C’est ce mercredi 29 juin que sera acté par le Conseil de sécurité de l’ONU, le renouvellement de la Mission multidimensionnelle intégrée de l’ONU pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). L’adoption de la résolution devrait n’être qu’une simple formalité et le nouveau mandat de cette opération de maintien de la paix devrait prendre une posture plus offensive et plus combattive de façon à lui permettre d’agir de manière proactive en cas de menaces asymétriques. La MINUSMA opère ainsi une mue qui, désormais, fera clairement d’elle une mission de lutte contre les djihadistes et contrebandiers de tout acabit qui ont mis le septentrion malien sous coupe réglée. La France avec son opération Barkhane n’interviendrait qu’en soutien, en cas de menace grave et imminente. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il était temps !
Il était plus qu’urgent que le mandat soit adapté à la réalité du terrain
D’abord, parce que contrairement au vieil adage selon lequel « la peur du gendarme est le début de la sagesse », le bleu des casques des gendarmes onusiens n’effrayait personne au Nord-Mali. Bien au contraire, ils étaient devenus des cibles faciles pour pistoleros sans foi ni scrupules en quête de trophées sanglants pour alimenter leurs opérations de communication. En renforçant donc le mandat de la MINUSMA, le Conseil de sécurité de l’ONU traduit clairement qu’elle a pris non seulement la mesure des enjeux sécuritaires dans le Nord-Mali face à la multiplication des attaques qui menaçaient de transformer le pays en un cimetière à ciel ouvert pour Casques bleus, mais aussi de la pression des pays contributeurs en troupes dont les amères complaintes face aux cortèges des cercueils arrivant des abords du Djoliba étaient de plus en plus assourdissantes. Et à dire vrai, pour mener à bien sa mission, la MINUSMA avait besoin de ce renforcement de son mandat car pour protéger les populations, il faut être déjà soi-même en vie. Du reste, être soldat de la paix ne signifie pas aller à l’abattoir. Il était donc plus qu’urgent que le mandat soit adapté à la réalité du terrain dans un contexte marqué par la résurgence d’un Iyad Ag Ghali avec un discours des plus belliqueux à l’encontre des forces de la MINUSMA. L’évolution de la situation sécuritaire en Libye avec le risque de rabattre plus au Sud la cohorte résiduelle des illuminés de l’Etat Islamique (EI) commandait aussi cet aggiornamento. Au regard de ces menaces qui constituent de véritables torpilles pour la paix et la stabilité de toute la sous-région, le Conseil de sécurité devrait même bander davantage les muscles en lançant la traque ouverte des chefs djihadistes qui rendent impossible le sommeil des populations, car le spectre du viseur onusien est bien plus large que celui de l’Etat malien. C’est véritablement à ce prix que le tigre de papier qu’était la MINUSMA en deviendrait un de vrai et contraindra pour de bon les djihadistes qui ont transformé le Nord-Mali en sanctuaire terroriste, à une vie de troglodytes.
Ensuite, parce que l’ONU elle-même est une vielle dame dont il faut renouveler les camisoles, les missions traditionnelles de garantir le cessez-le-feu en servant de forces d’interposition ne valant plus grand-chose dans les guerres asymétriques, sans visage qu’imposent les terroristes aux différents Etats. Il est impératif que les mécanismes onusiens fassent aussi leur mue pour intégrer cette nouvelle donne. Ils doivent être suffisamment flexibles pour s'adapter à des situations en constante évolution et ce, dans un contexte où l’ONU elle-même, est ouvertement dans le collimateur de nombreux groupes terroristes. Faut-il le rappeler, plus de 3 326 membres des opérations de paix de quelque 120 pays ont perdu la vie sous les drapeaux de l'ONU.
Il faut se féliciter que l’ONU ait tiré leçon de son expérience au Mali
Toutefois, une chose est de renouveler et de renforcer le mandat de la MINUSMA, une autre est de lui fournir les moyens matériels, financiers et humains nécessaires à sa mission. Les effectifs sont revus dans la nouvelle résolution, à la hausse, de 2500 Casques bleus supplémentaires et les Etats membres sont invités à fournir plus d’efforts pour financer des moyens logistiques comme les drones, les hélicoptères de combat et les blindés, mais aussi le renseignement. Dans un contexte où déjà les premiers effectifs prévisionnels n’avaient pas été atteints et où les pays contributeurs se hâtaient lentement, ce n’est pas un pari gagné d’avance. On se souvient, le Mali lui-même s’était montré mauvais payeur et avait vu ses droits suspendus à l’ONU. Il y a fort heureusement des signaux positifs avec le progrès dans l’engagement de certains pays jusque-là en retrait des opérations militaires extérieures, comme l’Allemagne !
Cela dit, il faut se féliciter que l’ONU ait tiré leçon de son expérience au Mali où elle mène l’opération de maintien de la paix la plus meurtrière. Il reste à espérer que pour plus d’efficacité, les populations du Nord-Mali se mettent en phase avec le nouveau mandat et contribuent au mieux à son succès. L’ONU semble en avoir bien perçu la nécessité et s’est engagée aussi à gagner les cœurs et les esprits à travers des projets humanitaires à impact rapide comme la construction de puits ou l’installation de groupes électrogènes.
Sans nul doute, avec l’effet conjugué du renforcement du mandat de la MINUSMA, du redéploiement des forces maliennes et de l’installation des autorités intérimaires, prévues courant août, les groupes djihadistes auront à qui parler. Toutes les conditions semblent donc réunies pour qu’au Nord-Mali, la peur change enfin de camp.
« Le pays »