On se doutait depuis un bout de temps qu’il y avait un malaise au sein de la justice militaire pour ne pas dire de l’armée. Que les relations avec le politique n’étaient pas au beau fixe et on se demandait comment tout cela allait se terminer. On a un début de réponse depuis ce week-end. En effet, par décret pris par le président du Faso, une valse de bérets est intervenue au tribunal militaire. Ainsi le commissaire du gouvernement, le lieutenant-colonel Norbert Koudougou, est remplacé par Alioune Zanré, précé- demment premier substitut du procureur militaire, et le juge civil Sébastien Rapademnaba est retiré du trio des juges d’instruction en charge des enquêtes sur le coup d’Etat de septembre 2015. Quand même l’exécutif serait dans son droit de procéder à des changements de têtes dans le strict respect de la loi, pour ne pas dire du fait du prince, on ne peut qu’y voir la consé- quence des multiples dossiers brûlants qui auront donc fini par brûler les doigts des magistrats militaires.
Depuis l’insurrection populaire qui a balayé Blaise Compaoré un jour d’octobre 2014, la justice militaire est sous les feux des projecteurs à cause du dossier sur l’assassinat de Thomas Sankara, qui a connu une évolution significative courant 2015 avec l’inculpation du général Gilbert Diendéré et des mandats d’arrêt émis contre Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando. Il y a ensuite l’affaire née du putsch manqué de septembre 2015 dans lequel Gilbert Diendéré, Djibril Bassolé ainsi que des civils sont dans le collimateur de l’institution que dirige le colonel Sita Sangaré. C’est d’ailleurs dans l’instruction de ce dossier que le juge militaire a tenté d’entendre sans succès les premiers responsables de l’armée, en l’occurrence le chef d’état-major des Armées, le général Pingrenoma Zagré, le commandant de la Gendarmerie, le colonel Tuandaba Coulibaly, le Directeur général de la police, le commissaire Lazare Tarpaga, le secrétaire général du ministère de la Défense, le colonelmajor Alassane Moné, le patron de l’Armée de Terre, le colonelmajor Raboyinga Kaboré, le colonelmajor Gustave K. Palenfo de l’Armée de l’Air et bien d’autres officiers supérieurs. Comme si cela ne suffisait pas, des mandats d’arrêt émis dans les deux affaires citées contre Blaise Compaoré, Guillaume Soro, Fatou Diendéré et nous en oublions ont été annulés pour vice de forme. La justice militaire a-telle fait preuve de légèreté, comme certains sont enclins à le penser, dans le traitement de ces affaires ou d’une trop grande indé- pendance ?
On se rappelle en tout cas que lors de sa première conférence de presse es-qualité donnée à Bobo-Dioulasso en marge de la Semaine nationale de la culture (SNC), le nouveau locataire de Kosyam confiait qu’il avait appris le mandat d’arrêt contre Soro de retour de Cotonou. C’est dire qu’en tant que premier magistrat du pays et ministre de la Défense, il en a été informé au même titre que le citoyen lambda. Le chef de l’Etat avait alors réitéré sa volonté d’user de la voie diplomatique pour régler la crise entre la Côte d’Ivoire et le Burkina suite au mandat d’arrêt contre le président de l’Assemblée nationale ivoirienne. De ce point de vue, la récente riposte du « général » Roch peut être perçue comme une grosse immixtion de l’exécutif dans le judiciaire et une volonté de mettre aux pas les militaires, fussent-ils des magistrats, qui avaient peut-être la fâcheuse tendance à sortir du rang. Il faut espérer en tout cas que les autorités burkinabè ont de solides raisons de prendre ces oukases qui pourraient davantage faire grogner dans une Grande Muette déjà traversée par de nombreux murmures. Après ce coup de balai, dorénavant la question se pose de savoir si la valse va se poursuivre au sein de la haute hié- rarchie sous la menace d’inculpation dans le cadre du putsch de Diendéré, qui, ne voulant pas couler seul, comme nous l’écrivions dans nos précédentes éditions, a livré des noms de hauts gradés comme ses complices.