Pour beaucoup de pays, les classements se suivent et se ressemblent : peu reluisants.
Ils se ressemblent d’autant plus que certains mauvais élèves ne cherchent pas à s’améliorer.
La journée mondiale de la liberté de la presse célébrée hier 3 mai est venue confirmer cet état de fait.
Des pays liberticides comme l’Arabie Saoudite, l’Erythrée, la Corée du Nord, la Russie, la Turquie, l’Azerbaïdjan, la Chine, le Burundi se disputent la palme d’or des atteintes au libre exercice de la profession de journaliste.
Et nul n’est étonné que ce soit toujours dans ces monarchies de droit divin et ces Etats policiers qu’informer relève de la gageure : assassinats, disparitions, emprisonnements, intimidations de toutes de sortes sont le lot quotidien des professionnels des médias qui osent critiquer les dérapages des pouvoirs en place.
Comme quoi, la liberté de la presse est la mère de toutes les libertés.
En Afrique, à côté des trainards dans les classements annuels de Reporters sans frontière (RSF), comment ne pas évoquer le cas navrant du Burundi qui a perdu cette année onze place du fait de la guerre civile consécutive au troisième mandat controversé de Pierre N’Kurunziza ?
Fort heureusement, à l’opposé de cet enclos de moutons noirs, pour ne pas dire de feuilles de choux pour faire dans le jargon journalistique, poussent de bonnes feuilles qui méritent d’être saluées.
En effet, comment ne pas s’enorgueillir du cas du Burkina Faso, au regard du rang du « Pays des hommes intègres » dans ce who’s who de la liberté de la presse ?
Tenez ! Dans le classement mondial de 2016, notre pays occupe le 42e rang, juste après les Etats-Unis d’Amérique, 41e, et devant la France, 45e. A l’échelle africaine, il arrive au 5e rang, et est 1er en Afrique occidentale francophone, devant de vielles terres démocratiques comme le Sénégal et le Bénin.
Pour une des rares fois qu’on occupe une place prestigieuse dans le concert des nations, on ne va pas bouder notre plaisir.
Mais ce classement honorable ne saurait étonner quiconque a suivi l’évolution sociopolitique du Burkina depuis quelques années. Et on aurait tort de lier cette performance à la seule Transition, comme tentent de le faire certains activistes de la société civile.
Certes sur le plan de l’armature législative, de nombreux textes progressistes ont été adoptés par le CNT, l’Assemblée nationale de la Transition : est de ceux-là la loi sur la dépénalisation des délits de presse.
Mais la dynamique de la liberté de la presse au Burkina Faso a été enclenchée il y a bien plus longtemps. Excepté la tache noire avec l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et ses trois compagnons d’infortune, il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que sous le régime de Blaise Compaoré, en tout cas du début des années 90, la presse burkinabè évoluait déjà dans un environnement assez libre, contrairement à bien d’autres qui vivotaient sous la chape de plomb.
Et loin de chercher à tirer la couverture à notre corporation, reconnaissons que si l’insurrection a eu lieu, c’est en partie du fait que notre presse a investi les espaces de libertés qui ont fait le lit du « Grand Soir ». Et nul ne peut contester son rôle dans la guérilla contre le projet de modification de l’article 37. En un mot comme en mille, elle a su jouer son rôle de veille citoyenne, et rarement elle aura mérité son qualificatif de 4e pouvoir.
Mais trêve de contentement. On aurait tort de nous vautrer dans l’autosatisfaction et de dormir sur nos lauriers, pour ne pas dire sur nos feuilles blanches, car la liberté est une quête permanente et n’est jamais définitive et totalement acquise.
Même avec les meilleurs cadres législatifs et réglementaires possible, cette liberté de la presse restera une lointaine ligne d’horizon tant que les conditions de vie des journalistes demeureront un souci majeur. Comme c’est toujours le cas au Burkina malgré l’adoption de la Convention collective il y a des années de cela.
Alain Saint Robespierre