Après quatre renvois, la Cour de cassation devait examiner, hier 29 juin 2016, le dossier Ousmane Guiro qui fait l’objet de deux pourvois devant elle. Mais pour la énième fois, le dossier a été… renvoyé. En cause, le non-respect des délais de notification. Rendez-vous a donc été pris, de façon ferme, pour le 25 août 2016.
Hier peu après 9 heures, toutes les parties au procès étaient là dans la salle d’audience de la Cour de cassation. A peine la présidente de la cour, Thérèse Sanou, avait-elle déclaré l’audience ouverte que les avocats de la défense ont demandé la parole pour faire remarquer l’inobservation du délai de 15 jours de notification. Ils disent n’avoir reçu la notification que le 15 juin. Avec une audience programmée pour le 29 juin, on est en deçà des 15 jours prescrits par la loi. En conséquence, ils ont requis le renvoi pur et simple du dossier. «Vous ne pouvez pas dire qu’on ne vous a pas donné assez de temps dans ce dossier depuis novembre 2015», a déclaré la présidente de la Cour face à cet incident. Ce à quoi Me Anna Ouattara Sory, avocat d’Ousmane Guiro, a répondu : «Le dossier n’a pas été renvoyé à ce jour, il l’a été parce qu’il n’était pas en l’état». Pour Dama Ouali du parquet général de la Cour de cassation, «le dossier a été plusieurs fois renvoyé. Il est en l’état aujourd’hui ; je ne vois pas pourquoi concéder un renvoi. Il n’y a pas d’élément nouveau et en plus tout le monde (ndlr : toutes les parties) est là. Cette procédure est restée longtemps en souffrance, et il faut en finir» avec.
«Si le dossier est retenu, nous nous déportons»
Me Séraphin Somé, avocat de l’Etat, soutenant les déclarations du parquet, a fait noter à la Cour que la défense n’a présenté aucun préjudice que la situation actuelle, à savoir la non-notification dans les délais, lui cause. Son collègue Me Anicet Somé, défendant aussi l’Etat, a estimé qu’il fallait juger puisque «dans tous les cas ils (les avocats de Guiro) sont là». Reprenant la parole, le procureur général a invité la Cour à s’en tenir à «l’esprit de la loi, qui est de donner un temps suffisant à la défense». Autrement, les 15 jours ne sont pas un fétiche. Mais ce n’est pas l’avis de Me Paulin Salembéré, avocat de Guiro : «Je suis étonné de ces développements juridiques. La première institution judiciaire ne peut pas violer la loi. Soit on fait du droit, soit on fait de la mécanique du droit». Il a rappelé qu’en matière pénale, l’interprétation est stricte. L’article 598 alinéa 2 dit 15 jours ; «les 15 jours ne sont pas remplis, il faut simplement renvoyer le dossier. Même au tribunal de grande instance, ce principe est respecté ; ce n’est pas ici en cassation qu’il ne le sera pas». Embarrassée par la situation, la présidente de la Cour s’est résolue à suspendre l’audience. Moins d’un quart d’heure après, retour à l’audience. D’entrée de jeu, la présidente a informé les parties que «la Cour a décidé de joindre cet incident au fond». En clair, la question de la non-notification dans les délais sera traitée lors des délibérations de la Cour. Refus catégorique des avocats de Guiro. Et Me Paulin Salembéré de déclarer : «Si le dossier est retenu, nous nous déportons». Autrement dit, le cabinet Ouattara et Salembéré se retire du dossier.
Eviter les problèmes juridiques
Mais le parquet général n’en a cure. Pour lui, la procédure étant écrite, «on a déjà les écritures des avocats et on peut les utiliser». Me Anna Ouattara Sory lui a rétorqué : «Si on se déporte, nos conclusions ne peuvent pas servir à ce procès. C’est une production intellectuelle qui nous appartient». Sur ces entrefaites, Me Adrien Nion, avocat de Guiro, a estimé que «s’il y a déport, il faut en aviser le client qui décidera qui prendre pour le défendre. Guiro sait pourquoi il a pris trois cabinets d’avocats pour le défendre». Dans le souci «d’éviter les problèmes juridiques», la pré- sidente de la Cour a déclaré qu’«il faut qu’on s’entende sur une date ferme». Mais pour le parquet général, «il n’y a pas d’entente à faire avec des gens qui se sont déportés, qui se sont retirés du procès». Réponse de Me Anna Ouattara Sory : «La Cour ne nous a pas donné acte de notre déport». Pour mettre fin aux échanges, la présidente de la Cour a décidé de renvoyer le dossier, de façon ferme, au 25 août 2016. C’est le 5e renvoi de ce dossier. Les avocats d’Ousmane Guiro pouvaient jubiler… En rappel, la Cour de cassation devrait, soit confirmer le verdict prononcé lors des assises, soit casser ce verdict et, éventuellement, renvoyer le dossier à la Cour d’appel afin qu’il soit jugé à nouveau lors d’une autre session d’assises avec de nouveaux juges et de nouveaux jurés.
San Evariste Barro