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Art et Culture

Un activiste burkinabè, "ex-prisonnier de Kabila" appelle les Congolais à "se lever" pour "raviver la flamme de la justice" (ITW)
Publié le mardi 10 mai 2016  |  Alerte Info
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© Autre presse par G.S
Nouveau code électoral : les forces vives approuvent son adoption
Samedi 25 avril 2015. Ouagadougou. Place de la révolution. Les forces vives de la nation ont organisé un meeting unitaire pour apporter leur soutien à la transition et au nouveau code électoral. Photo : Oscibi Jhoann, artiste-musicien burkinabè




L’activiste burkinabè, membre du mouvement Le Balais Citoyen, Sibiri Ouédraogo connu sous le nom d’artiste Oscibi Johann, expulsé du Congo après y avoir passé quelques jours en détention en mars 2015, appelle le peuple de ce pays de l’Afrique centrale à "se lever" pour "raviver la flamme de la justice" qu’il a allumée avec ses frères de Filimbi et Lucha, organisations de la société civile, dans une interview à ALERTE INFO.

A quand remonte vos premiers pas dans la musique ?

Je suis venu à la musique un peu tardivement. J’ai commencé à fréquenter cet art à travers les chorales dans les églises depuis ma ville natale appelée Saïoua, à l’Ouest de la Côte d’Ivoire. Arrivé à Abidjan en 1991, j’ai adhéré à une grande chorale du nom de Saint Cécile (II Plateaux Vallon) et c’est à partir de là que j’ai commencé à comprendre les différents comportements et les différentes partitions de la musique.

Avec l’avènement du Zouglou et autres j’ai décidé de m’inscrire dans une école de musique pour commencer à apprendre les solfèges et par la suite j’ai fait plusieurs maquettes. Ma première maquette date de 1994. Je l’ai réalisée chez le vieux Mamadou Doumbouya, un grand musicien ivoirien. C’est dans les années 1997-1998 que je suis entré en studio. En 1999, mon premier album intitulé "Juste et justice" est sorti au Burkina sous le label de Seydoni production et voilà, je suis devenu un professionnel de la musique.

Cela fait des années que vous êtes dans la musique, comment se porte aujourd’hui votre carrière musicale?

Ce que nous faisons ce n’est pas comme pour les autres. Nous faisons de la musique reggae, il faut avoir du coffre pour résister dans un pays où la vérité n’est pas la chanson que tout le monde chante. Quand on choisit le reggae, le succès tarde à venir, mais ça ne nous étonne pas.

Ces dernières années la population a tourné le visage vers le chemin de la vérité, de la justice donC naturellement, ma carrière est beaucoup plus visible aujourd’hui. Avec l’éveil de conscience de la population, je peux dire maintenant que je vis de mon art.

Vous faites de la musique reggae, bientôt vous ferez une halte pour commémorer l’anniversaire de la mort de l’un de ses propulseurs (Bob Marley), que représente le genre reggae pour vous ?

Pour moi la reggae musique n’est pas comme toutes les musiques, c’est une musique d’engagement, de revendication, à l’origine une musique de dénonciation. Elle n’est pas un genre musical où on ne chante que des louanges des chefs. C’est une musique de justice. Alors, qui dit justice dit difficulté à travers le monde, particulièrement dans nos pays en Afrique où la justice n’est pas ce que les hommes politiques préfèrent, donc naturellement notre musique a du mal à être diffusée dans les palais où dans de grands espaces de luxe. Mais cette musique de justice qu’on appelle reggae circule très bien auprès des populations, celles-là qui ont soif de justice et de vérité.

Vous avez parlé de Bob Marley, il est celui-là qui a permis à cette musique de justice d’être connue à travers le monde et sa mort est célébrée chaque année, le 11 mai, par tous ceux qui sont pétris de justice. Chaque 11 mai on marque une pause et on pense aux disparus et à travers eux, Bob Marley que d’autres appellent le prophète, d’autres le prêtre.

