Après le verdict d’assises prononcé le 20 juin 2015 dans le dossier Ousmane Guiro, du nom de cet ancien directeur général des Douanes, le procureur général avait formé un pourvoi en cassation deux jours plus tard. C’est ce pourvoi qui sera examiné ce matin, 29 juin 2016, par la Cour de cassation après de multiples renvois depuis novembre 2015.
Corruption passive, enrichissement illicite et violation de la réglementation des changes. C’est sous ces chefs d’accusation que l’ancien directeur général des Douanes Ousmane Guiro avait comparu le 18 juin 2015 devant la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Ouagadougou. On se rappelle que l’homme, à qui appartenaient des cantines contenant près de 2 milliards de nos francs, en liquide, avait plaidé «non coupable». Mais, après trois jours d’instruction à la barre, le 20 juin 2015, la Chambre criminelle l’a reconnu coupable et, en répression, l’a condamné à deux ans de prison avec sursis et à 10 millions FCFA d’amende. En outre, la Cour a ordonné la confiscation des scellés à hauteur de 900 millions FCFA. Avec un tel verdict et s’agissant d’une affaire de gros sous, on peut avouer que l’ancien directeur général des douanes s’en est tiré à très bon compte, car, non seulement il a recouvré la liberté, mais en plus, il a conservé un milliard sur le 1,9 milliard qui étaient stocké dans ses cantines à domicile. Insatisfait du verdict, le parquet général a formé un pourvoi dès le 22 juin. Et, fait rarissime, en l’espace de 5 mois seulement, le dossier Guiro était au rôle d’audience de la Cour de cassation. Généralement un dossier qui arrive en cassation met un à 5 ans, voire davantage, avant d’être traité. La carrure de l’accusé et le contexte insurrectionnel y ont-ils été pour quelque chose ? Allez-y savoir ! Programmé le 26 novembre 2015, le dossier avait finalement fait l’objet de renvoi à la demande de la défense, car les avocats de Guiro avaient invoqué le non-respect de l’article 598 alinéa 2 du code de procédure pénale. Cette disposition légale précise qu’entre la notification et la date du procès, il faut respecter un délai de 15 jours. Finalement, le dossier avait été renvoyé au 16 décembre 2015 ; un temps suffisant pour régler et régulariser la question du délai de notification.
On pouvait s’attendre à la tenue effective du procès le 16 décembre 2015. Mais ce jour-là, les avocats de Guiro ont estimé que le dossier ne pouvait pas être jugé en l’état. En cause, l’absence dans le dossier des conclusions écrites du procureur général de la Cour de cassation. Ces conclusions sont importantes, car elles précisent s’il faut casser ou non le jugement de la Cour d’appel. Et la défense en a besoin pour organiser ses plaidoiries. Ce jour-là, le procureur général de la Cour de cassation avait déclaré qu’il faisait siennes les conclusions de son homologue de la Cour d’appel ; un argumentaire qui n’avait pas prospéré, et le dossier avait été renvoyé au 8 janvier 2016 afin que le procureur général de la plus haute instance judiciaire puisse rédiger ses conclusions. Le 8 janvier 2016, c’est au tour des avocats de l’Etat de se plaindre de la non-prise en compte de leur pourvoi en cassation. En fait, il y a deux pourvois dans cette affaire : celui formé par le parquet général de la Cour d’appel et celui formé par l’Etat.
Le dossier a donc été renvoyé à aujourd’hui 29 juin 2016 afin de permettre la prise en compte du pourvoi de l’Etat. Ce matin donc, dans la salle d’audience de la Cour de cassation, le pourvoi devrait être enfin examiné afin de fixer l’accusé Ousmane Guiro sur son sort. En effet, la Cour devrait, soit confirmer le verdict prononcé lors des assises, soit casser ce verdict et, éventuellement, renvoyer le dossier à la Cour d’appel afin d’être jugé à nouveau lors d’une autre session d’assises avec de nouveaux juges et de nouveaux jurés. Mais n’allons pas si vite en besogne, car rien ne dit que ce matin, les avocats d’Ousmane Guiro ne vont pas trouver une autre faille dans le dossier et demander en conséquence son renvoi à une prochaine audience de la Cour de cassation. Pourquoi pas surtout que le dossier Guiro, au seuil de la Cour de cassation, a fait l’objet de renvois multiples comme nous venons de le montrer. Alors wait and see !
San Evariste Barro