Les membres du bureau de la Conférence des Barreaux des pays de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) ont animé un point de presse dans la soirée du 30 avril 2016 à Ouagadougou. Arrivée dans la capitale burkinabè 48 heures plus tôt, la délégation dit être venue recueillir tous les éléments d’informations susceptibles de l’éclairer sur les conditions qui ont prévalu à l’arrestation et à l’incarcération de l’ancien bâtonnier Mamadou Traoré.
Après la déclaration du Syndicat des avocats du Burkina Faso (SYNAF) sur l’arrestation et l’incarcération de l’ancien bâtonnier, c’est au tour de la Conférence des Barreaux de l’Union économique et monétaire ouest-africaine de dépêcher une équipe en vue de s’enquérir des faits. Pour ce faire, Saïdou Sidiki Coulibaly, Moussa Coulibaly, respectivement président et vice-président de la conférence et trois autres membres ont à leur arrivée rencontré les avocats qui ont assisté Me Traoré lors de sa comparution devant les juges d’instruction ; le nouveau bâtonnier Mamadou Sawadogo, les trois magistrats en charge de l’instruction du dossier et les autorités judiciaires.
« Nous n’avons pas pu rencontrer le commissaire du gouvernement qui était absent. Mais au vu des éléments que nous avons collectés, nous avons eu un permis de communiqué exceptionnel de la Justice militaire pour rendre visite à l’ancien bâtonnier à son lieu de détention », précise le second. Selon Moussa Coulibaly, qui fut également bâtonnier du Niger, l’objectif de ces rencontres est de savoir si les procédures qui conduisent à l’arrestation d’un avocat ont été respectées ; chose qui répond au souci d’être en conformité avec les textes en la matière dont ils sont les gardiens.
En réalité, le Règlement numéro 5 de l’UEMOA relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace en son article 6 stipule que : « Un avocat ne peut être entendu, arrêté ou détenu sans un ordre du procureur général près la Cour d’Appel ou du président de la Chambre d’accusation, le bâtonnier préalablement consulté».
Ainsi, la délégation retient que si l’actuel bâtonnier du Burkina Faso a été informé que son prédécesseur ferait l’objet de poursuites pénales, il n’a pas été consulté. « Pour nous, la consultation suppose qu’on ait mis à la disposition du bâtonnier les éléments de fait sur lesquels se fonderaient les préventions, c’est-à-dire ce que l’on reproche exactement à Me Traoré », explique le vice-président. Ce qui allait permettre au bâtonnier Sawadogo de savoir si les motifs pour lesquels on arrête l’avocat suspecté ne sont pas en lien avec l’exercice de sa profession puisque ledit article veut protéger le libre exercice des avocats et garantir leur indépendance.
Dans le cas d’espèce, Me Mamadou Sawadogo, aurait écrit aux autorités judiciaires pour en savoir davantage avant de donner son opinion. « Nous précisons que l’avis du bâtonnier ne lie pas le procureur général ; cela veut dire qu’il peut donner son avis, mais le procureur général peut passer outre, mais ce sont des procédures à respecter», indique l’ancien bâtonnier nigérien. Pour lui, cette sortie de la Conférence n’est pas spécifique à Me Mamadou Traoré, même si ce dernier est aussi le secrétaire permanent du Barreau sous-régional. La délégation ne cherche pas à savoir si l’incriminé est coupable ou pas, estime qu’il y a la présomption d’innocence mais craint que l’avocat ne bénéficie pas d’une justice équitable vu que le début de la procédure est déjà biaisé.
Une violation de texte qui en cache une autre
A en croire le vice-président de la Conférence, ce n’est pas la première fois que les autorités judiciaires burkinabè transgressent une loi. «Les premières personnes qui ont été inculpées dans cette affaire de coup d’Etat manqué avaient constitué des avocats étrangers dont ceux de l’espace. Ces derniers ont déposé leur lettre de constitution, ont fait du chemin mais quelque temps après on ne sait pas par quelle alchimie, les juges d’instruction du Tribunal militaire ont pris une ordonnance pour les « déconstituer ». C’est dire simplement que ces avocats étrangers ne peuvent pas assister les inculpés devant le Tribunal militaire », relève Moussa Coulibaly. Or, l’article 7 du même Règlement de l’UEMOA a abattu toutes les frontières en signifiant que les avocats inscrits au Barreau d’un Etat membre de l’Union peuvent exercer leur profession dans les autres Etats membres. Selon cet article, un avocat burkinabè peut ouvrir un cabinet en Côte d’Ivoire, mais les autorités judiciaires de ce pays ne peuvent pas lui notifié les juridictions devant lesquelles il peut plaider. De plus, le concept de «déconstitution» à écouter le principal orateur, n’existe dans aucune dans procédure.
De retour, la mission entend rendre compte et les actions à entreprendre peuvent être, entre autres l’envoi de lettres ouvertes aux autorités du Faso afin qu’elles respectent strictement leurs engagements internationaux.
Aboubacar Dermé (Stagiaire)
Encadré : Les deux articles en question
Article 6 : Les Avocats, dans l’exercice de leur profession, bénéficient de l’immunité de parole et d’écrit.
Ils ne peuvent être entendus, arrêtés ou détenus, sans ordre du Procureur Général près la Cour d’Appel ou du Président de la Chambre d’Accusation, le Bâtonnier préalablement consulté.
Les cabinets d’Avocat sont inviolables. Ils ne peuvent faire l’objet de perquisition qu’en présence du Bâtonnier en exercice dûment appelé ou de son délégué.
Article 7 : Les Avocats inscrits au Barreau d’un Etat membre de l’UEMOA peuvent exercer leur profession dans les autres Etats membres de l’UEMOA ou s’y établir définitivement à titre principal, ou y créer un cabinet secondaire, conformément aux dispositions du Règlement relatif à la libre circulation et à l’établissement des Avocats ressortissants de l’Union au sein de l’espace UEMOA.
Les conventions et accords internationaux de réciprocité en matière d’exercice de la profession d’Avocat ne produisent des effets qu’entre les Etats signataires.