«Vous n’atteindrez la (vraie) piété, que si vous faites largesses de ce que vous chérissez. Tout ce dont vous faites largesses, Allah le sait certainement bien». (Coran 3/92). De cette sourate, chaque musulman est appelé à être généreux. Ismaël Tiendrébéogo, imam du Cercle d’étude, de recherche et de formation islamique (CERFI) et de l’Association des élèves et étudiants musulmans au Burkina Faso (AEEMB) revient sur les vertus de la générosité.
Durant le mois de ramadan, beaucoup d’entre nous prennent de nouvelles habitudes vertueuses. Si celles-ci survivent au mois, nous aurions compris la philosophie de ce mois d’apprentissage et aurions tiré le plus grand profit. Mais si ces habitudes vertueuses ne sont que des postures que nous aurons adoptées seulement pendant ce mois, nous aurions moins compris ce mois et en aurions moins profité que les autres. C’est pourquoi, il faut envisager le ramadan comme une école et non comme une simple parenthèse. Pour nous y aider, nous abordons aujourd’hui une caractéristique de ce mois, dont tout le monde témoigne : la générosité.
Utiliser juste le strict nécessaire
La caractéristique principale de ce mois, ce sont les trois abstinences que sacralise l’intention de plaire à Dieu : abstinence du manger, du boire et de la copulation. Or que sont le manger, le boire et les relations charnelles pour beaucoup de personnes ? Ce sont des choses dont on ne peut se passer ! Et pourtant, le ramadan nous enseigne le contraire, du moins pendant la période d’observation du jeûne. Nous pouvons bien nous passer de ce qui nous semble vital pendant au moins une dizaine d’heures par jour. En soi, deux leçons peuvent déjà en être tirées : nous pouvons renoncer à ce qui nous est vital pendant un certain temps pour plaire à Celui qui nous a créés et connaît parfaitement nos besoins, d’une part, et d’autre part, nous n’avons pas besoin d’autant de quantités de nourriture que nous en avons l’impression.
Autrement, si nous tirons de cette science expérimentale que l’impression qu’il nous est nécessaire de manger sans arrêt est fausse et apprenons du ramadan cette sensibilité des autres à la faim pour l’avoir endurée, il nous viendra naturellement cette disposition à partager ce que nous aurons ainsi économisé avec ceux dont nous avons partagé la faim. Mieux, et scientifiquement parlant, le jeûne pousse notre organisme à diminuer ses besoins en nourriture un certain temps après le mois de ramadan et c’est en retournant à nos vieilles habitudes après le mois de jeûne que nous le replongeons dans la consommation de quantités superflues. Tout est fait à travers le jeûne pour que nous nous contentions du strict nécessaire et pensions aux autres. En effet, «Jamais le fils d’Adam n’a rempli de récipient pire que son ventre. Il suffisait pourtant au fils d’Adam quelques bouchées pour subvenir à ses besoins. Et même s’il lui en fallait absolument davantage, qu’il réserve donc une part de son estomac à son manger, l’autre part à son boire et le dernier tiers à sa respiration». (hadith rapporté par Tirmidhi).
Ainsi, « O fils d’Adam ! Si tu dépenses (en aumônes) ce qui excède tes besoins, cela te sera meilleur et, si tu le gardes pour toi, ce sera pour toi un mal. On ne te reprochera pas tout ce que tu auras gardé pour tes besoins réels. Quand tu dépenses, commence par ceux qui sont à ta charge ». (Idem.). Il ne s’agit pas seulement d’une générosité consistant à nourrir, même si «n’est pas croyant (sincère) celui qui dort repu alors que son voisin a faim». En effet, en tout, «Le croyant est simple et généreux».
