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Tissage traditionnel : Le made in Burkina à l’épreuve du marché
Publié le jeudi 12 mai 2016  |  Sidwaya




Le tissage traditionnel est une activité multiséculaire au Burkina Faso et il n’était pas rare de voir, dans toutes les contrées, des champs de coton destinés à la consommation locale. Aujourd’hui, en déperdition, des hommes et des femmes se battent pour sauvegarder le textile traditionnel à l’épreuve du modernisme.

«C’est le seul produit burkinabè non alimentaire qu’on peut retrouver dans tous les continents du monde. Aux Antilles, en Amérique, en Australie, en Europe, vous trouverez le Faso dan fani ». Ainsi s’exprime l’expert en textile, Désiré Maurice Ouédraogo. Il explique que des designers sont même installés un peu partout dans les capitales européennes pour promouvoir le Faso dan fani. Pour jouer sa partition dans la promotion des produits du tissage made in Burkina, il a créé en 2008, avec des partenaires étrangers, la structure «Afrique authentique (AA) », basée à Ouagadougou. Cette structure jouit d’une expertise réelle et dispose d’une bonne connaissance de la problématique, du milieu et des acteurs du textile au Burkina Faso et dans la sous-région ouest-africaine. Selon M. Désiré Maurice Ouédraogo, il existe au Burkina Faso, au regard des statistiques disponibles, environ 50 000 tisserands (40 000 femmes et 10 000 hommes) et 2 700 teinturiers dont 1 500 femmes.
Sur toute l’étendue du territoire national, des artisans se dévouent, parfois sans être récompensés à la hauteur de leurs efforts, pour perpétuer les savoirs ancestraux. Le général de Gaulle avait déclaré, parlant de la Haute-Volta, actuel Burkina Faso, que c’était « la terre des Hommes ». Cette assertion proclamée il y a plus de 70 ans demeure toujours d’actualité. Le Burkinabè dans son savoir-être et son savoir-faire transmet intégralement l’essence de ce savoir aux générations suivantes. Comme l’a également signifié Mgr Joanny Thévenoud, père-fondateur des Sœurs de l’Immaculée conception de Ouagadougou, « il existe en plein cœur des savanes africaines un Etat millénaire dont les valeurs d’administration, d’organisation, de production, etc., n’ont rien à envier aux plus hautes cours européennes ». L’artisanat textile avait su bénéficier de cette ingéniosité de nos ancêtres.
Pour sauvegarder ces valeurs aujourd’hui en difficulté, Save Our Skills Africa (SOS Africa), une organisation à but non lucratif, en tandem avec Afrique authentique, a entrepris de réhabiliter ces savoir-faire à travers une revitalisation de certains corps de métiers de l’Afrique ancienne. C’est le cas, entre autres, du tissage selon le modèle ancestral, de la teinture traditionnelle à base de nos ressources naturelles propres. C’est dans ce sens que les plantes jadis utilisées pour la teinture « ont été remises au goût du jour ».

Outiller les artisans

En vue de réussir au mieux leur mission, Afrique authentique et Save Our Skills Africa (SOS Africa), toutes deux basées à Ouagadougou, mais SOS Africa avec des représentations en Grande Bretagne et en Allemagne, se sont associées à une troisième entité, la British europeane Design group (BEDG) dont le siège est à Londres au Royaume Uni. Ce trio œuvre pour « la préservation des métiers traditionnels faits main, sans énergie artificielle ». Selon la directrice de BEDG, et fondatrice de SOS-Africa, Karin-Beate Phillips, « des groupes d’artisans et des créateurs du Burkina Faso et du monde reçoivent de l’aide à travers l’organisation d’ateliers pratiques et d’activités de promotion en vue d’améliorer la qualité marchande de leurs produits ». Dans des localités comme Soulgo, Napalgué et Boussé dans le Plateau central, Poulallé (Centre-Nord), Silorola et Kotédougou (Hauts-Bassins), etc., des femmes et des hommes s’adonnent au tissage à 100% manuel. « Le coton est cultivé dans ces villages, acheté et transformé par SOS Africa tandis qu’Afrique authentique s’occupe de l’approche du marché », renseigne Désiré Maurice Ouédraogo. Depuis 2007, SOS Africa fournit aux artisans desdits villages, des semences organiques certifiées par la Société cotonnière FASOCOTON en vue de la production du coton naturel.
A Napalgué, village de la commune de Niou à 7 km de Boussé, province du Kourwéogo, des artisans se singularisent également par la qualité de leur confection de bandes et de tenues traditionnelles. Héritage culturel, le tissage y est une activité transmise génération après génération depuis des âges. Le métier n’est pas spécifique à une caste ou à un clan, mais est ouvert à toute personne désireuse de l’exercer. A Napalgué, « les enfants sont initiés dès le bas âge. Entre sept et dix ans, ils apprennent à tendre et à installer les rouleaux de fil », raconte le président de la coopérative de tisserands Rayim de Napalgué, Dramane Yembila Sawadogo. Depuis 2009, cette coopérative, forte de soixante-dix (70) membres dont une quarantaine de femmes, dispose d’un cadre de travail organisé et composé d’ateliers de filature, de tissage et d’un dispositif destiné à la teinture. Ceci, grâce à l’appui technique de « Afrique authentique » et du soutien financier de l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique. Elle travaille essentiellement sur la base de commandes effectuées, là encore par Afrique authentique. Selon le secrétaire général de la coopérative Rayim, Lamine Zangré, les artisans confectionnent également des habits traditionnels pour satisfaire à la demande d’autres clients. Cependant, l’activité ne nourrit pas convenablement son homme. « C’est un appoint qui vient compléter les revenus issus des travaux agricoles et d’élevage », reconnaît M. Zangré.

