Les Koglwéogo n’en finissent pas de faire parler d’eux. En rappel, le 25 juin 2016, des affrontements violents avaient opposé pro et antiKoglwéogo à Zongo, un quartier périphérique de la capitale. Suite à ces échauffourées, les forces de l’ordre ont interpellé des membres de ces groupes d’auto-défense. Hier dans la matinée, leurs camarades ont bloqué la route de Bobo pour exiger leur libération.
Il est 10h 55 lorsque notre équipe de reportage arrive au dernier carrefour avant le barrage de Boulmiougou. Nous sommes sur la route nationale No 1, et un des usagers de la voie que nous accostons nous fait savoir qu’il nous est impossible de poursuivre le chemin en voiture. La raison : des koglwéogo ont érigé des barrières depuis 7h, bloquant le trafic sur cette route habituellement très fréquentée. Nous poursuivons donc à pieds. A hauteur du pont de Boulmiougou, nous comprenons réellement l’ampleur de la situation : une longue file de cars de transport, de camions -citernes, et de véhicules poids légers, et ceux qui n’y sont pas encore coincés dans une attente à durée indéterminée font demi-tour pour reprendre la voie en sens inverse. Les cars en partance pour les villes de l’intérieur du pays se sont vidés de leurs passagers. Ces derniers attendent impuissants sur la voie avec le sentiment d’être les victimes collatérales d’une situation qu’ils n’ont pas créée .Selon un passager en route pour Koudougou, c’est l’Etat qui aurait dû travailler à éviter ce genre de situation. Les représentants de l’Etat, ce sont les forces de l’ordre qui sont déjà présentes sur les lieux où grouille un monde composé de manifestants et de badauds. Pour l’heure, la BAC et la CRS ont privilégié le dialogue avec les croquants, sans succès. De gros blocs de béton, de grosses pierres, des câbles et des pneus maintiennent toujours le blocus de la voie, dans les deux sens. Sifflet à la bouche, un manifestant entonne : « Libérez les Koglwéogo ! Barrez ! ». Un autre lui emboîte le pas : « Personne n’entre, personne ne sort ». Les koglwéogo et leurs soutiens ont donc élu domicile en plein milieu de la voie et ils semblent déterminés à aller jusqu’au bout.
Un imâm arrêté
Edmond Nayaga, habitant de Zongo et membre des Koglwéogo, nous donne les raisons de leur courroux : « Les forces de l’ordre sont venues nous écouter lors des évènements de Zongo qui ont d’ ailleurs été montés contre nous. Mais à notre grande surprise, les policiers ont amené nos éléments et les ont gardés. C’est pour cela que nous sommes sortis ce matin dire que ce n’est pas normal, et nous exigeons la libération de nos camarades». Et de poursuivre : « Nous ne comptons pas libérer la route si nous n’obtenons pas gain de cause. Si les forces de l’ordre tirent sur nous, elles risquent de tout gâter ». Cette détermination, nous la constatons à un second barrage qui semble tenu uniquement par des femmes. Elles se présentent comme des épouses de Koglwéogo. Bintou Ouédraogo, dont le mari a été arrêté, est l’une d’elles : «Ils ont enfermé nos maris. Nous voulons qu’on les libère, car ils n’ont rien fait, au contraire, ils assurent notre sécurité. Nous sommes dans le mois de jeûne, et nous n’avons plus d’imam, car lui aussi a été arrêté. En barrant la voie, nous espérons obtenir leur libération. Si la police les libère, nous allons rentrer chez nous », assure-t-elle.
La débandade
A 11h 25, un bruit sec se fait entendre, et l’instant d’après, une nuée de fumée blanche se répand sur la voie : la police vient d’engager les hostilités. En quelques secondes le gaz lacrymogène se répand sur les lieux, obligeant les manifestants et, bien sûr, les journalistes à détaler vers les 6 m les plus proches.5 mn à peine plus tard, les barrières sont tombées, et les premiers camions reprennent leur route. Les courses-poursuites continuent néanmoins avec parfois des jets de pierres et quelques arrestations musclées, les forces de l’ordre n’hésitant pas à disperser tout groupuscule.
Harold Alex Kaboré Hugues Richard Sama (Stagiaires)