Après des années de culture du coton à base d’organisme génétiquement modifié (OGM) au Burkina Faso, les cotonculteurs ont décidé de revenir à la culture du coton conventionnel à partir de la saison 2016-2017. Pourquoi ce revirement ? Quelles sont les raisons qui sous-tendent cette décision ?
Premier producteur de coton en Afrique, depuis 2003, le Burkina Faso a décidé cette année de remplacer le coton à base d’organisme génétiquement modifié(OGM) par le coton conventionnel. Les producteurs sont tous unanimes sur cette décision. Pourquoi une telle décision ? Pour le 1er vice-président de l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB), Yacouba Koura, tout a commencé quand il a été constaté par les chercheurs que la longueur de la soie (fibre) du coton OGM est devenue plus courte. On a fait part, confie-t-il, à la firme Monsanto (société américaine) de cette défaillance technique. Celle-ci a répondu que le gène serait traité. En 2010-2011, l’année de la grande culture du coton OGM, le problème n’avait pas été résolu. «Monsanto a encore promis de régler dans les deux ou trois campagnes à venir le problème», informe le 1er vice-président de l’UNPCB. Après ces trois campagnes écoulées et à notre grande surprise, poursuit-il, nous avons constaté que le danger persiste toujours. Et c’est en ce moment que «nous avons adressé un mémorandum à la firme, marquant ainsi notre désir de revenir au coton conventionnel en attendant que le problème trouve une issue favorable ». La situation a causé la perte du «label coton Burkina». «Un coton qui était tant prisé sur le marché international», affirme Yacouba Koura. En sus, la prime de qualité (20F/kg) instauré par les acheteurs au plan mondial a été supprimée. «Tous ces dégâts ont induit un manque à gagner de 50 milliards de F CFA à l’économie du pays», indique Yacouba Koura. Pour toujours conserver sa place sur le marché et redorer l’image de son produit, il est obligatoire de préserver le label, car, à entendre le 1er vice-président de l’UNPCB «il arrivera un moment où personne ne voudra du coton burkinabè». C’est à cet instant que l’Association interprofessionnelle du coton du Burkina (AICB) a déclaré officiellement le retour à la culture 100% du coton conventionnel.
Une décision temporaire
Cependant cette décision n’est que temporaire, le temps qu’une solution soit trouvée. «Nous allons retourner avec Monsanto ou avec d’autres partenaires, une fois que la longueur de la soie sera rétablie», indique le directeur général de la Société burkinabè des fibres textiles (SOFITEX), Wilfried Yaméogo. «Ce n’est ni un abandon définitif du coton OGM, ni une rupture de la collaboration avec la firme américaine dont la technologie Bt n’a jamais été remise en cause», confirme le secrétaire général de l’AICB, Georges Yaméogo. Au mieux, ajoute-t-il, l’efficacité du gène pour la lutte contre les principaux insectes ravageurs du cotonnier est reconnue par tous. Et Adama Batiga, producteur à Pô d’insister sur l’unanimité de la décision. «Cela fait 20 ans que je suis dans la production du coton. Je vis de cette production et je ne peux pas travailler à perte», lâche-t-il. Harouna Korgho, un autre producteur à Bissigha dans le Boulgou, lui renchérit : «il faut qu’une solution soit trouvée au problème du coton à base d’Organisme génétiquement modifié car l’on investit dans la production cotonnière pour faire des bénéfices et non pour perdre. Et si sur le marché international, le coton ne s’achète pas, nous, on ne fera que des pertes ».
Une production de 700 000 tonnes attendus
Pour réussir le pari de cultiver le coton conventionnel, la SOFITEX en accord avec le gouvernement, s’est engagé à accompagner les cotonculteurs. En rappel, l’une des raisons qui a sous-tendu à l’adoption des OGM, était la réduction de la quantité d’insecticide utilisée dans le traitement des champs et la protection phytosanitaire. C’est pourquoi, les prix des engrais et des insecticides, malgré leur coût élevé sur le marché international, ont obtenu une baisse grâce à la subvention de 13,575 milliards de FCFA. Au lieu de 19 434 F CFA pour le sac d’engrais et de 16 060 F CFA pour l’urée, ils sont mis à la disposition des cotonculteurs au prix de 15 000 F CFA. La dose de traitement a été également réduite de 4 109 F CFA à 3800 F CFA. Aussi précise le DG : «Comme la culture du coton traditionnel nécessite beaucoup de pesticides, son utilisation a été étudiée et il répond à des normes bien précises». Cependant certains producteurs craignent toujours pour leur santé car le retour au coton traditionnel nécessite plus d’efforts à fournir. Sont de ceux-là, M. Batiga et M. Korgho qui relèvent que la quantité élevée de pesticides à utiliser pourrait jouer sur leur santé. Ces produits ont un effet néfaste sur l’organisme humain et dégrade aussi l’environnement.
Fleur BIRBA