte le pouvoir à mettre en place une chaîne pénale spéciale pour sanctionner les crimes économiques, et compte instaurer un Prix de lutte anticorruption pour encourager les services à consentir plus d’efforts.
Aboubacar Dermé (Stagiaire)