Il était là sous l’ancien régime. Il est resté sous la transition. Et aujourd’hui, c’est à juste titre qu’il tient, dans cet entretien, à «saluer la sagesse et l’attachement aux valeurs de paix et de cohésion nationale dont le peuple burkinabè». Lui c’est Farhat Bouazza, l’ambassadeur du Maroc au Burkina Faso, qui, tout en relevant l’excellence des relations entre ses pays d’envoi et d’accueil réaffirme les domaines dans lesquels le royaume chérifien est prêt à apporter son appui au Burkina Faso.
Fasozine.com: Comment se porte aujourd’hui l’axe Rabat-Ouagadougou?
Farhat Bouazza: Je ne peux que me féliciter de la qualité des liens d’amitié, de fraternité et de coopération que mon pays entretient avec le Burkina Faso à tous les niveaux tant politique, économique que culturel. Le Maroc considère le Burkina Faso comme un pays frère et un allié sûr en toutes circonstances. Les hauts responsables des deux pays se concertent régulièrement sur les relations bilatérales ainsi que sur les questions d’intérêt commun tant au niveau régional qu’international. A ce niveau, il est heureux de constater une convergence de vues sur l’ensemble des dossiers abordés.
Même pas un petit nuage dans le ciel au-dessus des deux pays?
Je peux vous affirmer que l’axe Rabat-Ouagadougou se porte à merveille et ne cesse de se renforcer: les échanges de visites au niveau ministériel sont nombreux et réguliers de même qu’ils touchent à tous les secteurs avec une volonté commune forte pour faire de ces relations un modèle de la coopération Sud-Sud. La visite effectuée récemment au Maroc par M. Simon Compaoré, ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité intérieure, en est une parfaite illustration. D’autres visites de niveau ministériel sont programmées dans les mois à venir avec comme point d’orgue, la réunion de la commission mixte de coopération qui doit se tenir à Rabat. Sur le plan juridique, les relations bilatérales sont encadrées par de nombreux accords, conventions et protocoles englobant plusieurs domaines dont on peut citer sans être exhaustif, la formation des cadres, qui reste le fleuron de cette coopération, l’agriculture, la santé, les travaux publics, les télécommunications, auxquels s’ajoute une coopération parlementaire dynamique.
Quel a été l’impact de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 sur les relations entre le Maroc et le Burkina Faso?
Je tiens à souligner, à ce propos, que la qualité des relations entre les deux pays n’a aucunement souffert du changement politique intervenu au Burkina Faso. Les liens sont restés solides et la coopération a poursuivi son développement aussi bien sur le plan politique, économique que culturel. En effet, dès la mise en place des instances de la transition, le Royaume du Maroc a envoyé des signaux forts à l’endroit des nouvelles autorités burkinabè pour leur témoigner de sa solidarité et réaffirmer sa détermination à renforcer davantage les relations entre les deux pays frères comme en témoigne, notamment, la lettre adressée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI à M. Michel Kafando suite à sa désignation en tant que Président de la transition, pour l’assurer du soutien constant du Maroc.
Par ailleurs, le Maroc, a réaffirmé sa confiance au Burkina Faso en tant que partenaire économique à travers plusieurs actions comme la présence à Ouagadougou d’une centaine d’hommes d’affaires dans le cadre des journées économiques maroco-burkinabè et en poursuivant ses investissements comme en témoigne l’inauguration, sous la Transition, de la cimenterie du groupe marocain Cimaf.
Et il y a eu l’avènement du pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré…
L’élection de S.E M. Roch Kaboré à la Présidence du Faso et la mise en place des nouvelles autorités ont donné une nouvelle dynamique aux relations bilatérales, marquée par une volonté politique des plus hautes autorités des deux Etats de les intensifier davantage de même que par une convergence de vues sur les questions d’intérêt commun aussi bien au niveau régional qu’international. S’agissant de l’évolution de la situation politique au Burkina Faso, je tiens à saluer la sagesse et l’attachement aux valeurs de paix et de cohésion nationale dont le peuple burkinabè et ses dirigeants ont fait montre lors des épreuves difficiles que le pays a vécues en 2014 et 2015, de même que la grande maturité politique dont l’ensemble des acteurs a fait montre lors des élections présidentielle et législatives couplées du 29 novembre 2015.
Le Royaume du Maroc mise de plus en plus sur la coopération Sud-Sud. Quelles en sont les retombées pour les deux pays?
C’est un fait que le Royaume a fait de l’intégration du Continent et de son développement socio-économique l’un des fondements de sa politique étrangère et œuvre constamment en faveur d’une solidarité interafricaine soutenue et une coopération sud-sud fructueuse entre les pays africains. Les multiples visites que Sa Majesté le Roi Mohammed VI a effectuées en Afrique depuis son intronisation en 1999, reflètent clairement l’engagement déterminé du Maroc à élever ces relations au niveau d’un véritable partenariat stratégique solidaire au service des populations africaines.
