Angélique Kidjo, musicienne de renommée internationale, et trois mouvements de jeunes militants africains présentant un caractère mobilisateur se sont vu décerner conjointement le prestigieux prix Ambassadeur de la conscience 2016, a déclaré Amnesty International vendredi 29 avril.
L’artiste d’origine béninoise Angélique Kidjo, qui est l’une des auteures-compositrices africaines les plus célèbres dans le monde, et les groupes de militants Y’en a marre (Sénégal), le Balai citoyen (Burkina Faso) et Lutte pour le changement (LUCHA) (République démocratique du Congo) partageront ce prix. Ils seront mis à l’honneur lors de la cérémonie de remise, qui se tiendra le 28 mai à Dakar (Sénégal).
« Le prix Ambassadeur de la conscience récompense des personnalités ayant fait preuve d’un courage exceptionnel pour combattre l’injustice. Angélique Kidjo et les membres de Y’en a marre, du Balai citoyen et de LUCHA sont tous d’ardents défenseurs des droits humains, qui mettent leur talent au service de la mobilisation », a déclaré Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International.
Angélique Kidjo, lauréate de plusieurs Grammy Awards, a fui son pays dans les années 1980, après des pressions exercées sur elle par le régime répressif, qui l’a contrainte à se produire contre son gré.
Au fil de ses 30 années de carrière et de ses 12 albums, elle s’est faite une éminente défenseure de la liberté d’expression et de l’éducation des fillettes en Afrique ; elle lutte aussi contre les mutilations génitales féminines.
« J’ai toujours essayé de me servir de ma voix, en chantant et en parlant, pour combattre l’injustice et les inégalités. Amnesty International réalise un travail tellement courageux et extraordinaire depuis des années que le fait de recevoir le prix Ambassadeur de la conscience a quelque chose d’intimidant pour moi ! Ce prix va me pousser à continuer à parler haut et fort des questions cruciales qui concernent les droits humains à notre époque », a déclaré Angélique Kidjo.
Y’en a marre est un groupe de rappeurs et de journalistes sénégalais qui ont uni leurs forces en janvier 2011 afin d’encourager les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales et à exercer leur droit à la liberté d’expression.
Trois de ses fondateurs ont été arrêtés en février 2012 pour avoir participé à l’organisation d’un sit-in pacifique contre le gouvernement.
Y’en a marre est demeuré actif depuis l’élection : il anime des réunions et exhorte le nouveau gouvernement à lancer les réformes promises, notamment dans le domaine foncier – les premiers concernés étant les pauvres qui vivent en milieu rural.
« Il n’y a pas de destin forclos, il n’y a que des responsabilités désertées », a déclaré Fadel Barro, coordonnateur de Y’en a marre.
Le Balai citoyen est un mouvement politique d’initiative locale qui organise des manifestations pacifiques. Il a été fondé en 2013 par deux musiciens, le chanteur de reggae Sams’K Le Jah et le rappeur Smockey (alias Serge Bambara).
Le groupe dénonce un certain nombre de problèmes, de l’accaparement de terres aux coupures d’électricité, et encourage la population à réclamer le respect de ses droits et à lutter contre l’impunité. Sous la bannière « Après ta révolte, ton vote », il a dispensé une éducation à la politique pour tenter d’inciter davantage de jeunes à s’inscrire sur les listes électorales avant le scrutin de novembre 2015. Son nom illustre sa vocation à « nettoyer » le pays de la corruption politique mais fait aussi référence aux opérations de propreté que la population mène régulièrement dans les quartiers. Pour symboliser cela, les membres du groupe manifestent avec de véritables balais.
« Le Balai citoyen est honoré de recevoir cette distinction. À tous ceux qui ont cru en nous, n’ont lu dans nos actes que de la détermination à combattre l’injustice, nous tenons à leur réaffirmer que nos convictions sont restées aussi sûres et solides que nos rêves qui les sous-tendent », a déclaré Smockey.
LUCHA est un autre mouvement de jeunes d’initiative locale qui organise des manifestations pacifiques. Créé en 2012 à Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo, il se consacre aux questions sociales, aux droits humains et à la protection des civils contre les groupes armés. À travers des actions non-partisanes et non-violentes, LUCHA milite pour la justice sociale et la gouvernance démocratique.
Fred Bauma, membre de LUCHA, a été arrêté aux côtés de 26 autres militants en mars 2015 dans le quartier de Masina (Kinshasa), lors d’une conférence de presse où les forces de sécurité congolaises ont fait irruption. Il s’agissait du lancement du collectif Filimbi, dont l’objectif est de donner aux jeunes les moyens de participer au processus démocratique en République démocratique du Congo. Fred Bauma est toujours détenu, ainsi qu’Yves Makwambala, créateur du site Internet de Filimbi. Amnesty International considère ces deux hommes comme des prisonniers d’opinion, détenus uniquement pour avoir exercé de manière pacifique leurs droits aux libertés d’expression et d’association.
Les manifestations et les autres actions organisées par LUCHA sont réprimées de façon systématique par les forces de sécurité. Par exemple, depuis que Fred Bauma et Yves Makwambala sont derrière les barreaux, 32 autres personnes ont été arrêtées pour le simple fait d’avoir demandé leur libération. Actuellement, au moins neuf personnes liées à LUCHA sont incarcérées.
« C'est avec beaucoup de joie et d'humilité que nous accueillons ce prestigieux prix. C'est une marque de reconnaissance de notre engagement, et un bel encouragement à poursuivre notre lutte non-violente pour la justice sociale et la démocratie dans notre pays », a déclaré Juvin Kombi, un des militants de LUCHA.
« Nous dédions ce prix à Fred Bauma, à tous nos compatriotes persécutés pour leur engagement citoyen et au Peuple dans son ensemble. »
Amnesty international
A propos du prix
Le prix Ambassadeur de la conscience récompense des personnes ou des groupes qui ont fait preuve d’un courage exceptionnel pour combattre l’injustice, mis leur talent au service de la mobilisation et fait progresser la cause des droits humains.
Il vise aussi à amorcer un débat, à encourager l’action médiatique, à susciter l’inspiration et à sensibiliser le grand public aux problèmes concernant les droits humains.
Les lauréats ont :
1. fait preuve d’un courage exceptionnel pour combattre l’injustice ;
2. mis leur talent au service de la mobilisation ;
3. fait progresser la cause des droits humains.
Les lauréats des années précédentes sont : Vaclav Havel (2003) ; Mary Robinson et Hilda Morales Trujillo (2004) ; U2 et Paul McGuinness (2005) ; Nelson Mandela (2006) ; Peter Gabriel (2008) ; Aung San Suu Kyi (prix décerné en 2009 et remis en 2012) ; Harry Belafonte et Malala Yousafzai (2013) ; Ai Wei Wei et Joan Baez (2015).