Ouagadougou - Les magistrats burkinabè ont mis en garde mercredi le président Roch Marc Christian Kaboré contre une remise en cause de l'indépendance de la justice à la suite de déclarations récentes suggérant la fin possible de la séparation de ces pouvoirs.
"Depuis un certain temps, la justice burkinabè est au centre d'une cabale tendant à la dénigrer afin d'atteindre un objectif inavoué: celui de restaurer la présidence du chef de l'Etat et la vice-présidence du ministre de la Justice au Conseil supérieur de la magistrature (CSM)", écrit dans une déclaration transmise à l'AFP, l'Intersyndicale des magistrats burkinabè, qui regroupe l'ensemble des trois syndicats de la magistrature.
Les syndicats accusent le pouvoir de vouloir remettre en cause le "Pacte national pour le renouveau de la justice" signé en mars 2015, avant la présidentielle de novembre dernier ayant porté M. Kaboré à la tête de l'Etat, et consacrant la séparation stricte des pouvoirs entre l'exécutif et le judiciaire.
Ce pacte avait été de surcroît renforcé par une loi sur la justice promulguée par le Conseil national de la transition (CNT, l'assemblée intérimaire mise en place après la chute du président Blaise Compaoré) et retirant au pouvoir politique la présidence du Conseil de la magistrature.
Or, en marge d'un sommet des dirigeants d'Afrique de l'ouest tenu à Dakar le 3 juin dernier, le président Kaboré a exprimé le souhait de reprendre le contrôle de la présidence du Conseil de la magistrature (CSM)
"Un Etat où la magistrature est son propre patron, cela peut créer beaucoup de problèmes", avait déclaré M. Kaboré. "Sur le plan de l'application de ce que nous avons appelé l'indépendance de la justice (...) il est nécessaire que le Président du Faso et le ministre de la justice soient au CSM" avait-il précisé.
Par la suite, le président de l'Assemblée nationale, Salifou Diallo, avait renchéri affirmant: "on ne quittera pas le pouvoir des armes pour tomber dans le pouvoir des juges".
L'inféodation de la justice au pouvoir et le déni de justice ont été parmi les principales causes de la révolte populaire qui a balayé le système Compaoré. Les manifestants ont vilipendé les dossiers judiciaires emblématiques de crimes économiques et de sang, restés impunis durant les 27 ans de règne de M. Compaoré.
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