Jusqu’à une date récente, pour expliquer les sauts d’humeur de certains individus dans les quartiers et villages, le vocable était : « crise de l’autorité de l’Etat ». A la lumière de l’actualité sociopolitique, il semble que ce n’est plus la terminologie appropriée dans le contexte actuel du Burkina. Il faut dorénavant parler de délitement total de l’Etat. Car, la dynamique dans laquelle nous évoluons est symptomatique d’une grave crise politico-sociale. Et si on ne s’y prend pas rapidement, le petit soubassement qui tient nos valeurs qui nous restent risque de se briser, définitivement.
Venons-en aux faits qui sont très peu reluisants. En effet, il ne se passe pas une journée sans qu’on n’enregistre un foyer de tension dans le pays. Au départ, perceptibles de façon isolée, ces manifestations ont connu une recrudescence ces derniers temps au point de devenir « une mode » pour chaque groupe d’individus, pour poser ses désidérata. Pour un accident de circulation, pour une stagnation d’eau sur une voie, pour tout désagrément constaté dans un quartier, les populations se lèvent pour des manifestations d’une extrême violence. Et lorsqu’il s’agit des cas individuels, c’est la tentative d’immolation qui est priorisée. Le recours à l’autorité publique par des voies légales est le moins usité. Du reste, la puissance publique à qui échoit l’entière obligation de défendre et de protéger les citoyens est souvent, elle-même, victime de cette vindicte populaire dont le cas le plus récent est celui de l’incendie du commissariat de police de Diapaga par des jeunes qui tenaient à se rendre justice en lieu et place des institutions mises en place dans ce cadre. Cette scène est du déjà vue un peu partout au Burkina. Une situation qui a fini par mettre à rude épreuve l’autorité de l’Etat. Cette impuissance de la puissance publique n’a d’autre explication que la grave crise de confiance qui s’est installée entre gouvernants et gouvernés. Les premiers cités, face à l’échec cuisant des choix de politique de gouvernance opérés, fuient leurs responsabilités devant l’histoire en fabriquant des mensonges sur lesquels ils espéraient gouverner. Et c’est cette duperie qui a été mise à nu par les gouvernés qui, aujourd’hui, se sont déchainés en utilisant la violence qu’elle a finalement légitimée pour se faire entendre. Toute chose qui n’augure rien de bon dans un Etat qui se dit de droit. Disons tout simplement que nous assistons impuissamment à un délitement continuel de l’autorité de l’Etat. Et le risque inquiétant de voir le citoyen refuser d’honorer ses obligations minimales est grand. Et on l’aura tous cherché et trouvé puisque cet incivisme caractériel au niveau de « la basse société » se constate également au sommet de l’Etat. Un état de fait qui donne une prime à l’incivisme qui se manifeste au niveau de tous les compartiments de la société burkinabè.
Cet écroulement de l’autorité est si flagrant que le parti au pouvoir, responsable de cette autorité, sillonne les artères de la capitale pour invoquer tous les dieux mossis, gourmantché, peul et que sais-je encore, pour une paix ménacée. Et c’est là une reconnaissance implicite de son incapacité à faire face aux remous sociopolitiques qui se dessinent à l’horizon. En appelant, tous azimuts, à la paix, le parti au pouvoir aurait voulu dire que la case Burkina brûle qu’il ne se serait pas pris autrement. Paradoxalement, tout en appelant à la paix, nos dirigeants tiennent des propos à la limite incendiaires, laissant donc tous les observateurs pantois. En effet, comment comprendre que pour une question de débats d’idées, des responsables du CDP, à court d’arguments, qualifient leurs vis-à-vis d’affabulateurs de la démocratie ? Si tant est qu’ils souhaitent la paix, pourquoi évoquer des sujets facteurs de profonde division du peuple burkinabè? Si ce n’est donc du nanisme politique dont font montre les responsables du CDP, c’est qu’ils manquent d’une vision lucide pour analyser la situation nationale. Une myopie politique qui risque de les engloutir dans les ténèbres par lesquels sont passés bien de régimes au long règne .