Sauvegarder le patrimoine

Autre lieu, mêmes réalités à Soulgo, un village rattaché à la commune urbaine de Ziniaré dont le nom signifie « tisserand », en langue moré. Ce village est très réputé dans les métiers du tissage traditionnel au pays des Hommes intègres, en ce sens que depuis la nuit des temps, ce sont les artisans de la localité qui habillent le nouvel empereur, le Moogho Naba lors de son intronisation. « Les tisserands d’ici confectionnent également, en une journée, lorsqu’il quitte ce monde, les vêtements funéraires devant servir à la sépulture, selon les us et coutumes », rappelle le vieux Noaga Zongo, président de la coopérative de tissage du village de Soulgo. Cette coopérative regroupe, à ce jour, une soixantaine de membres dont les activités ont été canalisées et soutenues par SOS Africa.
«Nous travaillons sur des métiers à tisser traditionnels et nos produits sont vendus sur commande le plus souvent », renseigne le secrétaire général de la coopérative, Dieudonné N. Nana. A ce jour, celui-ci reste l’un des rares artisans de Soulgo, à savoir, couper et coudre, exclusivement à la main, des tenues traditionnelles. Mais, comme le reconnaissent les artisans eux-mêmes, si rien n’est fait de la part de l’Etat pour leur en venir en aide, le textile traditionnel, et ce qu’il représente en termes de patrimoine culturel, disparaîtra. Et ce ne sont les seules tentatives d’impliquer et de former les jeunes écoliers de Soulgo en vue de gagner la bataille de la relève qui sauvera la situation. En attendant, SOS Africa entend faire des ateliers de Soulgo, un musée et un centre d’éducation et de démonstration pour le tissage traditionnel.

La partition des créateurs de mode

Il faut reconnaître que le mode de production dans le secteur textile traditionnel est inversé. « En général, on vous commande et vous produisez. On est dans un contexte où les gens produisent sur stock avant d’aller sur le marché », soutient Désiré Maurice Ouédraogo. Cette situation fait qu’ils ne peuvent produire qu’en fonction de leur trésorerie. D’où la nécessité d’un accompagnement depuis l’aval, c’est-à-dire des couturiers et stylistes qui sont capables de confectionner de belles choses qui plaisent aux consommateurs et qui vont remonter la filière à la recherche de la matière première. Car, de plus en plus, des créateurs de mode utilisent les produits du tissage traditionnel. François 1er est de ceux-ci. Il a été l’un des pionniers au Burkina Faso à intégrer les matériaux issus du terroir national dans ses confections. « J’ai été le premier à lancer la mode à 100% made in Burkina en 2007 avec le coton biologique », rappelle-t-il. Il utilise de ce fait la cotonnade issue des métiers semi-industriels dits grande largeur. Selon lui, la voie qu’il a tracée suscite, aujourd’hui, un réel engouement chez beaucoup d’autres couturiers qui ont compris que le vêtement est un facteur économique et culturel.
Pour lui, c’est la mode éthique contemporaine qui devrait bien en profiter parce qu’elle répond aux besoins de la nouvelle génération de créateurs qui est dorénavant « beaucoup plus portée sur le patriotisme économique ». François 1er souhaite, lui aussi, que les pouvoirs publics soutiennent les acteurs de la filière du tissage, qui travaillent, le plus souvent sur fonds propres. Le soutien de l’Etat peut s’apparenter, à l’en croire, à des facilités d’octroi de crédits ou de subventions en vue de soulager les artisans du tissage, de la filature, de la teinture qui travaillent à créer de la valeur ajoutée.

