Dans la déclaration qui suit, la coordination des syndicats de la fonction publique fait une analyse critique des propositions gouvernementales de relecture de la grille indemnitaire des fonctionnaires
Déclaration
Par le biais de l’Unité d’action syndicale (UAS), la Coordination des syndicats de la Fonction Publique recevait un document du gouvernement intitulé « Etude diagnostique du régime indemnitaire des agents publics de l’Etat ». A cet effet, l’UAS demandait à la Coordination de faire une analyse dudit document afin de lui donner un avis. Dans ce cadre, une rencontre s’est tenue le 17 juin 2013 à la Bourse du travail de Ouaga et a permis d’apprécier ce texte qui est censé répondre à un engagement du gouvernement consistant à une relecture de la grille indemnitaire après assainissement du fichier des agents publics de l’Etat en vue d’une augmentation pour satisfaire aux revendications des organisations syndicales.
A l’analyse du texte, les syndicats ont fait des observations, exprimé des inquiétudes et dégagé une position.
I. Des observations
1. la relecture telle que les syndicats l’ont réclamée depuis 2009 et telle que le gouvernement l’avait annoncée depuis lors avait pour objectif d’améliorer les taux des indemnités servis aux agents publics. Du reste, c’est dans ce sens que le gouvernement a, en 2011, lié cette relecture à l’assainissement préalable du fichier de la solde. En lieu et place, le texte qui a été présenté correspond plutôt à une réforme de la grille indemnitaire qui, non seulement ne semble pas prendre en compte le souci de l’amélioration des indemnités, mais pire, comporte des bases de remise en cause des acquis des travailleurs en la matière ! u. Le document qui s’articule autour de sept (07) points relève que le poids des indemnités dans les dépenses de l’Etat est très élevé ; que les indemnités telles que servies actuellement sont sources d’inégalités et de frustration ; que l’attribution d’indemnités nouvelles est due aux pressions syndicales de sorte que les agents appartenant à des corporations syndicales fortes (Enseignants, agents de Santé,…) bénéficient de plus d’indemnités que les autres. Pour ce faire, l’étude envisage un regroupement des indemnités en quatre (4) typologies s’appuyant selon leur philosophie sur les notions d’équité, de justice et de transparence. Tout en partageant une telle philosophie, la Coordination note : a les acquis arrachés par certaines « corporations » se sont toujours fondées sur des réalités objectives des secteurs d’activités concernés en termes de difficultés et de contraintes ; par conséquent, nous ne pouvons adhérer à une entreprise qui les remet en cause et qui tend à nier la spécificité des emplois. Pour nous, les emplois publics sont divers, avec des difficultés et des contraintes qui ne sont nullement semblables et de ce fait, ne peuvent donner lieu à des traitements identiques. Ce n’est donc pas le système indemnitaire qui incite aux revendications corporatistes et il est illusoire de penser qu’un système peut empêcher celles-ci de s’exprimer si les travailleurs sont confrontés à des difficultés objectives ;
- les luttes menées par les syndicats autour des questions indemnitaires ne peuvent pas être présentées comme le fait des « corporations fortes » qui auraient imposé au gouvernement un traitement inéquitable des travailleurs. Du reste, les derniers textes relatifs aux indemnités que le gouvernement a adoptés en avril 2012 sont ceux régissant les agents de la police nationale. Ils améliorent très sensiblement le traitement indemnitaire desdits agents qui pourtant ne sont pas considérés comme appartenant à une corporation forte. Il apparaît là une tentative d’opposition inacceptable des travailleurs ;
- plutôt que de considérer que les travailleurs de la santé et de l’éducation bénéficient de plus d’indemnités que les autres parce qu’ils constituent des corporations fortes, il faut plutôt prendre en compte les contraintes et les difficultés de ces deux métiers qui sont indéniables et qui justifie le fait que de nombreux agents de ces emplois les abandonnent pour aller se valoriser ailleurs ;
- la démarche actuelle du Gouvernement pêche par un manque de vision prospective et intégrée, qui devrait prendre en compte l’environnement socioéconomique et législatif du monde du travail afin d’appréhender les contours des revendications des Syndicats. Sinon comment comprendre que les autorités gouvernementales veuillent isoler les débats sur les questions de la relecture de la grille indemnitaire, de la relecture de la loi 13 et de la grille salariale. On voit bien poindre là une démarche de remise en cause des revendications sur les statuts particuliers ;
- etc.
