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Le Quotidien N° 811 du 8/7/2013

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Centre pour l’éthique judiciaire / Justice et corruption : « Qui jugera les juges ?»
Publié le mardi 9 juillet 2013   |  Le Quotidien


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Le palais de justice du Burkina


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Que la Justice burkinabè soit au cœur de dénonciation de corruption, n’est que secret de polichinelle. A travers un cas concret le Centre pour l’éthique judiciaire (CEJ) pose un diagnostic de la situation et appelle à plus d’action pour une Justice transparente. Ainsi à travers cette déclaration, elle propose qu’il soit retenu comme thème de la rentrée judiciaire prochaine : « la corruption dans la Justice : qui jugera les juges ? »

Le 6 juin 2013, le Centre pour l’éthique judiciaire (CEJ) a été informé de ce qu’une formation du Tribunal de grande instance (TGI) de Ouagadougou aurait reçu une importante somme d’argent à l’effet de rendre une décision favorable à deux prévenus. Le même jour, il a ouvert une enquête circonstanciée à l’effet de s’assurer de la matérialité des faits et, le cas échéant, d’examiner si ces faits sont contraires à l’éthique et à la déontologie du juge.

L’enquête a permis d’établir ce qui suit.

Messieurs Omar Abdallah Caboré et Souleymane Malgoubri étaient employés à la SGS en qualité d’assistants comptables, chargés du recouvrement.

En juin 2012, un client de la SGS s’est plaint du fait qu’un chèque qu’il a émis en paiement à la SGS a été utilisé pour payer un autre client. Après vérification, la SGS a découvert que ledit chèque, d’un montant de 45 000 000 de francs CFA avait effectivement été endossé par les sus nommés au profit de l’entreprise Omarina SARL, dont le gérant n’est autre que Omar Abdallah Caboré . Elle a donc porté plainte contre eux pour abus de confiance.

Faisant suite à cette plainte, les intéressés ont été traduits devant le TGI de Ouagadougou, pour abus de confiance. Ils ont été condamnés à une peine d’emprisonnement de 12 mois, assorti de sursis et immédiatement remis en liberté.

Près d’un an plus tard, suite à des vérifications plus poussées auprès de certains clients, la SGS a découvert que des chèques de clients ont été encaissés par d’autres sociétés. Elle a encore déposé plainte contre CABORE Abdallah Omar et MALGOUBRI Souleymane. Faisant suite à cette plainte, les intéressés ont été poursuivis devant le Tribunal correctionnel de Ouagadougou pour abus de confiance. L’affaire a été appelée à l’audience dudit tribunal le 25 avril 2013 puis, successivement renvoyée jusqu’au 23 mai 2013, date à laquelle elle a été débattue et mise en délibéré pour le 6 juin 2013.

L’instruction à l’audience a permis d’établir que monsieur Souleymane après avoir réceptionné les chèques remis en paiement par les clients de la SGS, en soutirait certains qu’il remettait à monsieur Abdallah Omar Caboré. Ce dernier les endossait au nom de l’entreprise « Omarina » et les déposait sur le compte n°52 41184 0005 ouvert dans les livres de la Banque Atlantique au nom de ladite d’entreprise. Une fois le chèque payé, messieurs Abdallah Caboré et Souleymane Malgoubri se répartissaient le montant à raison de 2/3 pour le premier et 1/3 pour le second. Le montant total des sommes ainsi détournées a été arrêté à la somme de 180 000 000 de francs CFA. Rendant sa décision le 06 juin 2013, le tribunal a condamné à une peine d’amende de 1 500 000 de francs CFA et au paiement de la somme de 180 000 000 de francs CFA détournée ou dissipée.