Certains pensent que faire de la "musique de justice" rime avec fumer la drogue, avoir des dreadlocks, qu’en pensez-vous ?

Effectivement. A l’origine les faiseurs du reggae aimaient fumer le cannabis qui est une herbe qui n’était pas prohibée en son temps, c’est ce qu’on appelle le canja. Le rasta-man l'a fumé et le fume aujourd’hui. Et comme le reggae est une musique promue par les rastas, naturellement il y a confusion entre reggae et canja. Mais il ne faut pas leur en vouloir. Il faut dire qu’il y a le reggae qui est une musique faite par tout le monde et il y a le rastafarisme qui est une philosophie, une religion. Donc si les gens font confusion entre le canja et le reggae, moi je ne vais pas le démentir parce qu’aujourd’hui de plus en plus, même l’occident est en train de légaliser le cannabis.

Nous sommes dans des pays francophones, je vous assure que quand la France va légaliser le cannabis, le Burkina, la Côte d’Ivoire et autres légaliseront parce qu’ils n’ont pas une politique de conviction, c’est des politiques de suivisme. Quand le blanc dit c’est pas bon tous les noirs vont dire c’est pas bon. Quand le blanc va dire fumer canja, vous allez voir que tous nos chefs d’Etat fumeront le canja.

Comment est-ce que vous marquerez la pause le 11 mai pour penser aux disparus ?

Ici à Ouagadougou, il y aura beaucoup de plateaux. Déjà, le 7 mai, j’ai été convié à une grande manifestation appelé Marley d’Or, où j’ai presté en live accompagné d’autres camarades. Il y aura des espaces de live comme One love café qui organise des manifestations. Dans tous Ouagadougou et en général au Burkina Faso, les reggaemen se feront entendre. Et partant de là, je suis invité le 13 mai à l’institut français pour un café-concert de plus d’une heure. Alors nous allons marquer d’une pierre blanche cette date comme d’habitude.

Aujourd’hui vous militez dans un mouvement appelé Le Balai Citoyen, dites-nous à quand remonte votre engagement dans l’activisme et pourquoi ?

En tant que faiseur de reggae je suis déjà activiste il y a très longtemps. Mais je cherchais un mouvement crédible pour y adhérer. C’est en 2013 que nous avons tous eu la chance d’avoir un mouvement qu’on appelle Le Balai citoyen constitué de maçons, menuisiers, d’avocats, d’artistes, de toutes personnes pétries de justice. Alors j’ai adhéré à ce mouvement et j’ai commencé à me faire entendre. Comme notre slogan le dit "c’est ensemble que nous sommes forts" et voilà, tels les brindilles du balai nous sommes ensemble et combattons pour plus de démocratie et de justice.

Pour plus de démocratie et de justice vous avez été à Kinshasa au Congo en mars 2015 sous la bannière du Balai citoyen et ça a mal tourné pour vos camarades et vous. Vous avez été arrêtés et expulsés de ce pays, quelles ont été les raisons avancées par les autorités congolaises pour vous déclarer persona non grata ?

Avant d’en arriver aux raisons de notre expulsion, je vais vous dire qui nous a invité en République Démocratique du Congo (RDC) et ce que nous sommes allés y faire, parce qu’il y a eu confusion dans le traitement de l’information. Nous avons été invités en RDC par les mouvements Filimbi et la Lucha qui regroupent plusieurs organisations de la société civile. On a eu un visa délivré par la RDC, on a été accueilli à l’aéroport, on a participé à un atelier dont le thème est "Jeunesse et citoyenneté". En tant que membre du balai citoyen nous avons montré à la jeunesse congolaise qu’aujourd’hui la barbarie ne paye pas. Insulter et affronter les forces de l’ordre c’est toujours de la désolation dans le camp de ceux qui sont faibles et qui ont les mains nues. Il faut donc changer la manière de revendiquer et respecter les lois comme nous l’avons fait au Burkina Faso et dont les gens en parlent. C’est le lendemain dimanche, lorsque nous tenions une conférence de presse qui devrait être suivie d’un concert populaire autorisé par les autorités congolaises, que la police militaire est venue nous arrêter avec la manière très musclée et nous a emmenés dans un endroit appelé l’ANR (l’Agence nationale de renseignement).