Fier de son appartenance africaine, le Maroc qui reste persuadé que le développement socio-économique du continent africain ne saurait devenir une réalité sans l’effort des Africains eux-mêmes, a toujours manifesté son entière disposition à partager avec les pays frères d’Afrique ses expériences réussies et son expertise dans de nombreux secteurs.
Dans cette optique et conscient de l’importance des ressources humaines dans la réussite de tout projet de développement, le Maroc place le volet de la formation au cœur de son agenda africain. C’est ainsi qu’il prend en charge chaque année la formation de plus de mille étudiants et stagiaires africains dans ses établissements d’enseignement et ce, depuis les années 80.
L’autre volet que le Maroc considère comme capital pour le développement de l’Afrique est le secteur économique. C’est pour cette raison que le Maroc confirme de plus en plus une présence forte au niveau du continent où ses entreprises investissent dans des domaines prometteurs tels que les banques, l’industrie, les infrastructures, les assurances, les télécommunications, les médias, les franchises en matière d’enseignement, etc.
Que peut-on dire en ce qui concerne particulièrement le Maroc et le Burkina?
Pour ce qui concerne le Burkina Faso, plusieurs entreprises marocaines ou à capitaux marocains opèrent dans le pays et contribuent substantiellement à son développement notamment en créant des milliers d’emplois directs et indirects. En plus des sociétés déjà présentent sur le territoire burkinabé, d’autres opérateurs marocains intervenant dans des secteurs variés sont également en train de prospecter le pays pour une éventuelle implantation.
En son temps, le Maroc était venu au secours du Burkina en partageant avec lui son expertise en matière de pluies provoquées. Où en est ce programme entre les deux pays?
Le Maroc était le premier pays africain qui a eu recours à la technique de pluies provoquées. Cette expérience a commencé en 1982 sous le règne de Feu le Roi Hassan II avec le programme «Al Ghait». En 1997 le Maroc a décidé d’exporter son expérience réussie vers d’autres pays africains amis dont le Burkina Faso avec le programme «SAAGA» (pluie en moré, la langue parlée par les Mossé, la nationalité majoritaire au Burkina, NDLR) lancé officiellement en 1998. Ce programme a produit des résultats très satisfaisants et a contribué à alléger les cycles de pénuries d’eau et de mauvaises récoltes. Grâce à cette collaboration le Burkina Faso avait réussi à produire des excédents historiques.
La maitrise des Burkinabè de ce programme avait encouragé les pays de l’Afrique subsaharienne réunis autour du Comité Inter-Etats de lutte contre la sécheresse (Cilss) à mettre en pratique cette nouvelle technologie. Grâce à ce partage d’expérience, le Burkina Faso dispose actuellement de techniciens et spécialistes très qualifiés dans ce domaine.
Que peut attendre le Burkina Faso du Maroc en matière de maîtrise de l’énergie solaire?
Comme vous le savez, le Maroc a adopté une politique énergétique visant notamment le développement des énergies renouvelables et en particulier l’énergie solaire, tout en s’engageant à respecter les conditions environnementales recommandées au niveau international. Je voudrais, à cet égard, préciser que le Maroc est classé actuellement parmi les pays les plus engagés en faveur de l’environnement et figure dans le top 4 des pays reconnus comme des modèles de respect de l’environnement au regard des engagements pris au niveau de la COP 21.
C’est dans le cadre de cette politique que le Maroc a conçu en 2009, un projet national ambitieux destiné à mettre en place, à l’horizon 2020, une capacité de production électrique de 2 000 mégawatts. Le projet solaire marocain dont le coût d’investissement est estimé à 9 milliards de dollars, s’inscrit dans le cadre de la stratégie énergétique du pays et aura pour sites: Ouarzazate, Ain Bni Mathar, Foum Al Oued, Boujdour et Sebkhat Tah. La gestion dudit projet qui sera achevé vers la fin de l’année 2019, a été confiée à une agence marocaine dédiée, la Moroccan Agency for Solar Energy (MASEN).
La première station dudit projet (Noor I), d’une capacité de 160 MW, inaugurée en février dernier, est considérée comme la 7è centrale solaire thermodynamique dans le monde, juste après les cinq centrales américaines et celle de l’Espagne. Les trois autres phases sont en cours de réalisation. Elles porteront la capacité de production à 580 MW.
Comment le Burkina tirera-t-il concrètement profit de ce projet?
Le Maroc compte ainsi devenir le premier pays dans l’exploitation de l’énergie solaire et envisage, bien entendu, de partager son expérience avec les pays amis qui le souhaitent dont le Burkina Faso. La coopération dans ce domaine entre parfaitement dans les priorités fixées par le chef de l’Etat burkinabè qui fait de l’énergie solaire un des principaux moyens destinés à pallier aux carences que le pays connait dans le domaine de l’énergie. Plus précisément, les responsables marocains et burkinabè sont déjà en train d’étudier les modalités de coopération dans le domaine de l’énergie solaire et une visite du ministre burkinabè de l’Energie, des mines et des carrières est déjà programmée afin d’examiner les modalités d’un futur partenariat.
