Ceci est une lettre de protestation de la Coordination des Syndicats du Ministère en Charge de l’Economie et des Finances (CS-MEF) contre la remise en cause des acquis des travailleurs. Elle est adressée à Madame le Ministre de l’Économie, des Finances et du Développement. Cette lettre ouverte est signée par les 6 organisations syndicales membres de la CS-MEF : le Syndicat Autonome des Agents du Trésor du Burkina (SATB), le Syndicat National des Agents des Impôts et des Domaines (SNAID), le Syndicat National des Travailleurs des Douanes (SYNATRAD), le Syndicat National des Travailleurs de la Planification et de la Coopération (SYNTPC), le Syndicat National des Agents des Finances (SYNAFI), le Comité CGT-B/ENAREF.
Madame le Ministre,
L’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 suivie de la résistance victorieuse au coup d’Etat de type fasciste de septembre 2015 constituent un socle pour l’approfondissement de la démocratie dans notre pays.
Dans un tel contexte, les travailleurs du MINEFID aspirent :
à de meilleures conditions de travail en rapport avec les exigences de performances dans la mobilisation des ressources, l’exécution de la dépense publique et la production de l’information statistique dans un environnement de récession budgétaire d’une part et d’autre part dans un système exécrable de management des ressources humaines ;
à de meilleures conditions de vie en rapport avec les exigences d’intégrité, de probité dans un environnement de corruption généralisée, de trafic d’influence et d’indexation du secteur des finances comme un secteur potentiellement corrompu ;
à une justice fiscale en rapport avec les exigences d’une justice sociale dans un environnement d’incivisme fiscal accru, de politisation de l’administration, de favoritisme, de fraude fiscale massive et de délinquance en matière fiscale et de dépenses publiques.
Madame le Ministre,
Au lieu de vous attaquer courageusement aux maux qui minent le MINEFID, nous constatons malheureusement, au motif fallacieux de difficultés économiques du pays, une remise en cause flagrante des acquis des travailleurs d’une part et un mépris vis-à-vis des organisations syndicales d’autre part. On peut citer entre autres :
le non-paiement des primes de rendement (DGI, régies de dépenses) ;
le retard dans l’application du statut particulier des agents des Douanes ;
les nominations de complaisance (la DIRCAB, la Directrice générale adjointe des impôts qui est à une année de sa retraite…) et le cas du Directeur général de l’ENARFEF ;
des services sans locaux ou dans des locaux défectueux ;
le mépris des organisations syndicales (cas de votre rencontre avec les travailleurs lors de la JNP à Tenkodogo, vos sorties médiatiques, votre rencontre avec les agents de la DGTCP suite au dépôt du préavis de sit-in du SATB).
Madame le Ministre,
A travers une interview accordée au journal L’EVENEMENT dans sa parution n°325 du 10 mai 2016, vous vous attaquez directement aux travailleurs du MINEFID en remettant ouvertement en cause leurs acquis historiques en ces termes : « nous sommes arrivé à une situation où ce fonds n’est pas durable. La durabilité est en cause pourquoi ? Ce qu’ils arrivent à réaliser comme recettes en matière de saisies frauduleuses n’arrive plus à couvrir ce qu’ils avaient reçu par le passé. Par exemple, quelqu’un qui recouvre deux milliards alors que par le passé ils ont touché quelque chose comme onze milliards. Cela veut dire que les 9 milliards restants, on doit aller les prendre dans la Caisse pour compléter. Je vous pose la question est-ce que c’est juste ? Autant c’est juste qu’il faille encourager les cadres pour traquer les fraudeurs, autant c’est encore plus juste d’utiliser les fonds qu’on aurait récupéré de cela et pas d’autres fonds pris chez des contribuables honnêtes. Malheureusement, cela a été perçu comme des acquis du passé et chaque année, il faut leur servir cette somme. Je profite de votre journal pour communiquer de façon transparente là-dessus. »
Madame le Ministre,
En prenant du recul, jugez-en vous-même, vos propos. Voulez-vous livrez les travailleurs à la vindicte populaire quand vous affirmez que les fonds communs proviennent en grande partie des sommes de « contribuables honnêtes » ?
Voulez-vous mettre les travailleurs des autres ministères et les populations en conflit avec ceux du MINEFID ? Combien avez-vous perçu au titre du Fonds commun antérieur ? Qu’en est-il de votre traitement salarial en tant que Ministre ? Pour un souci de transparence cher à vous, les travailleurs du MINEFID et l’opinion publique attendent de vous des réponses claires à ces interrogations.
Madame le Ministre,
Sans revenir sur l’ensemble de vos allégations dans le journal ci-dessus cité, nous vous demandons de revoir sagement l’histoire des motivations financières au sein du MINEFID car la situation telle que vous l’exposez n’est pas juste. Ces stimulations financières résultent de nombreux sacrifices des travailleurs et non un cadeau d’une autorité quelconque.
Du reste, que valent onze milliards de motivation pour plus de neuf mille agents face à des centaines voire de milliers de milliards de francs CFA de déperditions liées à l’incivisme fiscal, à la fraude et l’évasion fiscales, à la corruption, aux blanchissements de capitaux, aux détournements de deniers publics, au manque de réformes pour une fiscalité juste et démocratique, au management lamentable des ressources humaines ? En témoignent les rapports des structures de contrôles (ASCE-LC, Inspections Techniques, IGF, Cour des Comptes…) et d’organisations de la société civile tel que le RENLAC. Quelles politiques efficaces avez-vous présentées au Peuple dans votre programme d’activités si ce n’est que des déclarations d’intention sans suite conséquente ?
De ce qui précède, la CS-MEF condamne fermement vos attitudes et propos déviants et exige de votre part :
le rétablissement des faits exacts et une explication juste sur les fonds de stimulation du MINEFID à l’opinion publique ;
le respect des travailleurs du MINEFID et de leurs organisations syndicales ;
la non remise en cause des acquis des travailleurs ;
la relocalisation sans délais de tous les services actuellement sans bâtiments et l’adoption d’un plan d’investissement à court et moyen termes dans toutes les directions du MINEFID ;
la mise en œuvre effective des sanctions fiscales et pénales à la suite aux enquêtes et contrôles fiscaux ;.
l’arrêt des interférences politiques et administratives subjectives dans les affaires fiscales et dans l’exécution la dépense publique ;
la mise en place d’une politique de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale du secteur économique ;
le traitement diligent de la Plate-forme revendicative minimale de la CS-MEF ainsi que des Plates-formes revendicatives spécifiques à chacun des syndicats membre de la Coordination.
Madame le Ministre,
Les travailleurs du MINEFID attendent des réponses idoines à leurs préoccupations. En absence de réponses ou en cas de réponses insatisfaisantes, la CS-MEF se réserve le droit d’entreprendre toute action pour la l’aboutissement des justes et légitimes revendications des travailleurs. En tout état de cause, nous vous tenons pour responsable de la dégradation actuelle du climat social au sein du Ministère.
Veuillez agréer, Madame le Ministre, la ferme détermination des travailleurs du MINEFID à se battre pour la satisfaction de leurs revendications minimales, justes et légitimes.
Ouagadougou, le 27 mai 2016
Ont signé :
Le Secrétaire général du SATB
Séini KOANDA
Le Secrétaire général du SNAID
Nongo Grégoire TRAORE
Le Secrétaire général du SYNATRAD
Mathias KADIOGO
Le Secrétaire général du SYNTPC
Salifou KONATE
Le Secrétaire général du SYNAFI
Mohamed SAVADOGO
Le Secrétaire général du Comité CGT-B/ENAREF
Seydou GUIRA