La journée du mardi 22 juin 2016, la commune rurale de Karangasso Vigué dans la région des Hauts-Bassins a connu des troubles dans la mise en place de son «exécutif local». Deux morts par balles, une vingtaine de blessés et d’importants dégâts matériels après l’élection du conseil municipal, c’est le bilan des violences qu’a connues la localité. Si nous évoquons le cas de cette commune, ce n’est pas parce qu’elle a été la seule à avoir connu des violences dans la mise en place de son conseil municipal, mais parce qu’il s’est surtout agi d’un affrontement ethnique. Il faut le condamner et de vive voix car il s’agit là d’un ethnicisme mortel.
Le Burkina Faso appartient à tous les Burkinabè. Si certains politiciens veulent surfer sur la fibre ethnique dans ce pays, il est temps de stopper la dérive dangereuse et dévastatrice. Un Burkinabè, qu’il soit Gourounsi, Moaga, Peulh, Goin, Gourmantché, Bobo, Boaba, Sénoufo ou Samo doit pouvoir se sentir partout comme chez lui dans n’importe quelle localité du pays. Si nous incluons des notions d’autochtones ou d’allogènes dans les conditions d’élections des maires, nous risquons fort de vivre ce que la Côte d’Ivoire a connu. On se souvient encore que ce sont des termes comme «l’ivoirité», «Ivoirien de souches multiséculaires» qui étaient évoqués dans les années 2000 et qui avaient fait basculer la Côte d’Ivoire dans la guerre fraticide dont les séquelles sont encore perceptibles. Le pays était pourtant un hâvre de paix autrefois. Et comme ça n’arrive pas qu’aux autres, il y a lieu de travailler à ce que la paix perdure au Burkina Faso en évitant certains comportements ou pratiques qui peuvent remettre en cause la fraternité et la coexistence pacifique. Le Burkina Faso ne survivra pas à une fracture ethnique.
Le changement de comportement concerne surtout ces hommes politiques qui sont prêts à tout pour conquérir le pouvoir, même local. Ce sont eux qui, dans leur façon de faire, provoquent la haine et la mésentente. On a dans ce pays des frères d’une même famille qui se regardent en chiens de faïence à cause de la politique. Il y a des Burkinabè qui ne se fréquentent plus parce qu’ils sont politiquement opposés. Au lieu de se regarder en adversaires, ils se voient aujourd’hui en ennemis jurés. Les conséquences d’une immaturité politique ne peuvent qu’être regrettables. Cest pourquoi, il revient aux hommes politiques d’expliquer sur le terrain que nous sommes avant tout des fils d’un même pays. La politique n’est pas une guerre de clans ou d’ethnies. Il s’agit d’organiser des pouvoirs, de conduite des affaires publiques. Par conséquent, le politicien a besoin de rallier les citoyens pour mieux conduire les affaires publiques.
Ce qui s’est passé à Karangasso Vigué ne doit pas prospérer parce qu’on ne construit pas un pays dans l’ethnicisme, le régionalisme, mais plutôt dans l’union. On ne développe pas non plus une commune en lui imposant son maire. Serrons-nous les coudes, rassemblons nos forces et bâtissons des collectivités locales fortes et paisibles. Ceux qui prônent la fibre ethnique pour gérer le pouvoir local ne rendent pas service à la nation.
Par Rabankhi Abou-Bâkr Zida