Suite à l’inculpation et à l’incarcération le lundi 25 avril 2016 de Me Mamadou Traoré, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Burkina Faso dans le cadre du coup d’Etat manqué de septembre 2015, le syndicat des avocats avait, dans une déclaration, dénoncé le non respect des procédures légales en la matière. Il avait mis en cause le procureur général près la Cour d’appel de Ouagadougou, Laurent Poda, et le juge d’instruction militaire, pour n’avoir pas respecté la loi concernant l’inculpation des avocats.
Pour donner sa version des faits, Laurent Poda et ses collaborateurs ont échangé ce mercredi 4 mai 2016 avec les journalistes. Au cours de ce point de presse, il a donné les raisons pour lesquelles il a signé l’ordre de poursuite contre l’ancien bâtonnier, Me Traoré.
En donnant son quitus pour son inculpation et sa détention, le procureur général a indiqué n’avoir fait que son travail et dans le strict respect des dispositions légales en la matière. Faisant la genèse des faits, il a indiqué que c’est le 30 mars 2016 qu’il a reçu la correspondance du doyen des juges d’instruction du tribunal militaire de Ouagadougou. Cette lettre lui demandait « l’ordre d’arrêter, d’inculper, d’entendre et de détenir maître Mamadou Traoré, avocat à la Cour ».
Et selon lui, la correspondance qu’il a reçue indique clairement que l’ancien bâtonnier est poursuivi dans le cadre de l’enquête sur le putsch manqué de l’Ex-RSP. Aussi, le juge militaire lui aurait précisé qu’il résulte « des indices graves et concordants susceptibles de motiver l’inculpation de maître Traoré Mamadou, Avocat à la Cour, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats du Burkina Faso, pour attentat à la sûreté de l’Etat, association de malfaiteurs, complicité d’enlèvement et de séquestration, complicité d’actes de terrorisme, complicité de crime contre l’humanité, complicité de meurtre, complicité de coups et blessures volontaires, complicité de dégradation volontaire aggravée de biens, ensemble et de concert avec Diendéré Gilbert et autres ».
Après avoir pris connaissance de la lettre, il a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du Burkina aux fins de consultations conformément à l’alinéa 2 de l’article 6 du règlement de l’Uemoa régissant la profession d’avocat. Ledit règlement stipule que: «les avocats ne peuvent être entendus, arrêtés ou détenus, sans ordre du procureur général près la Cour d’appel ou du président de la chambre d’accusation, le bâtonnier préalablement consulté ».
« J’ajoute qu’à ma correspondance à monsieur le bâtonnier j’ai joint la copie de la demande du doyen des juges d’instruction du tribunal militaire », a précisé Laurent Poda.
A l’en croire, son parquet a reçu le 1er avril l’opinion du bâtonnier, Me Mamadou Savadogo. Ce dernier, dans sa correspondance, lui a dit en substance qu’il n’était pas en mesure de savoir si les poursuites pénales engagées contre leur collègue ne cachent pas une entrave à l’exercice de sa profession ou une atteinte à son indépendance. Pour cela, il a donné un avis défavorable en lui demandant de lui communiquer les faits matériels incriminant son collègue.
De l’avis de M. Poda, sa juridiction n’ayant aucun lien fonctionnel avec le tribunal militaire, il n’était pas la personne indiquée pour lui communiquer les axes d’un dossier qu’il ne connaissait pas.
C’est donc à l’issue de cela, qu’il a répondu favorablement à la demande du doyen des juges d’instructions du tribunal militaire en autorisant l’inculpation de l’ex bâtonnier.
En guise de profession de foi, Laurent Poda a indiqué qu’il a donné son autorisation en toute âme et conscience. En outre, sa décision aurait été guidée par le respect de la légalité car l’alinéa 2 de l’article 6 du règlement de l’Uemoa régissant la profession d’avocat l’oblige simplement à consulter le bâtonnier sans toutefois que sa réponse ne puisse lier sa décision. En d’autres termes, si les dispositions de l’Uemoa obligent le procureur à consulter le bâtonnier, il n’est pas lié par la réponse de ce dernier. Il ajoute aussi que sa décision a été guidée par sa conviction que nul n’est au dessus de la loi.
« Ainsi pour moi, lorsqu’un citoyen est mis en cause, l’utilité et la nécessité de s’expliquer devant la justice, commandent qu’il y réponde et cela, quelle que soit sa qualité », a estimé in fine, le procureur général.
Dimitri Kaboré