Tel un Phoenix, la République centrafricaine renaît lentement mais sûrement de ses cendres. En effet, après l’installation du nouveau président aux commandes de l’Etat, suivi de la formation de son gouvernement, le nouveau parlement issu des élections ayant sanctionné la fin de la Transition, a fait son entrée le 3 mai dernier. 128 députés auxquels viendront s’ajouter 12 autres à l’issue des élections partielles prévues pour le 13 mai prochain, ont officiellement pris place sur les bancs de l’Assemblée avec pour ordre du jour, la mise en place du bureau et la constitution des commissions permanentes. L’agenda prévoit d’ici là, la formation des groupes parlementaires d’où se dégageront une majorité et une opposition et, pour vendredi, l’élection de l’occupant du perchoir. Exit donc le Conseil national de Transition pour faire place à une Assemblée nationale de plein exercice. C’est un euphémisme de dire que cette rentrée parlementaire constitue une étape importante de l’histoire récente très mouvementée du pays.
La crise centrafricaine a été un cas d’école de la solidarité internationale
D’abord, parce qu’elle constitue un pas supplémentaire vers la sortie de la crise qui a secoué la Centrafrique au point de menacer son existence en tant qu’Etat. Les débats de rue qui ont endeuillé de nombreuses villes centrafricaines, peuvent désormais se mener dans l’enceinte de l’hémicycle, ce qui, en soi, participe à la décrispation du climat de violence ambiante qu’a connu le pays. Mieux, par cette rentrée parlementaire, les Centrafricains montrent leur volonté de rompre avec leur passé pour désormais résoudre leurs contradictions par le débat démocratique. Cette rentrée donc, en plus de constituer une sorte de catharsis de la vie politique centrafricaine, est un acte d’espoir voire d’espérance pour les populations qui ont souffert le martyre pendant ces années où le pays semblait irrémédiablement entraîné dans l’engrenage de la mort.
Ensuite, parce qu’elle constitue aussi un palier de franchi dans le fonctionnement normal des institutions. En attendant que se réorganise le pouvoir judiciaire pour permettre à la République de marcher sur ses trois pieds, le président Touadéra peut désormais compter sur cette Assemblée nationale pour voter les lois et consentir l’impôt nécessaire à la reconstruction de l’Etat en déliquescence avancée et à la restauration de son autorité sur l’intégralité du territoire, à la réconciliation nationale et à la relance de l’économie. Pour optimiser cette dynamique, les 140 élus doivent intégrer dans leurs schèmes la primauté absolue des intérêts des populations et de la Nation pour éviter tout retour en arrière.
Enfin, parce que, comme toutes les autres étapes, cette renaissance centrafricaine vient couronner les efforts de la communauté internationale qui a dépensé des trésors d’énergie au chevet de la malade grabataire qu’était devenue la Centrafrique, pour la remettre sur pied. Pour paraphraser le dicton populaire, on pourrait dire qu’aussi longue que fut la nuit, le jour a fini par se lever. La crise centrafricaine a été un cas d’école de la solidarité internationale sous la houlette de la France, si souvent critiquée en raison de ses liens encore marqués du sceau du néo-colonialisme avec les Etats africains. Il faut rendre hommage à l’Hexagone et à la persévérance communautaire qui ont permis de tirer le pays du guêpier où la cupidité et l’incurie de ses fils l’avaient égaré et saluer la prévoyance et la prévenance françaises qui, malgré l’accalmie, laissent un dispositif minimal pour parer à toute éventualité. Il faut hélas, une fois de plus, déplorer l’auto-marginalisation de l’Union africaine (UA) dont l’apport a été des plus minimes dans la résolution de cette crise centrafricaine. Même si on peut lui concéder le fait qu’elle était présente à travers la Communauté des Etats de l’Afrique Centrale (CEAC), sa voix a été inaudible. Elle ne peut échapper là encore au procès qu’on lui fait pour sa gestion et le non-respect de ses propres textes.
Les Centrafricains doivent savoir que la nouvelle Assemblée nationale n’est pas l’acte final
Mais le tout n’est cependant pas de faire entrer les abeilles dans la ruche. Encore faut-il qu’elles acceptent de produire le miel tant espéré. C’est dire que ces nouveaux parlementaires qui doivent désormais décider des règles du vivre et du devenir ensemble, ont besoin du soutien des différentes composantes de la Nation, notamment de l’accompagnement de la société civile. La société centrafricaine a trébuché sur la très sensible question de la religion et les leaders religieux qui se sont illustrés par leurs appels à la tolérance, doivent continuer à impacter positivement les prises de décisions à l’Assemblée nationale. Mais cet accompagnement ne peut être efficace que si l’Assemblée nationale elle-même, fonctionne normalement de l’intérieur. Un proverbe africain dit que « lorsque le chef de file du troupeau n’est pas droit, le troupeau lui-même ne peut pas l’être ». Parmi les candidats au perchoir comme Martin Ziguélé ou Karim Meckassoua, candidats malheureux à la présidentielle ou Béatrice Epaye, ancienne ministre ou encore d’autres prétendants comme Tierry Vackat ou Markounda, les nouveaux élus devront poser leur choix sur le plus vertueux en termes de gouvernance démocratique.
En tout état de cause, les Centrafricains doivent savoir que la nouvelle Assemblée nationale n’est pas l’acte final. L’un des plus grands reste celui du désarmement des cœurs dans le cadre du processus de réconciliation nationale sur la base du pardon qui fait conjointement appel à la vérité morale, à la renonciation à la vengeance, à l’empathie et à la volonté de réparer la relation humaine et sociale brisée au cours de la crise. Mais plus important encore que le désarmement des cœurs, il y a le chantier de l’édification des remparts de défense de la paix. Comme dit l’acte constitutif de l’UNESCO, « c’est dans les cœurs des hommes que naissent les guerres, c’est dans les cœurs des hommes qu’il faut construire les remparts pour la paix ». Le sentier est tout tracé pour la République centrafricaine. Elle doit tirer toutes les leçons de son douloureux passé pour ériger en règle intangible la bonne gouvernance bien rythmée par une alternance démocratique régulière au sommet de l’Etat.
« Le Pays »