C’est désormais acté : le mandat d’arrêt contre le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro, est définitivement et officiellement enterré.
C’est la principale annonce faite par le nouveau commissaire du gouvernement prêt le tribunal militaire de Ouagadougou, Alioun Zanré (Lire page 2).
En effet, au cours d’une conférence de presse donnée hier lundi 6 juin 2016 dans l’après-midi, le magistrat militaire a rendu publique la décision du Burkina Faso de passer par «la procédure de dénonciation» en lieu et place de l’émission d’un nouveau mandat contre Guillaume Soro. Le tribunal militaire de Ouagadougou demande donc à la Côte d’Ivoire de poursuivre l’intéressé.
"Si nous dénonçons et que nous attendons que l’autre partie réagisse, nous n’avons plus intérêt à émettre un mandat contre Guillaume Soro. (...), comme nous avons dénoncé les faits, nous n’avons plus compétence d’émettre des mandats dans ce sens », a précisé M. Zanré.
Que de rebondissements dans ce dossier «Soro», du nom du président de l’Assemblée nationale ivoirienne, contre lequel un mandat d’arrêt international avait été lancé en janvier dernier pour sa présumée collaboration avec les auteurs du putsch du 16 septembre 2015. Une poursuite enclenchée suite à l’interception d’écoutes téléphoniques entre Guillaume Soro et l’ex-chef de la diplomatie burkinabè, Djibril Bassolé, mais dont l’authenticité reste jusque-là controversée. Mais en avril dernier, la cour de cassation avait annulé une série de mandats d’arrêt, dont celui contre l’occupant du perchoir ivoirien pour vice de forme.
Après donc les cases «émission» puis «renonciation», place à la «dénonciation».
Voilà donc les autorités judiciaires qui refilent la patate chaude à leurs homologues ivoiriennes qui n’en demandaient pas mieux. Et pour cause.
Faut-il voir en cet ultime rebondissement la victoire de Créon, maître de la raison d’Etat, sur Antigone, l’héroïne de l’idéal moral, en d’autres termes l’aboutissement de quelque manœuvre diplomatique ?
Dès le déclenchement de cette affaire qui a fait couler beaucoup d’eau sous les ponts Kadiogo et Houphouët-Boigny, personne n’était dupe de la volonté de Ouagadougou et d’Abidjan de jouer la carte de l’apaisement. Et le chef de l’Etat burkinabé, Roch Marc Christian Kaboré, n’a jamais fait mystère de son intention de recourir à la potion diplomatique contre une crise qui empoisonnait les relations entre son pays et la Côte d’Ivoire dont l’interdépendance n’est plus à démontrer.
Cette décision de renonciation a beau avoir été prise par le tribunal militaire de Ouagadougou, on ne peut pas ne pas y voir la main de l’exécutif, surtout que le président du Faso, en tant que ministre de la Défense, a son avis à émettre dans un dossier qui relève de son département.
Pour faire dans le jargon militaire, on est tenté de dire que le juge militaire s’est mis au garde-à-vous devant son chef.
Vu sous un autre angle, aussi pragmatique soit-il, cet enterrement de première classe que vient de vivre l’affaire Soro est synonyme d’aveu d’impuissance. C’est que tout le monde savait qu’une chose est d’émettre une notice rouge contre la deuxième personnalité de l’Etat ivoirien, et une autre était de la voir arrêtée, extradée au Burkina, jugée et pendue à un croc de boucher.
Si sur les bords de la lagune Ebrié, Guillaume Soro pourra donc désormais dormir tranquille et Alassane Ouattara tirer les dividendes de cette résolution diplomatique, par contre, ici au Faso, le locataire de Kosyam en aura pour sa «compromission», comme le crient d’aucuns.
En optant finalement de ne pas jouer dans le seul registre de l’émotion, comme voulaient l’y contraindre certaines personnes, Roch Marc Christian Kaboré sera certainement condamné, sans appel, devant le tribunal des partisans du tout juridisme. Mais du tribunal de l’Histoire, il pourra ressortir grandi.
Alain Saint Robespierre