Sur le plan de la santé, le Maroc qui est cité en exemple surtout dans la fabrication des produits pharmaceutiques apporte-il un appui au Burkina Faso?
La coopération entre le Royaume du Maroc et le Burkina Faso dans le domaine de la santé compte parmi les points forts de la coopération entre les deux pays. Le Maroc accueille chaque année un certain nombre d’étudiants et médecins burkinabè pour des formations et spécialisation dans ses structures sanitaires.
Par ailleurs, les deux pays collaborent pour l’évacuation des patients burkinabè au Maroc pour hospitalisation dans les hôpitaux et cliniques marocains. Dans ce domaine précis, les autorités comme les patients expriment leur grande satisfaction des services hospitaliers et sanitaires dispensés au Maroc.
Il convient de signaler à cet égard, que le ministère burkinabè de la Santé et la Polyclinique Internationale de Rabat avaient signé en 2012, une convention portant sur l’accès des évacués burkinabè aux soins médicaux et actes chirurgicaux dispensés par ladite clinique, moyennant des coûts raisonnables.
Au niveau pharmaceutique, des sociétés marocaines de fabrication de médicaments opèrent au Burkina Faso à travers des représentations notamment la Société Pharma qui est présente à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso.
Un autre domaine dans lequel excelle le Maroc, c’est bien celui des renseignements en sécurité. Le Burkina Faso étant désormais dans le viseur des terroristes peut-il bénéficier de l’expertise marocaine dans la lutte contre le terrorisme?
Bien entendu. Une coopération et un échange d’information réguliers existent entre les deux pays et la mise en place récente de l’Agence nationale du renseignement (ANR) ne manquera pas de rendre cette collaboration plus efficace.
Le Maroc qui avait été la cible d’attaque terroriste en 2003, a réussi à mettre en place une approche globale et multidimensionnelle visant à s’attaquer aux causes profondes favorisant l’émergence du terrorisme. Il a par ailleurs mis en place des structures de sécurité et de renseignements performantes et adaptées pour faire face à ce fléau, qui constitue aujourd’hui un défi majeur pour nos pays.
Conscient de la nécessité d’une coopération internationale en la matière, le Maroc s’est engagé résolument à adhérer aux efforts de la communauté internationale visant à lutter efficacement contre le terrorisme. Dans ce cadre, il joue un rôle clé au niveau régional notamment dans la zone sahélo saharienne et collabore étroitement avec les pays de la sous-région. C’est avec beaucoup de peine que j’évoque aujourd’hui l’attentat terroriste qui a frappé la ville de Ouagadougou en janvier dernier et qui a coûté la vie à trente personnes innocentes de nationalités différentes dont la ressortissante marocaine Leila Alaoui.
Le Maroc est aussi une filière très prisée par les étudiants burkinabè. Qu’est-ce-qui est fait par votre pays pour encourager ceux-ci dans leur choix?
Le Maroc fait de l’Enseignement supérieur un axe prioritaire de sa coopération avec le Burkina Faso. Ainsi, le Royaume met à la disposition des étudiants burkinabè plus de 50 bourses annuellement dans les différents domaines, selon les besoins de l’État burkinabè. Par ailleurs, des centaines d’étudiants burkinabè poursuivent leurs études dans des établissements d’enseignement privé.
Le Royaume fait de son mieux pour permettre aux étudiants burkinabè de vivre dans les meilleurs conditions et d’obtenir des formations dont leur pays a besoin pour son développement.
Comment se prépare la COP 22 que s’apprête à accueillir le Maroc ?
Comme vous le savez, en Novembre 2016, sera organisée la COP 22 à Marrakech. Cette importante Conférence des Nations Unies sur le Climat (COP) aura pour thèmes l’atténuation aux effets du changement climatique et l’innovation en matière d’adaptation.
Dans cette perspective, les autorités marocaines ont mis en place un comité de pilotage composé notamment du ministre des Affaires étrangères et de la coopération, du Haut-commissaire aux Eaux et forêts et à la lutte contre la désertification, et de la ministre déléguée chargée de l’Environnement.
L’organisation de cet événement planétaire est perçue dans mon pays comme une reconnaissance de ses efforts en matière de protection de l’environnement intégré aujourd’hui dans les programmes de tous les départements ministériels marocains.
Vous avez été le parrain de quelques manifestations socio-culturelles au Burkina Faso…
Tout ce que nous pouvons faire sur le plan politique ou économique est utile et souhaitable. Mais œuvrer dans le domaine culturel nous permet de découvrir et de mieux apprécier l’âme d’un peuple. L’implication personnelle dans des actions culturelles me donne une satisfaction que je ne trouve nulle part ailleurs.