Présent à Abidjan dans le cadre de la première édition de la nuit du football africain, nous avons rencontré Rigobert Song, l’ancien capitaine des Lions Indomptables du Cameroun et aujourd’hui manager général de cette même équipe. Dans l’interview qu’il a bien voulu nous accorder, Song parle sans détour de sa nouvelle fonction, ses relations avec Samuel Eto’O et jette un regard sur le football burkinabè.
Après une belle carrière dans le monde du football, que devient aujourd’hui Rigobert Song ?
J’ai arrêté ma carrière tout de suite après la coupe du monde en 2010. Je suis rentré à l’école si je puis bien le dire, pour essayer d’avoir mes diplômes d’entraîneur. Donc j’ai eu mon brevet d’Etat l’année dernière. Je sors d’une formation au terme de laquelle j’ai reçu mon DEF (Diplôme d’entraîneur de football). J’estime que c‘est par ce moyen qu’on peut faire passer le message, qu’on peut apporter notre modeste contribution à la jeunesse de toute l’Afrique.
Aujourd’hui, on le sait, vous êtes à côté de l’équipe du Cameroun. Quel pourrait être votre contribution afin que les Lions Indomptables ne périclitent pas ?
Le rôle que j’ai aujourd’hui au sein de l’équipe nationale du Cameroun est que je suis le manager. Vous savez, aujourd’hui, les choses sont un peu différentes d’il y a quelques années. Mais on garde toujours espoir ; c’est une phase de transition qui n’est pas du tout facile ; pas seulement pour le Cameroun mais aussi pour d’autres pays. Il y a des choses à améliorer. Aujourd’hui, on a une équipe compétitive. Individuellement les joueurs sont très forts. Maintenant, il faudrait qu’on essaie de les mettre plus ensemble pour que le collectif prime sur les individualités. Nous sommes dans une phase de transition comme d’autres pays. On passe une période assez délicate mais on garde toujours espoir. Dans le football, tout ne va pas toujours comme on le souhaite. On ne peut pas comparer notre époque à celle d’aujourd’hui parce que ce ne sont pas les mêmes personnes et ce n’est pas du tout la même chose.
En tant que capitaine vous aviez été un meneur d’homme au sein de cette équipe. Aujourd’hui, vous en êtes le manager. Comment faire pour fédérer un ensemble que l’on dit disloquant ?
Vous savez, il n’y a pas de miracle à faire. De temps en temps, il m’arrive de réunir tous les joueurs et de leur parler un peu du passé, de leur montrer le chemin que les anciens nous ont légué et leur dire l’esprit qu’il y avait au sein de cette formation. Vous savez, chaque nation a quelque chose sur laquelle il s’accrochait pour dominer. Nous, c’était un peu cet engagement, l’envie toujours de ne pas perdre. Il y avait une certaine solidarité au sein de notre équipe qui nous amenait à nous surpasser des problèmes extra sportifs. Aujourd’hui, on voit des joueurs plus talentueux que nous mais ils n’arrivent pas encore à avoir ce que nous avions avant, c’est-à-dire le fighting spirit. Quand on monte sur un terrain, on a envie de pouvoir mouiller le maillot dans le bon sens, aimer ce que l’on fait et de pouvoir satisfaire le peuple et le public qui est toujours auprès de nous et qui attend de nous quelque chose de positif. Aujourd’hui, c’est dans ce contexte qu’on essaie de les faire comprendre. Mais vous savez aujourd’hui que la majorité des joueurs évoluent plus en Europe et la plupart ne sont pas nés en Afrique, donc l’échange des cultures est parfois différent. Mais il ne faut pas baisser les bras, c’est un travail de longue haleine qui, à mon avis, donnera un jour ses fruits. Ce n’est pas au niveau du manager qu’on pourrait changer vraiment quelque chose en tant que tel mais il faut essayer d’apporter quelque chose non pas de nouveau parce que tout se sait en football mais d’essayer d’améliorer tout cela. J’ai apporté mon sens de voir les choses, essayer de mettre une certaine discipline et même au départ, quand j’ai été nommé, j’ai apporté la charte du football, j’ai fait signer aux joueurs une charte de l’équipe nationale qui, entre guillemets, à la base, est parue pour certaine personne incompréhensible. Mais on voit aujourd’hui qu’en équipe de France, il y a la même méthode. C’était simplement un rappel de pouvoir dire aux joueurs que lorsqu’ils sont avec l’équipe nationale, il y a quand même quelque chose de plus fort. On ne peut pas comparer le club et l’équipe nationale.