Nous avons été accusés de vouloir déstabiliser la RDC. Le porte-parole du gouvernement congolais Lambert Mendé Omalanga nous a tous traités de terroristes et que moi j’étais un spécialiste de fabrique de Cocktail Molotov (arme incendiaire artisanale) ce qui est archi-faux. Ils ont usé de la brutalité sur nous, mais grâce à Dieu, le monde s’est offusqué et on a été libéré et expulsé.

Un an après vos camarades congolais sont toujours détenus au Congo, avez-vous de leurs nouvelles ?

Permanemment je suis informé de ce qui se passe en RDC à travers le mouvement Filimbi. C’est vrai que beaucoup de ses membres sont en exil, deux de mes camarades, je veux parler de Fred Bauma et Yves Makwambala, sont toujours détenus dans des prisons à Kinshasa sans jugement. C’est vraiment injuste. Chaque fois que nous en avons l’occasion, nous crions haut et fort pour exiger la libération de ces innocents. Chaque fois qu’on en a l’occasion, on dit que c’est un pays de non-droit, la RDC. C’est un pays immensément riche mais qui a, à sa tête des petits hommes qui malheureusement sont en train de torturer une grande population. Nous faisons tout pour raviver la flamme de la justice que nous avons allumée depuis le 15 mars 2015 en RDC. Nous appelons ceux qui aiment la justice, la démocratie à ouvrir l’œil sur la gestion de président congolais Joseph Kabila sinon bientôt ça sera encore des pleurs et désolations dans les familles.

Vous constatez des changements dans le comportement des congolais, un an après votre passage ?

Oui plus qu’un changement. Aujourd’hui Kabila est paniqué. Il est incapable même de convoquer l’élection. Son mandat fini en fin d’année 2016 mais jusqu’à présent je vous assure qu’il n’a même pas le courage de dire s’il sera candidat ou pas. Il est en train de faire une politique qu’on appelle le glissement, mais il n’a pas le courage de sa politique.

Aujourd’hui, grâce à notre passage, il y a un mouvement qu’on appelle Collectif démocratique 2016 qui s’est constitué de plusieurs opposants et membres de la société civile pour dire non à la prolongation ou au glissement du régime Kabila. Donc notre passage au Congo a eu un effet sur les Congolais. Aujourd’hui, Kabila tente par tous les moyens d'étouffer la volonté du peuple congolais. Mais la jeunesse s’est saisie de son avenir et est en train de s’organiser pour le développement de son pays. La jeunesse congolaise refuse d’être le mouton de ce régime dictatorial.

Qu’avez-vous à dire aux Congolais qui sont toujours dans l’organisation pour faire front au régime Kabila ?

Aux frères Congolais, depuis notre libération, chacun de son côté se bat pour que l’écho de justice résonne dans les oreilles de ceux qui veulent entendre. Moi j’ai réalisé un single intitulé Liberté confisquée en RDC que j’ai mis sur les réseaux sociaux, où je revendique la libération des innocents incarcérés, où je dénonce la gestion calamiteuse du régime Kabila. Nous nous battons, mais c’est à eux Congolais de se lever. Le monde lavera leur dos, mais c’est aux Congolais de laver leur propre visage. Personne ne viendra développer aucun pays en Afrique. C’est à chaque jeune africain de se lever et de se dire qu’il ne doit pas passer inaperçu dans ce monde. La vie s’en va, posons des actes qui traverseront le temps.

DZO
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