II. Des inquiétudes
Le document suscite des interrogations et des inquiétudes que l’on peut résumer comme suit : L le regroupement des indemnités en quatre (4) types laisse apparaître que dans la même rubrique, on aura deux, voire trois indemnités déjà servies à un même emploi. C’est le cas de l’indemnité de responsabilité qui regrouperait les indemnités de fonction, fonction spéciale, commandement, responsabilité financière, compensatrice forfaitaire et de représentation ; de l’indemnité d’astreintes qui fusionne les indemnités de sujétion, forfaitaire de risque (Santé), risque (Police Nationale), stage ; de l’indemnité de technicité avec les indemnités d’exploitation de réseau informatisé, spéciale d’informaticien, garde, spéciale du personnel de l’enseignement de base, spéciale des personnes paramilitaires, d’astreinte Police, judicature, académique, relative à la prime alimentaire para militaire, d’encadrement, spécifique personnel Enseignant et du personnel d’encadrement du MESS, relative à la prime d’alimentation (BNSP). Comment seront gérées ces indemnités dans le cadre de la nouvelle typologie ?
- l’étude révèle des disparités parfois énormes entre les taux servis au niveau des différents corps. Par exemple, il est indiqué que l’indemnité de responsabilité varie entre 1000F (au MENA) et 175 000F (au MATDS) ! Comment est envisagée la correction de telles disparités puisqu’il est question d’un « mécanisme d’harmonisation des niveaux des différentes indemnités servies » ?
- le projet de décret ne pipe mot et ne prend pas en compte les protocoles d’accord que le gouvernement a signés avec certains syndicats et dont certains ne sont pas encore mis en œuvre on ne sait pour quelle raison ou but ;
- la liste des indemnités actuellement servies ne comporte pas toutes les indemnités comme par exemple celles récemment accordées au personnel de la Police Nationale à travers le décret N°2012-336/PRES/MEF/MATDS portant nouveau régime indemnitaire applicable au personnel de la Police Nationale : l’indemnité de trousseau, l’indemnité pour frais de thèse ou de mémoire, l’indemnité de première mise d’équipement. Quel sort est-il réservé à ces indemnités ?
- l’étude propose qu’une indemnité différentielle soit servie aux agents publics de l’Etat « pour compenser entièrement le manque à gagner sur une indemnité antérieurement perçue et résultant de l’application des dispositions du projet de décret portant régime indemnitaire ». Une telle démarche aura pour conséquence un traitement différent entre les travailleurs actuels et ceux qui seront recrutés après la nouvelle grille. Surtout, elle va provoquer un blocage des salaires jusqu’à ce que les effets financiers des avancements et les augmentations de salaires comblent le différentiel qui figurera sur les bulletins ;
- elle propose une suppression de l’indemnité de stage arrachée de haute et dont la pertinence n’est à démontrer ;
- etc.
III. Position et tâches
Au regard de ce qui précède, la Coordination des syndicats de la Fonction Publique :
1. récuse purement et simplement la démarche actuelle du gouvernement qui n’associe pas pleinement et sainement les organisations des travailleurs au processus engagé sur la grille indemnitaire ;
2. rejette les propositions faites dans le texte d’étude en ce sens qu’il consacrera une remise en cause des acquis des travailleurs au lieu d’améliorer leurs conditions de vie et de travail dans un contexte marqué par la cherté de la vie ;
3. invite les travailleurs à se mobiliser pour défendre conséquemment de meilleures conditions en organisant des campagnes d’information sur toute l’étendue du territoire national et à se tenir prêt pour toute action à venir.