Quel genre de rapport entretenez-vous avec Samuel Eto’O ?
Nos rapports sont très bons. C’est vrai qu’il y a eu un malentendu pendant quelques temps mais aujourd’hui on s’est rendu compte que tous les deux, après s’être rencontré et faire table rase de tout cela, on a essayé de voir sur le plan collectif et non individuel. On s’est aussi rendu compte que beaucoup se sont servi du fait qu’il y avait deux personnalités un peu différentes qui n’arrivaient pas à s’entendre, de semer des choses un peu particulières. Mais au jour d’aujourd’hui, mon petit frère Samuel et moi avions eu l’occasion de nous asseoir et d’en parler plus en profondeur. Aujourd’hui, on ne laissera plus personne s’intégrer entre lui et moi. En réalité, on n’a pas un problème en tant tel. Il a une personnalité, j’ai la mienne aussi donc forcément on peut ne pas être d’accord sur certains points mais qui ne veut pas dire qu’on se déchire. Mais parfois, cela a été interprété autrement. Mais on s’est rendu compte que ce qui prime, c’est plus les relations humaines et fraternelles qu’on a toujours eues. On est là pour la même cause et on ne laissera plus qui que ce soit s’interposer entre lui et moi et ce sera quelque chose de positif pour le football camerounais mais aussi pour le football africain.
Voulez-vous dire qu’on ne parle plus de clan Eto’O et de clan Song au Cameroun ?
Non. C’est terminé. Mais je vous le dis, il n’y a jamais eu de clan. Cela a été une interprétation. Des personnes ont pu récupérer cette mésentente en faisant croire qu’il y avait des clans. Dans le monde du football, il y a des personnes qui apprécient d’autres et certains qu’ils apprécient moins. Mais cela ne veut pas dire forcément qu’ils ont un problème particulier. Je pense qu’aujourd’hui, ce sont des choses dépassées. On est là pour le même objectif et la même vison. On a envie que les choses marchent et il est dans la même dynamique que moi. Parfois on s’entend, parfois on ne s’entend pas mais tout ne veut pas dire qu’il y a un problème particulier.
Rigobert Song, Alexandre Song, quel est votre lien de parenté ?
Alexandre c’est mon neveu, c’est le fils de ma grande sœur Régine.
Quel regard faites-vous du football africain d’aujourd’hui ?
Il est en pleine progression, on voit des choses positives. La majorité des joueurs qui jouent aujourd’hui en Europe sont des Africains qui font le beau temps des clubs européens et font en sorte que les équipes africaines aillent toujours de l’avant. Je dirai encore mieux, aujourd’hui quand on regarde, on ne parle plus de petites équipes. Il y a eu une époque où on ciblait des équipes et on savait que c’est elles qui avaient un certain monopole des compétitions africaines mais maintenant rien n’est gagné à l’avance, tout se passe sur le terrain. C’est pour cela qu’on a maintenant des surprises car on voit des équipes qui, au départ, sur le papier on ne les voyait pas arriver. Donc je trouve que c’est quelque chose de plus et pour moi, on a encore plus à démontrer que le football est en train de prendre une certaine dimension.
Que diriez-vous alors du football burkinabè qui n’était pas attendu et qui a joué la finale de la CAN 2013 ?
Je ne voulais pas citer le nom mais je pense qu’il y a quelques temps on ne pouvait même pas l’imaginer. Comme quoi au football, il n’y a jamais de vérité. Tout se joue aujourd’hui sur le terrain. Le Burkina a démontré qu’il fait partie aujourd’hui des équipes qui peuvent faire mal. On voit cette jeunesse burkinabè qui est déterminée à démontrer qu’on peut aussi compter sur elle. On est très fier de voir aussi que cette équipe démontre d’énormes qualités et qu’elle a pu apprendre aussi des aînés. On est très fier du Burkina et du travail qui est fait depuis longtemps dans cette équipe.