Moment propice pour de bonnes œuvres
On aura remarqué que «le jeûne vous a été prescrit comme il l’a été aux générations avant vous afin que vous atteigniez la piété» (sourate 2, 187). Or «La bonté pieuse ne consiste pas à tourner vos visages vers le Levant ou le Couchant. Mais la bonté pieuse est de croire en Allah, au Jour dernier, aux Anges, au Livre et aux prophètes, de donner de son bien, quelque amour qu’on en ait, aux proches, aux orphelins, aux nécessiteux, aux voyageurs indigents et à ceux qui demandent l’aide et pour délier les jougs, d’accomplir la Salat et d’acquitter la Zakat. Et ceux qui remplissent leurs engagements lorsqu’ils se sont engagés, ceux qui sont endurants dans la misère, la maladie et quand les combats font rage, les voilà, les véridiques et les voilà, les vrais pieux !» (Sourate 2, verset 177)
Spécialement pour le mois de ramadan, «Quiconque donne à un jeûneur de quoi rompre le jeûne aura la même récompense que celui-ci sans que cela diminue en rien la récompense du jeûneur». (Rapporté par Tirmidhi et Ibn Majah)
D’après Abou Houreira (qu’Allah l’agrée), «le Prophète (que la prière d’Allah et son salut soient sur lui) était le plus généreux des hommes et le moment où il était le plus généreux est durant le ramadan» (Rapporté par Boukhari dans son Sahih n°3220 et Mouslim dans son Sahih n°2308).
Des actions utiles pour les parents disparus
Les actes de générosité peuvent être faits en son nom propre ou au nom de ses parents décédés, car en islam, «quand une personne décède, le compte de ses bonnes œuvres est arrêté sauf dans trois cas : il a laissé un enfant vertueux qui lui fait des invocations, il a enseigné une science qui profite aux gens même après lui, et il a réalisé une œuvre profitable aux gens qui lui ont survécu». Ainsi, au jour de la résurrection, «il sera présenté à une personne une montagne de bonnes œuvres et il lui sera dit : «Toute cette quantité de bonnes œuvres t’appartient». Cette personne dira : «Mais Seigneur, je n’ai rien fait qui me fasse mériter autant de bonnes œuvres! », et il lui sera répondu : «Effectivement, mais tu as laissé un tel de tes enfants derrière toi, qui a fait des aumônes pour toi, qui a prié pour toi et a fait « astaghriroullah» à ton profit. C’est ce qui te vaut ces bonnes actions !»
A chacun de vous, je dis ceci : «Faites miséricorde à ceux qui sont sur terre afin que celui qui est là-haut vous en témoigne !» et «que celui qui est aisé dépense de sa fortune; et que celui dont les biens sont restreints dépense selon ce qu’Allah lui a accordé. Allah n’impose à personne que selon ce qu’Il lui a donné, et Allah fera succéder l’aisance à la gêne» (Sourate 65, verset 7). En effet, quiconque a été protégé contre sa propre avidité... ceux-là sont ceux qui réussissent. «Si vous faites à Allah un prêt sincère, Il multipliera pour vous et vous pardonnera. Allah cependant est très Reconnaissant et Indulgent. Il est le Connaisseur du monde Invisible et visible, et Il est le Puissant, le Sage.» (Sourate 64, verset 17-18)
Le don du sucre n’est pas une obligation
Il n’y a rien de particulier qui doit être donné et le don de sucre n’est pas la seule forme de générosité qui vaille. Tout ce qui est nourriture et boisson licites peut être donné avec cette recommandation explicite du Coran : «Ô les croyants ! Dépensez des meilleures choses que vous avez gagnées et des récoltes que Nous avons fait sortir de la terre pour vous. Et ne vous tournez pas vers ce qui est vil pour en faire dépense. Ne donnez pas ce que vous-mêmes n’accepteriez qu’en fermant les yeux ! Et sachez qu’Allah n’a besoin de rien et qu’Il est digne de louange. Le Diable vous fait craindre l’indigence et vous recommande des actions honteuses; tandis qu’Allah vous promet pardon et faveur venant de Lui. La grâce d’Allah est immense et Il est Omniscient. Il donne la sagesse à qui Il veut. Et celui à qui la sagesse est donnée, vraiment, c’est un bien immense qui lui est donné. Mais les doués d’intelligence seulement s’en souviennent. Quelles que soient les dépenses que vous avez faites, ou le vœu que vous avez voué, Allah le sait. Si vous donnez ouvertement vos aumônes, c’est bien; c’est mieux encore, pour vous, si vous êtes discrets avec elles et vous les donniez aux indigents. (Sourate 2 267-271).