Ouagadougou - Eric, 4 ans, pleure à chaudes larmes devant "La Baguette du Faso" une boulangerie de Ouagadougou: comme lui de nombreux habitants de la capitale burkinabè sont privés de pains depuis jeudi, en raison d’une grève des boulangers.
La grève, très suivie, a été déclenchée par le Syndicat national des boulangers et pâtissiers du Burkina (FNBPB). Ce syndicat unique dans le secteur réclame la signature d’une convention collective "négociée depuis un an que les patrons refusent de signer".
Cette convention prévoit notamment une augmentation de 25% des salaires des boulangers "en sus d’autres primes qui pourraient donner une augmentation cumulée d’environ 50%", selon le président du FNBPB, Konomba Traoré.
Les employés des boulangeries touchent un salaire dérisoire, dont la moyenne est de 34.000 francs CFA (50 euros) mensuels. "Le boulanger qui fabrique le pain ne gagne pas son pain" ironise M. Traoré.
"Depuis mars 2015, nous sommes en négociations pour cette convention collective" se plaint le président du syndicat, excédé par le "volte-face" des patrons.
Un dialogue de sourds s’est installé entre les deux parties.
"Personnellement, je comprends les travailleurs. Mais nous n’y sommes pour rien. Notre syndicat est prêt à aller signer ce document" assure Augustin Bambara, secrétaire général de l’Union des fondateurs des boulangeries du Faso (UFBF), qui regroupe plus de 60% des employeurs.
Mais selon lui, une signature éventuelle de cette convention va engendrer une augmentation du prix du pain.
Pour l’heure, en absence de signature, la grève s’est étendue sur quasiment tout le pays. A Ouagadougou la capitale, Ouahigouya, Kaya, Tenkodogo (nord), Koudougou, Banfora (ouest), la "grève est suivie à 100%". Il n’y plus de pain dans ces localités, assurent des habitants joints par l’AFP.
A Bobo Dioulasso seulement, deuxième ville du Burkina, la grève n’est que "partiellement" suivie, selon le président de la FNBPB Konomba Traoré.
- ’pas de recettes aujourd’hui’ -
"La baguette du Faso", elle, est désespérément close: "Pas de production, boulangerie fermée pour grève", lit-on sur une feuille A4 apposée sur l’un des casiers de bière bloqués contre la porte d’entrée.
"Grève, pas de production", "Pas de pain, boulangerie en grève", "Fermé pour grève",... Les affiches apposées sur les portes closes des boulangeries indiquent la gravité de la situation, en pleine période de carême du Ramadan.
Cette rupture de pain pose d’énormes problèmes aux petits commerces de quartier.
Grilleur devant le quotidien d’État Sidwaya, en plein centre de Ouagadougou, Hamidou Kaboré "n’a pas allumé son feu ce matin". Il ne peut simplement pas faire ses brochettes qu’il vend d’habitude en sandwich, fourrées dans du pain.
"Chaque jour j’achète environ 40 baguettes de pain et me voilà aujourd’hui sans travail, contraint au chômage technique. Je ne ferai pas de recettes aujourd’hui", se lamente-t-il assis devant ses deux fourneaux, palabrant avec un ami.
Vendredi matin, au deuxième jour de leur grève, un demi-millier de boulangers de Ouagadougou ont marché jusqu’au ministère de la Fonction publique, du Travail et de la Sécurité sociale où ils ont remis la liste de leurs revendications, parmi lesquelles figure la réintégration de près de 200
de leurs camarades licenciés au cours des dix-huit derniers mois.
"Le ministre est absent. Il est en mission. Mais il me charge de vous assurer de toute sa disponibilité à poursuivre les négociations" a alors expliqué Koudbi Sinaré, le secrétaire général du ministère du Travail.
La lueur de cette bonne nouvelle avait déclenché des cris de joie des manifestants, vêtus de blouses et képis blancs de boulanger, certains brandissant une baguette de pain.
Mais deux jours plus tard, Ouagadougou et ses deux millions d’habitants qui consomment près de cinq millions de baguettes par jour attendent toujours la remise en marche des fours.
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