Le 20 juin de chaque année, est célébrée la Journée mondiale des réfugiés. L’édition 2016 a été l’occasion pour le Haut commissariat des nations unies pour les réfugiés de faire le point de la situation des réfugiés à travers le monde. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les chiffres font froid dans le dos. En effet, l’organisation onusienne annonce le chiffre record de 65,3 millions de personnes qui ont dû quitter, en 2015, leurs foyers ou leurs pays pour chercher refuge ailleurs. Selon elle, « un être humain sur 113 est aujourd’hui demandeur d’asile, déplacé interne ou réfugié». A ce rythme, nous sommes tous des réfugiés potentiels. Car, ceux qui le sont aujourd’hui, n’ont jamais pensé que cela pouvait leur arriver un jour. Et comme on peut l’imaginer aisément, ce sont les conflits et les persécutions qui sont, la plupart du temps, à l’origine de ces mouvements de populations.
Le terrorisme et le djihadisme sont venus complexifier une situation déjà bien difficile
Or, aujourd’hui, on assiste à une recrudescence et à une prolifération des zones de conflit à travers le monde, qui ne mettent personne à l’abri. Au palmarès, l’Afrique est la première terre d’asile devant l’Europe où en 2015, plus de la moitié des nouveaux réfugiés venaient de la Syrie. Et pour ne pas arranger les choses, le terrorisme et le djihadisme sont venus complexifier une situation déjà bien difficile.
En Afrique par exemple, le cas du Mali avec les attaques djihadistes qui ont mis de nombreuses personnes sur les chemins de l’exil depuis 2013, et du Nigeria où sévit la secte islamiste Boko Haram dont les tentacules s’étendent dans tout le bassin du lac Tchad, sont suffisamment éloquents. Récemment encore, la localité de Bosso au Niger a subi les assauts meurtriers de ces apôtres de l’apocalypse, jetant sur les chemins de l’exil, des populations terrorisées et traumatisées, qui ne savent plus à quel saint se vouer. A côté de cela, on a la crise post électorale ivoirienne, les conflits au Burundi, en Centrafrique et au Soudan du sud, entre autres, qui ont entraîné d’énormes mouvements de populations, avec les conséquences que ces réfugiés vivent jusqu’aujourd’hui. Toutefois, tant que cela ne semblait concerner qu’un continent pauvre comme l’Afrique, la communauté internationale pouvait pratiquement dormir du sommeil du juste, après quelques actions humanitaires qui ressemblaient plus à des opérations de saupoudrage pour se donner bonne conscience. Mais le contexte actuel qui connaît une recrudescence sans précédent du phénomène et où l’Europe elle-même est durement frappée, est la preuve que le monde a plus que jamais besoin d’une gouvernance plus vertueuse. Et si les Occidentaux eux-mêmes n’en dorment pas, c’est que le phénomène a atteint un niveau qui ne peut que leur rappeler leur manque de vision prospective en la matière. En tout cas, ces chiffres peu flatteurs doivent interpeller la conscience des gouvernants du monde sur leurs responsabilités et leur devoir d’y apporter les réponses qui seyent.
En tout état de cause, l’augmentation exponentielle du nombre de réfugiés traduit l’échec de l’ONU dans la résolution des crises à travers le monde. Tant que des solutions appropriées et définitives ne seront pas trouvées aux différents conflits, le problème des réfugiés restera posé. Et la question est d’autant plus cruciale que l’équation de leur accueil et de leur prise en charge est loin d’être résolue et se pose même avec acuité. D’une part, les bailleurs de fonds semblent s’essouffler à sans cesse devoir intervenir dans un secteur qui requiert de plus en plus de ressources mais dont on ne peut attendre aucun retour sur investissement en termes de dividendes financiers. D’autre part, en raison de la recrudescence du terrorisme et du djihadisme, il est né chez les populations d’accueil, un certain instinct de survie au nom duquel elles en arrivent à se montrer de moins en moins solidaires des réfugiés à cause des possibilités d’infiltrations. En Afrique par exemple, cela a contribué à détruire beaucoup de valeurs sociales, eu égard à la méfiance des populations vis-à-vis de l’étranger. Jadis hospitalières, les populations se caractérisent de plus en plus par une sorte de repli sur soi, voire de stigmatisation de certains groupes ethniques.
Il faudrait travailler à réduire les foyers de tension sur la planète
Ces chiffres doivent donc interpeller la communauté internationale sur son devoir de trouver des solutions justes et équitables aux conflits à travers le monde. Mais il serait illusoire de penser que ces conflits pourraient prendre fin du jour au lendemain en raison de la prégnance des intérêts qui s’y jouent. Car, ceux qui viennent jouer les bons samaritains sont souvent ceux-là même qui sont à la base des conflits.
En tout état de cause, l’histoire des migrations internationales traduit le mal-être des populations dans leur milieu de vie. Et cela, pour plusieurs raisons qui vont des guerres aux famines, en passant par les persécutions et la mal gouvernance. Malheureusement, quand vous avez, comme c’est le cas en Afrique, des gouvernants qui prennent un malin plaisir à fausser les règles du jeu démocratique dans le seul but de s’éterniser au pouvoir, le plus souvent en marchant sur les cadavres de certains de leurs compatriotes, il va sans dire que ce n’est pas demain la veille que ce continent verra ses fils cesser de prendre le chemin de l’exil pour cause de conflits. Et tant que les têtes couronnées du continent ne prendront pas en compte l’ardente aspiration des populations à plus de démocratie et de libertés, il y aura toujours des réfugiés. Tout le monde est donc en sursis. Il faudrait en prendre conscience et travailler à réduire les foyers de tension sur la planète car c’est la seule solution pour espérer inverser la tendance des chiffres qui sont à la hausse, d’année en année. Ce d’autant plus que le monde est devenu un village planétaire et, aujourd’hui plus qu’hier, les destins des nations semblent irrémédiablement liés. Il faut donc une gouvernance mondiale plus vertueuse.
« Le Pays »