Au cours d’une conférence de presse tenue le 22 avril dernier, l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) a rendu publics les résultats de l’audit de la gestion de la Transition. Il faut rappeler qu’à la fin de son mandat et de celui de son gouvernement, l’ex-Premier ministre Yacouba Isaac Zida, avait adressé une correspondance à cette institution à cet effet. Avant de dire un mot sur les points saillants de cet audit, l’on peut déjà saluer cette initiative du pouvoir de la Transition. Car, sauf oubli ou omission de notre part, c’est la première fois qu’un gouvernement, au terme de son mandat, demande que sa gestion de la chose publique soit soumise à cet exercice. C’est donc une grande première qui peut contribuer à tirer la gouvernance vers le haut. L’on peut aussi relever et saluer le souci de l’ASCE-LC de partager avec le grand public, les résultats de ses travaux. Cela aussi est une première dans la vie de cette institution. Car, de par le passé, bien des Burkinabè en étaient arrivés à croire que cette structure n’était qu’un gadget institutionnel servant beaucoup uniquement à la diversion publique. Et ce sentiment était renforcé par le fait que cette institution fonctionnait presque sur le mode de l’omerta. Cela dit, les zones d’ombres de la gestion de la Transition qui ont été mises en évidence par l’équipe de Luc Marius Ibriga, se rapportent à de nombreux points. Premièrement, sur les 1238 commandes publiques passées au cours de l’année 2015, 348 ont fait l’objet d’une procédure exceptionnelle. Il faut entendre par là, l’entente directe de gré à gré ou d’appel d’offres restreint. Cette procédure exceptionnelle, en termes d’espèces sonantes et trébuchantes, représente plus de 63 milliards de F CFA, soit plus de la moitié du budget total des achats effectués par le service public. Cela est bien au-delà du seuil maximum de 15% fixé par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). En ce qui concerne les passations de marché, près de la moitié a outrepassé les principes de la mise en concurrence. Deuxièmement, l’examen des comptes de dépôt a relevé des irrégularités. Troisièmement, certaines dépenses effectuées sur le compte de régies d’avance ont été jugées irrégulières. Quatrièmement, l’ASCE-LC a pointé du doigt la gestion du carburant et des lubrifiants. Enfin, certaines allégations mettant en cause des personnalités de la Transition, ont été confirmées. Comme on peut le constater, la vertu et les bonnes pratiques n’ont pas toujours été observées dans la gestion de la Transition. Et ne pas le reconnaître, s’apparenterait à un coup de canif porté à l’esprit de l’insurrection et à la mémoire des Burkinabè tombés sous les balles assassines de Blaise Compaoré, pour que les choses changent dans le bon sens dans ce pays.
Il faut se garder de couvrir d’opprobre l’ensemble de la Transition
Mais dans le même temps et sans vouloir faire l’apologie du crime, l’on peut se risquer à lier certaines irrégularités aux faits suivants : il y a d’abord le temps et les nombreuses demandes pressantes des
populations. En un an et face à cette réalité, l’on peut se demander si la Transition, en rapport avec les passations de marchés publics, pouvait toujours s’offrir le luxe d’appliquer l’orthodoxie en la matière, sans être balayée par la colère des populations, liée à l’insatisfaction de certains de leurs besoins. Ensuite, l’on pourrait lier certaines de ces irrégularités au fait que tout au long de son mandat, la Transition n’a eu aucun répit. Chaque jour que Dieu faisait, elle était, en effet, en proie à l’adversité ambiante. Enfin, les circonstances ont fait que bien des dirigeants de la Transition se sont retrouvés avec des responsabilités auxquelles ils étaient loin d’être préparés, d’où leur amateurisme. Ceci pourrait donc expliquer cela. Il faut donc se garder de couvrir d’opprobre l’ensemble de la Transition. Car, quoi qu’on dise, parmi ses acteurs, il y avait certainement des gens de bonne volonté, mais qui ont pu commettre des irrégularités par ignorance ou encore par inexpérience. Et puis d’ailleurs, si aujourd’hui l’ASCE-LC a pu avoir la latitude d’étaler sur la place publique les insuffisances et autres irrégularités commises par l’équipe de Michel Kafando, l’on peut dire que c’est grâce à l’insurrection et subséquemment à la Transition. En 27 ans de pouvoir Compaoré, pas une seule fois les Burkinabè n’ont assisté à un tel exercice. En tout état de cause, il revient au gouvernement de Roch Marc Christian Kaboré de tenir compte des manquements relevés dans la gestion de la Transition pour éviter de tomber dans les mêmes travers. Pour ce faire, il doit être demandeur de manière régulière, d’audits de sa gestion de la chose publique. Il revient aussi à l’ASCE-LC de communiquer davantage sur les irrégularités qu’elle a constatées dans la gestion de la Transition dans une langue accessible aux profanes du vocabulaire de la finance publique. En effet, l’on peut parier qu’ils sont rares, les Burkinabè même les lettrés, qui peuvent donner un contenu par exemple à l’expression « compte de régies d’avance ». Cette expression n’est qu’un exemple. Cette communication est d’autant plus nécessaire que certaines personnes mal intentionnées pourraient traduire ce jargon technique auprès des populations, de manière à les égarer et à les remonter contre l’ensemble de la Transition qui, malgré ses insuffisances, aura été une expérience exaltante et utile pour le peuple burkinabè.
Sidzabda