Depuis le 8 juin dernier, l’Assemblée générale de Organisation des nations unies tient, au siège de l’Institution à New York, une réunion de haut niveau regroupant tous les Etats membres « pour renouveler la stratégie mondiale de lutte contre le VIH afin de parvenir à éradiquer l’épidémie d’ici à 2030 ». Dès l’ouverture de cette réunion, le secrétaire exécutif de l’ONUSIDA, Michel Sidibé, a rappelé les progrès réalisés dans le domaine de la lutte contre la pandémie, entraînant de facto une baisse considérable du nombre de décès liés au VIH et de personnes infectées. Pour autant, il ne faudrait pas baisser la garde, puisque que de nouvelles infections sont constatées , notamment chez les travailleurs du sexe, les prisonniers, les homosexuels, les personnes transgenres et les personnes qui consomment des drogues injectables. De ce fait, le sida demeurera encore pendant des années comme une priorité mondiale, et les participants à cette réunion onusienne qui s’achève en principe ce vendredi, se sont fixé une série d’objectifs assortis d’échéances pour éradiquer le sida : réduire le nombre de personnes nouvellement infectées par le VIH de 2,1 millions en 2015 à moins de 500 000 en 2020, réduire le nombre de personnes qui meurent de maladies liées au sida à moins de 500 000 en 2020 et éliminer la discrimination liée au VIH. Ainsi, à l’horizon 2030, cette maladie qui aura terrorisé le monde autant que la peste au moyen âge ou la variole au siècle dernier, ne sera plus, foi des spécialistes du sida, qu’un souvenir douloureux pour toutes les personnes qui en ont été infectées ou affectées.
On aimerait bien partager cet optimisme de l’ONUSIDA, mais reconnaissons qu’il faut plus que des discours grandiloquents et des déclarations d’intention pour stopper la propagation de « ce virus que tout le monde peut contracter et dont tout le monde peut se prémunir », pour reprendre une formule ampoulée couramment utilisée dans les campagnes de sensibilisation contre le mal. La lutte contre le sida est en effet contrariée par plusieurs facteurs, allant de l’insuffisance des fonds pour booster la recherche, à la cruelle hypocrisie des lobbies, de l’industrie pharmaceutique et de toutes ces sangsues qui font semblant de se battre pour un monde sans sida, alors qu’ils n’y ont véritablement pas intérêt, la pandémie étant devenue pour eux une fenêtre d’opportunité pour s’enrichir et pour vivre mieux. Il faut bien le dire, de nombreux gouvernements au Nord comme au Sud pourraient être déstabilisés si la pandémie venait à disparaître, parce que cette disparition entraînerait celle de nombreux emplois et des avantages considérés comme acquis et inaliénables par tous ceux pour qui le sida est une véritable vache à lait.
La priorité n’est toujours pas d’éradiquer le VIH, mais de permettre à ceux qui en sont atteints de vivre avec
Comment comprendre en effet que plus de 30 après sa découverte, ce virus, aussi récalcitrant soit-il, continue de narguer le monde scientifique malgré les progrès enregistrés dans le domaine des sciences et des techniques, et malgré l’attention particulière et sans pareille dont la pandémie du sida a bénéficié de la part de la communauté internationale ? Les antirétroviraux permettent certes aux personnes infectées de ne plus assister vivantes à leur propre mort comme il y a une vingtaine d’années et à ralentir le développement de la maladie, mais ils contribuent aussi, paradoxalement, à la recrudescence de la pandémie en ce sens que le sida a fini par être considéré comme une maladie comme les autres, à la limite bénigne, pour peu qu’on soit suivi par un médecin spécialiste. Si nous devons fort justement nous féliciter des résultats probants de ces médicaments, nous ne pouvons pas nous empêcher de décrier l’attitude indécente de ces ripoux qui grippent souvent volontairement leur circuit de distribution en créant des pénuries artificielles afin de soutirer de l’argent aux pauvres malades, même quand la prise en charge est gratuite.
Au total, on peut multiplier à volonté les conférences et les réunions internationales sur la problématique du sida, mais il sera difficile d’en venir à bout aussi longtemps que les médicaments seront au nord et les malades au sud, et aussi longtemps que les intérêts financiers des uns primeront sur la santé des autres. Ce constat est valable pour toutes les grandes épidémies, il l’est davantage pour le sida au regard de son principal mode de contamination (le sexe) et des moyens de prévention pas toujours fiables, comme l’utilisation des préservatifs, souvent de mauvaise qualité et vendus sur le marché par des criminels qui vont continuer tranquillement leur œuvre d’extermination silencieuse. Ce sont donc tous ces intérêts financiers et économiques de quelques individus qui plombent la « croisade mondiale» contre le sida, et la solution de traitement précoce préconisée par les participants à la réunion de New York n’est en réalité qu’un pis-aller, juste pour expliquer à ceux qui ne le savaient pas encore, que la priorité n’est toujours pas d’éradiquer pour de bon le VIH, mais plutôt de permettre à ceux qui en sont atteints de vivre avec, tout en préservant les intérêts de ceux qui en ont toujours profité.
Hamadou GADIAGA