Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Burkina Faso    Publicité
aOuaga.com NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article
Société

Jeunesse de Nouna : de dures alternatives au manque d’emplois
Publié le vendredi 17 juin 2016  |  L`Observateur Paalga
Route
© Autre presse par DR
Route Dedougou-Nouna-frontière Mali




Face au sort, de nombreux jeunes de Nouna ne restent pas les bras croisés ; si ce n’est dans la carrière artisanale qu’on les retrouve, c’est en pleine brousse, à la recherche de gravier, de sable ou du bois de chauffe ; des lieux dans lesquels certains de leur âge n’osent pas s’aventurer, mais ces jeunes ont-ils vraiment le choix ? Ce sont en effet pour eux des alternatives au manque d’emplois. Comme partout ailleurs au Burkina, une bonne partie de la jeunesse nounalaise est sans travail adéquat.

Nouna, un dimanche du mois d’avril. Il est 13h, et le thermomètre affiche 43 degrés à l’ombre. Non loin de la Maison d’arrêt et de correction de la ville s’étend, à perte de vue, un site d’extraction de briques en pierre ; un lieu qui s’apparente à un site d’orpaillage, sauf que les chances de s’y faire des millions sont inexistantes et que seul l’effort physique y est récompensé.

Des jeunes, sous un soleil de plomb, sont à la recherche de leur pitance quotidienne. Ils creusent, taillent et extraient des briques de la carrière dans l’espoir d’obtenir quelques francs CFA à la fin de la journée, bravant la chaleur, la poussière et la fatigue. Ils sont une cinquantaine qui travaillent sur le site.

Anicet Traoré, la trentaine, extrait des briques de cette carrière artisanale depuis cinq ans pour nourrir sa famille. «Ce travail n’est pas facile, mais je suis obligé de le faire pour m’occuper de ma femme et de mes deux enfants. Le dimanche est en principe jour de repos, mais je suis condamné à travailler chaque jour pour un revenu non proportionnel à mes efforts. Mais que faire ? il n’y a pas d’emploi», dit-il.

Ici l’activité est saisonnière, seulement interrompue par la saison des pluies. Au mois de juin, Anicet retournera dans son village, Bourasso, s’occuper de son champ. Et avec le peu d’argent qu’il aura économisé grâce à l’extraction des briques, il compte s’acheter des intrants agricoles.

Pas même un poulet

Le prix de la brique varie entre 40 et 50 F CFA selon sa qualité. « Le travail est très dur alors que le prix de la brique est très bas. Je travaille du matin au soir sans repos et ce que je gagne ne sert qu’à m’acheter juste de quoi manger. Toute personne qui travaille aspire à faire des économies pour assurer ses lendemains ; malheureusement, je n’ai même pas encore pu m’acheter un poulet depuis 4 ans que j’exerce ce métier » , nous confie, désespéré, le jeune Innocent Kiénou, qui dit éprouver de la peine à faire face aux ordonnances médicales quand il est malade.

La demi-heure passée sur les lieux nous a coûté une angine qui évoluait en une toux au moment où nous tracions ces lignes. Nous imaginons aisément la quantité de poussière inhalée au quotidien par ces jeunes qui travaillent sans protection aucune et qui pourrait leur être fatale un jour.

A côté de l’extraction de briques s’est développé un autre boulot auquel s’adonnent bon nombre de jeunes : il s’agit du transport des briques du site d’extraction vers les chantiers de construction. A l’aide de sa charrette à traction asinienne, Loukmane Paré transporte la brique à 15 F CFA et semble se tirer d’affaire. « Grâce à cette activité que j’exerce depuis plus de 10 ans, j’ai pu me construire une maison ainsi qu’à ma mère. Même si je ne fais pas fortune, je gagne dignement mon pain », se réjouit Loukmane.

Autres domaines, même combativité

Entre voler et trimer pour avoir sa pitance quotidienne, Nouhoun Bakouan, lui aussi, a choisi la seconde option. Il enchaîne chaque jour les pelletées de gravier ou de sable, qui servent de matériaux de construction, pour 1500 FCFA la charretée. « L’âne m’appartient ».

Quant à la charrette, je la loue à 250 F CFA la journée. Je vais rassembler le sable ou le gravier en brousse et je le transporte vers les clients. Si le marché existe, je peux avoir près de 100 000 FCFA par mois.

