L’Institut pour la gouvernance démocratique (IGD) a organisé, le 4 juillet 2013 à Ouagadougou, un panel-débat sur le thème « Religion et politique au Burkina Faso à la lumière du forum national sur la laïcité ».
Dans le cadre des activités de l’atelier annuel, organisé en partenariat avec l’Association américaine de sciences politiques (APSA), l’Institut pour la gouvernance démocratique (IGD) a initié un panel-débat, le 4 juillet 2013 à l’Université de Ouagadougou. Les échanges ont porté sur le cheminement de la religion et de la politique au Burkina Faso.
Des chercheurs en sociologie, en anthropologie et en sciences politiques venus des Etats-Unis d’Amérique, de la Côte d’Ivoire, du Nigéria, du Kénya… ont participé aux échanges par diverses contributions. Trois panélistes ont ouvert le bal sur un aspect précis du thème « Religion et politique ». Le premier panéliste, Ignace Sandwidi , a été l’un des représentants de l’Eglise catholique au forum national sur la laïcité tenu en septembre 2012 au Burkina Faso. Selon M. Sandwidi, l’Eglise catholique reconnaît le principe de la laïcité et le caractère laïc de l’Etat burkinabè. Pour lui, l’Etat, en tant que garant de l’égalité entre tous les citoyens, ne doit pas revêtir une forme confessionnelle. Il doit garantir la liberté de croyance, mettre en place des lois qui protègent la liberté d’opinion et prôner un discours qui fait l’apologie de la tolérance et du dialogue. Il a affirmé que l’Etat et la religion défendent le bien commun et les droits humains. Il a ajouté qu’un dialogue constant doit être maintenu entre la religion et l’Etat et entre les religions elles-mêmes.
Le deuxième panéliste, le Pr Issa Cissé, enseignant au département d’Histoire et archéologie à l’Université de Ouagadougou, s’est intéressé aux relations entre l’islam et la politique au Burkina Faso, de 1960 à nos jours. Le Pr Cissé a soutenu que l’évolution de l’islam au Burkina Faso a été tributaire de la vision des différents chefs d’Etat qui se sont succédé au pouvoir. Et de poursuivre que l’administration a créé une dynamique en faveur de l’instauration de l’islam avec la création en 1962, de la communauté musulmane. Les membres influents de ladite communauté vont, selon le Pr Cissé, faire de la politique pour mieux s’affirmer. Pour lui, l’avènement du général Aboubacar Sangoulé Lamizana au pouvoir en 1966, a rapproché l’islam et la politique, d’autant plus que le président a voulu renforcer des relations avec le monde arabe.
De l’augmentation du nombre des associationsislamiques
Des relations qui, aux dires du panéliste, ont permis la construction d’écoles et de mosquées au Burkina Faso. Il a poursuivi en soutenant qu’en 1970, le nombre d’associations islamiques est passé de un à trois. De 1980 à 1990, les associations musulmanes ont atteint douze. Cette période caractérisée par des régimes d’exception, confrontés à des difficultés financières, vont s’intéresser aux musulmans pour consolider les relations avec les pays arabes comme la Libye. Dans son explication, il a déclaré qu’à partir de 1990, l’on a assisté à l’émergence de Francophones qui défendent la cause de l’islam à travers des strucutres comme l’Association des élèves et étudiants musulmans au Burkina (AEEMB) et le Cercle d’étude, de recherche et de formation islamiques (CERFI). Ces associations vont, selon le Pr Cissé, militer pour l’enracinement de la culture islamique et la conciliation de l’islam avec le modernisme, par le biais des conférences. Et de conclure que la visibilité d’une élite arabisante sonne, de plus en plus, l’éveil de l’islam burkinabè.
Le troisième panéliste, le Pr Magloire Somé, également enseignant au département d’Histoire et archéologie à l’Université de Ouagadougou, a exposé sur les rapports entre les religions et l’Etat. Remontant à l’époque coloniale, le Pr Somé a affirmé que l’idéologie française avait une idée de hiérarchie des valeurs qui qualifiait les sociétés africaines de superstitieuses. Et le christianisme qui était, selon cette idéologie coloniale, l’absolu de la civilisation, devait sortir l’Afrique de la superstition ; toute chose qui va encourager l’arrivée des missionnaires dans les colonies françaises. A l’écoute, en 1905, la France a promulgué une loi sur la laïcité et s’est retrouvée piégée dans sa mission civilisatrice en Afrique à travers le christianisme. Une situation qui va, relevé Pr Somé, obliger l’Etat français à une neutralisation de la politique et à revoir son soutien aux missionnaires.
Pour le panéliste, l’autorisation en 1919 de toutes les missions en Afrique va entraîner l’arrivée des missions américaines, ce qui va instaurer une rivalité entre protestants et catholiques. Pour le cas du Burkina Faso, le Pr Magloire Somé a précisé qu’après les indépendances, les autorités ont soutenu qu’il n’y a pas de problème religieux dans le pays et que c’est sur le terrain doctrinal que les gens s’affrontent verbalement.
De l’Eglise catholique, il a soutenu qu’elle constitue une force qui intervient dans le social, se prononce sur les problèmes politiques et se positionne comme une sorte de contre-pouvoir. Il a fait le constat que l’espace public au Burkina Faso est, de nos jours, de plus en plus occupé par les forces religieuses.
Les participants, nourris des éclairages des uns et des autres, se sont donné rendez-vous pour l’année prochaine, dans un autre pays africain pour d’autres échanges.