Volonté politique

En 2013, la Filature du Sahel (Filsah) a mis à la disposition de l’artisanat textile, 1950 tonnes de fil. « C’est comme deux fois la capacité de production de l’usine Faso Fani qui, quand elle existait, faisait bon an mal an, 900 tonnes », confie Désiré Maurice Ouédraogo. En 2014, cette quantité était de plus de 2000 tonnes. Mais le domaine du tissage a toujours connu des hauts et des bas. Il a été ignoré pratiquement jusqu’au début des années 80, avant de connaitre un essor sous le Conseil national de la Révolution (CNR), avec le mot d’ordre « Consommons burkinabè » qui a permis de relancer la filière. « Mais depuis lors, la fièvre est retombée par manque d’engouement », explique M. Ouédraogo.
En 2015, sous l’impulsion du gouvernement de la Transition, un appel a été lancé pour donner une place de choix au Faso dan fani à l’occasion des festivités du 8-Mars, Journée internationale de la femme. Cette mesure a été par la suite entérinée par l’exécutif Kaboré dès son entrée en fonction. Selon le ministre de la Communication, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, Rémis Fulgance Dandjinou, ce plaidoyer auprès des Burkinabè « vise à valoriser la production locale et la transformation du coton par les acteurs de la filière, notamment les tisseuses ». Et l’expert en textile, Désiré Maurice Ouédraogo en convient que c’est « une décision majeure qui profite au secteur textile en général et au secteur textile artisanal en particulier ». Toutefois, il avance qu’en termes de projection, il faudrait aller au-delà du produit et voir comment cette décision peut générer des revenus pour les acteurs de la filière. En outre, il préconise de voir comment la mesure peut booster « la deuxième transformation du coton, qui reste la problématique qui se pose à l’ensemble des pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) parce que très peu sont ces Etats qui arrivent à transformer, ne serait-ce que 1% de leur coton ».

L’élégance à la Burkinabè

Cependant, il pense que le gouvernement n’a pas suffisamment mesuré l’impact de sa décision sur la filière textile. Ci-fait que les associations de tisseuses se sont mises à se livrer la petite guerre autour d’un repas qui va suffire pour tout le monde. « La demande est énorme par rapport à l’offre. On ne peut pas, en cinq mois, selon la technique de tissage et d’impression, produire suffisamment pour le maximum de Burkinabè », avertit-il.
Quant à la cherté du Faso dan fani dont parlent certains consommateurs, M. Ouédraogo, sans faire dans des comptes d’apothicaire, se pose des questions de savoir dans quelle gamme situe-t-on le Faso dan fani ? Pour sa part, il pense que ce n’est ni le bas, ni le moyen, mais le haut de gamme. Par conséquent, il doit valoir son pesant d’or. La preuve en a été que durant la période critique qui a précédé la fête du 8-Mars 2016, on ne parlait pas de stocks. Le consommateur burkinabè raisonne plutôt en termes d’offre que de prix, lesquels varient de 5 000 à 10 000 FCFA. « A chacun sa convenance. Mais la question de fond, c’est que culturellement, le vêtement n’est pas une priorité pour le Burkinabè. C’est un fait culturel. Le jour de fête, tout le monde est beau. Après la fête, on reprend ses vieilles habitudes en laissant de côté le dan fani », souligne Désiré Maurice Ouédraogo. Pour lui, il ne coûte rien à un Sénégalais ou à un Malien d’investir beaucoup d’argent dans du bazin. « Pareil investissement est très rare au Burkina Faso actuellement. C’est pourquoi, je salue l’appel gouvernemental à adopter le Faso dan fani », ajoute-t-il. Mais, en tant acteur avisé du milieu, il suggère qu’en termes de perspectives, et au cas où la mesure continuait sur trois ans, que les ministères en charge de l’artisanat, de la promotion de la femme et de la formation professionnelle puissent se mettre en comité avec la Chambre des métiers pour « mieux organiser le secteur et coordonner toutes les actions de tous les acteurs intervenant dans le domaine et passer à l’étape semi-industrielle ».