Sans se jeter des fleurs, Nouhoun estime que les jeunes qui acceptent de se battre comme lui se comptent sur les doigts d’une main dans la ville de Nouna. «Nous devons aller vers le travail et non l’inverse. Je vois souvent des gens de mon âge à l’ombre des arbres, sommeillant ou jouant aux cartes et sirotant du thé en se plaignant du manque d’emploi. Beaucoup d’entre eux finissent dans le vol», indique Nouhoun.

Faute de moyens, Ernest Kiénou, 17 ans, a dû arrêter ses études en classe du CM2 pour s’adonner à la coupe et à la vente du bois de chauffe. Il raconte son calvaire : « Je suis l’aîné de ma famille. Mon père, très diminué, n’a pas pu supporter mes frais de scolarité. En compagnie d’autres camarades, je vais à une trentaine de km de là à la recherche du bois. Il faut souvent se réveiller à 1h ou 2h du matin pour prendre la route. »

Nous aussi, nous avons voté

La charretée coûte 4000 F CFA et les principales clientes d’Ernest sont des dolotières, dont l’activité est sans pitié pour le bois. Parce que chaque jour des hectares de brousse sont décimés par lui et bon nombre de jeunes, Ernest regrette et sollicite de l’aide afin d’abandonner cette activité et de retourner à l’école. Nouhoun Bakouan souhaite, quant à lui, acquérir une moto tricycle pour rendre plus prospères sa collecte et sa vente de matériaux de construction (sable et gravillon).

Du côté de la carrière artisanale, les travailleurs sont unanimes à reconnaître que la modernisation de ce secteur et la valorisation du prix de la brique permettraient d’amoindrir leur souffrance. Le jeune Anicet Traoré regrette par ailleurs le fait que les emplois au Burkina soient plus orientés vers ceux qui sont allés à l’école et qui possèdent des diplômes : « Nous sommes tous des fils de ce pays. Il faut que le pouvoir songe à nous qui n’avons pas étudié, car nous avons aussi voté comme les autres», a-t-il fait savoir.

Les jeunes qui pratiquent les différents métiers de la débrouillardise à Nouna sont tous convaincus d’une chose : la construction d’un barrage dans la province de la Kossi créerait des emplois moins pénibles et plus rentables. Mais une autre chose est sûre : ce n’est pas pour demain.

Encadré

Wendyam Julien Kinda, directeur provincial de la Jeunesse, de la Formation et de l’Insertion professionnelles de la Kossi

Il n’ y a pas d’activité qui ne fasse pas l’objet de financement chez nous.

C’est normal, dans un pays où la population est majoritairement jeune, que la question de l’emploi pose problème. A Nouna, la direction provinciale de la Jeunesse, de la Formation et de l’Insertion professionnelles n’ignore pas la question.

Je tire mon chapeau à ces jeunes qui se débrouillent, qui ne se contentent pas d’observer mais essaient de faire quelque chose et pas forcément des boulots qu’ils aiment. Parmi eux, certains souhaiteraient faire de l’aviculture, l’agriculture et bien d’autres choses. Ces jeunes peuvent venir nous voir et nous dire ce qu’ils voudraient faire. A partir de leur idée de projet, nous allons les orienter, les former et les accompagner au financement.

Certains ont déjà bénéficié de montage de projet au Fonds d’appui aux initiatives des jeunes (FAIJ) et ont leurs dossiers en cours. Il y a également le Fonds d’appui au secteur informel (FASI), qui a financé des jeunes qui ont pu acquérir des tricycles, des charrettes et des ânes.

Il n’y a pas d’activité qui ne fasse pas l’objet de financement chez nous, pourvu qu’elle soit rentable. Je voudrais dire aux jeunes de la Kossi qui souhaitent bénéficier d’un accompagnement dans leurs activités que les portes de la direction provinciale de l’Emploi leur sont ouvertes.



Propos recueillis par

Boureima Badini
Commentaires

Dans le dossier

Société civile
Titrologie



L`Observateur Paalga N° 8221 du 27/9/2012

Abonnez vous aux journaux  -  Voir la Titrologie
Sondage
Nous suivre

Nos réseaux sociaux


Comment