Il est également ressorti qu’avant l’audience, monsieur Salifou Caboré , père du prévenu Omar Abdallah Caboré avait multiplié les visites au Palais de Justice, notamment au parquet du Procureur du Faso, au Président de la formation et à un magistrat en service au tribunal administratif de Ouagadougou. Puis, aussitôt le jugement connu, monsieur Salifou Caboré a remis, la somme de 2 500 000 de francs CFA, qui devait être repartie entre les juges ayant rendu la décision et les magistrats qui ont servi d’intermédiaires.

Par ailleurs, au cours de l’enquête, il nous est revenu que dans le cadre de la première plainte qui a été jugée en 2012, le même Salifou Caboré aurait remis une somme de 2 000 000 de francs CFA à un magistrat en service au tribunal administratif pour la remettre aux juges en vue de s’assurer de leur clémence.

Au regard de la qualité des personnes entendues et des informations qui ont été mises à notre disposition, les conclusions suivantes peuvent être tirées, au- delà de tout doute raisonnable :
dans la gestion de cette affaire, monsieur Salifou Caboré a remis de l’argent à des magistrats pour obtenir une décision clémente ;

les faits commis par lui et les magistrats en cause peuvent recevoir la qualification de corruption ;

les magistrats impliqués ont commis des manquements graves à l’éthique et à la déontologie du juge.

Le CEJ note, avec dégoût , que la corruption dans la Justice est devenue malheureusement une réalité incontestable. En effet, il ne se passe pas un seul jour sans que l’on ne dénonce des faits de corruption impliquant des acteurs judiciaires, en premier lieu, les magistrats, chargés eux-mêmes de sanctionner de telles pratiques. A en croire la récente sorti du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, dans l’affaire dite des 23 kg d’or, elle a atteint un niveau tel que même l’Etat n’en est plus à l’abri.

C’est le lieu pour le centre d’affirmer qu’en tant que justiciable, il est tout a fait compréhensible que l’Etat désapprouve une décision qui ne lui donne pas satisfaction, surtout lorsqu’il a des doutes sur l’impartialité des juges qui l’ont rendue. Mais, de là à refuser de se soumettre à la décision de Justice, il y a un pas dont le franchissement peut détruire les fondements de l’Etat de droit.

L’enjeu est donc moins d’opposer une résistance hostile à la décision de Justice que de prendre les mesures qui s’imposent pour les rendre crédibles. A ce propos, il est à relever que de nombreux rapports, mettant en cause la corruption dans la Justice, transmis au ministère de la Justice, sont restés sans suite. Il nous souvient par exemple, que le Conseil supérieur de la magistrature avait, à la suite d’une enquête qu’elle a diligentée, conclu à l’existence de faits de corruption avérés dans la Justice. Depuis lors par contre, aucune procédure disciplinaire n’a été engagée. Au moment où la corruption semble avoir atteint le stade systémique dans le secteur judiciaire, le Centre ose espérer que des sanctions appropriéesseront prises.

Dans ce chantierde restauration de la crédibilité de la Justice, aucun effort ne doit être ménagé. Pour sa part, le Centre réaffirme sa détermination et disponibilité à engager ou à soutenir toute initiative allant dans le sens de la lutte contre la corruption dans la Justice. Dès à présent, le CEJ a engagé une poursuite judiciaire pour corruption contre les sieurs Salifou Caboré et Omar Abdallah Caboré, devant le TGI de Ouagadougou. Il a aussi ouvert une enquête circonstanciée sur les faits rapportés dans le Journal ‘’ l’Evènement’’ dans sa parution du 25 juin 2013, relativement à l’affaire Soungalo Siri.

Le CEJ exhorte le Ministère de la Justice, seul habilité à mettre en œuvre la procédure disciplinaire, à placer l’année judiciaire 2013-2014 sous le signe de la tolérance zéro en matière de corruption dans le secteur judiciaire. Dans cette optique, la rentrée judiciaire à venir pourra être placée sous le thème suivant : « La corruption dans la Justice : qui jugera les juges » .

Fait à Ouagadougou,
le 1er juillet 2013
Le secrétaire exécutif
Maître Guy Hervé KAM

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