Souleymane Sawadogo

Chronique

L’Afrique après des décennies d’indépendance de ses pays cherche toujours ses marques, sa personnalité. En effet, la colonisation a tout ravagé sur son passage. Ravages socioéconomiques et culturels sonnant le glas de nos us et coutumes, de nos valeurs intrinsèques. Ce bouleversement nous a conduit à un manque d’identité et au tréfonds de ce gâchis, la perpétuation consciente ou inconsciente de valeurs venues d’ailleurs.
Cependant, il est heureux de constater que çà et là, des personnalités physiques et morales ont entrepris de réhabiliter des pans entiers de la culture africaine. Prenons ici l’exemple du tissage et de la teinture traditionnelle. L’Afrique, grand producteur de coton, est paradoxalement le continent où l’on tisse le moins. Industrialisation oblige, les tisserands se font de plus en plus rares, faute de marchés.
Au Burkina Faso, l’on assiste avec plaisir à la revalorisation des métiers du tissage et du tissage traditionnel. Disséminés dans certaines localités du pays, ces tisserands « ressuscités » œuvrent à réveiller et à promouvoir nos valeurs culturelles.
A côté du tissage, il faut saluer le retour de la teinture traditionnelle. Cette teinture avec des colorants naturels issus de nos ressources propres qui avait été abandonnée au profit de la teinture avec des colorants synthétiques reprend timidement mais résolument.
L’action de ces pionniers dans la revalorisation de la culture burkinabè doit être encouragée par nos politiques pour un véritable ancrage et une promotion de notre culture. Si l’on aime à dire que celui qui dort sur la natte d’autrui dort à terre, il faut aussi dire que celui porte le vêtement d’autrui (venu d’ailleurs) est nu.

Fernand Guétabamba OUEDRAOGO

Les colorants naturels ouvrent le marché mondial aux produits textiles burkinabè

Le 4 décembre 2015, un expert en suivi des politiques cotonnières du partenariat Union européenne/Etats de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (UE/ACP), Fabio Berti, et l’experte en communication, Annick Gouba-Guibal effectuaient une mission dans la province du Kourwéogo, à l’effet de s’imprégner de l’état de mise en œuvre d’un projet financé par leur institution. « C’est une subvention qu’on a obtenue de l’Union européenne en 2015 (dont) le montant s’élève à 120 000 euros pour un projet qui s’intitule : Diversification du marché par introduction d’une gamme de produits 100% coton en colorants naturels », souligne Désiré Maurice Ouédraogo.
La délégation a pu visiter des sites de plantation d’espèces tinctoriales et un forage servant à l’entretien des plants à Sandogo, un centre de tissage traditionnel à Napalgué et un atelier de production textile à Boussé. Ces trois localités servent de champs d’expérimentation pour valoriser les savoirs et savoir-faire du monde rural dans les métiers du textile artisanal dans les branches de la filature, du tissage et de la teinture naturelle sur des produits en coton conventionnel. « Avec le dynamisme et l’expertise du coordonnateur d’Afrique authentique et ses collaborateurs, nous arriverons à créer des pôles de compétences dans le domaine de la transformation artisanale », avait rassuré Fabio Berti à l’issue de sa tournée dans le Kourwéogo.
C’est à la suite d’un appel à proposition dans le cadre du 11e Fonds européen de développement (FED) et dans le cadre du programme d’appui à la compétitivité et à la viabilité des filières cotonnières africaines, que l’UE a été séduite par la pertinence du projet soumis par des experts basés en Afrique et en Europe et qui encadrent des producteurs burkinabè et africains. Il s’agit de Désiré Maurice Ouédraogo d’«Afrique Authentique», spécialisé dans la production de textiles artisanaux et de Karin-Beate Phillips, coordonnatrice de SOS Africa, une ONG basée au Royaume-Uni et représentée au Burkina et en Allemagne et la British European Design Group en Angleterre. « La subvention nous a permis de développer les recettes, de former une centaine d’artisans, aussi bien au calibrage du fil qu’à la teinture, et également d’acquérir de nouveaux équipements de broyage qui nous permettront de gagner en temps et en rendement tinctorial », explique M. Ouédraogo.
C’est nantis de ces résultats que Mme Phillips et M. Ouédraogo ont pu pénétrer les marchés internationaux pour présenter des collections à des salons et expositions au Burkina Faso, à Paris (France), à Londres (Royaume Uni) en 2015 et en début 2016, à la grande satisfaction d’architectes d’intérieurs et des collectionneurs à travers le monde.

S. S.
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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