L’Autorité supérieur de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) a rendu publics les résultats de son audit sur la gestion de la Transition et celle des parcelles par la SONATUR, lors d’une conférence de presse, à Ouagadougou, le vendredi 22 avril 2016.
A la suite d’allégations parues dans la presse en février 2016, relatives à des ventes de parcelles par la Société nationale d’aménagement des terrains urbains (SONATUR), le président du Faso a demandé un audit à l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC). Après avoir effectué le travail et déposé son rapport auprès de qui de droit, la structure a porté les résultats de ses investigations à la connaissance de l’opinion, à travers une conférence de presse, le vendredi 22 avril 2016 à Ouagadougou. A cette même occasion, elle a divulgué les résultats de ses enquêtes sur la gestion de la Transition demandée par l’ex-Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, à la fin de son mandat.
A l’issue des recherches, il ressort que sur sept allégations relatées par la presse, six sont avérées. La fausse information, selon le président de l’ASCE-LC, Dr Luc Marius Ibriga, est celle relative à la vente du terrain situé en face de la salle de conférence de Ouaga 2000. « Ledit terrain est une propriété de la présidence du Faso et le demeure », a-t-il déclaré. Concernant le retrait d’une parcelle acquise en 2008, par un « baron » de la Transition, cela est fondé et le baron en question est l’ex-Premier ministre, Yacouba Isaac Zida. Il a été attributaire d’une parcelle en 2008, d’une superficie de 7 746 m2 au prix de 8 000 F CFA le m2. La parcelle lui a été retirée, selon l’ASCE-LC la même année au profit d’une société qui n’a soldé qu’en 2015, « largement hors délai ». « Le retrait s’est opéré sans lettre de relance de paiement des frais ni notification de retrait », a clarifié M. Ibriga. Pour ce qui est de l’attribution d’une parcelle de 7 848 m2 au prix de 8 000 F CFA le m2 à l’épouse de Isaac Zida, Kaboré Rehanata Stéphanie, il s’agit de la propriété située côté Nord-ouest du Monument des martyrs, non loin de la route et pas en face de l’ambassade des USA comme l’avait dit la presse.
« Me Kam a acquis sa parcelle en 2010 »
Une autre allégation ayant fait l’objet de fouille est celle relative au morcellement d’un espace d’une superficie de 50 000 m2 situé en face de l’ambassade des Etats-Unis. A ce sujet, l’ASCE-LC a découvert que l’espace initialement constitué de deux grands lots a été fusionné puis réaménagé par la SONATUR en : trois réserves foncières, un espace vert et trois lots de 52 parcelles. Mais toutefois, ont notifié les contrôleurs d’Etat, « ces réaménagements n’ont pas respecté les dispositions du code de l’urbanisme qui prévoient l’obtention d’une autorisation préalable du Conseil des ministres pour les CHANGEMENTS DE DESTINATION ». En ce qui concerne l’attribution de parcelles à des membres du gouvernement de la Transition et des leaders d’OSC, qui est en partie avéré, l’enquête a révélé que sur les trois lots de 52 parcelles de l’espace réaménagé en face de l’ambassade des Etats-Unis, des attributions ont été faites au profit de certains membres du gouvernement, des membres de leurs familles et deux autres personnes. Et l’ASCE de préciser dans son rapport que sur les 52 parcelles dégagées, 18 ont fait l’objet d’attribution mais aucun leader d’OSC n’a été attributaire de parcelle dans cette zone, ce qui explique le terme « avéré en partie ». Par contre, dans la zone A, section 290 (B), lot 4, des membres du gouvernement de la Transition, des membres de leurs familles, un leader d’OSC et un fonctionnaire international ont été attributaires. Luc Marius Ibriga, a relevé que certains membres du gouvernement ont été demandeurs de parcelles mais n’ont pas été attributaires.
S’agissant de l’attribution de parcelles à Me Guy Hervé Kam, cela est vrai mais les parcelles lui ont été attribuées en 2010 et non sous la Transition. Le dernier point a concerné l’attribution d’une parcelle d’une superficie de 18 993 m2 à la Fondation Zida pour le Burkindi dont l’ex-Premier ministre, Yacouba Isaac Zida est le président. Là, l’ASCE-LC a donné des détails. Elle a noté que la demande d’acquisition a été faite par le directeur exécutif de la structure, Fousseni Ouédraogo et en décembre 2015, la Fondation a été attributaire de deux parcelles jumelées de 2 350 et 2 369 m2 dans un lot de huit parcelles. Les deux ont fait l’objet de paiement d’acompte de 15 millions 161 mille 600 F CFA chacune, en janvier 2016. Par la suite, elles ont été fusionnées avec les six autres du lot pour obtenir les 18 993 m2.
A l’issue de ses travaux, l’ASCE a fait des recommandations au gouvernement. Elle demande la suspension des attributions et vente des parcelles en vue d’un audit approfondi, le respect strict des termes de contrat de vente, l’ouverture d’une enquête sur l’existence éventuelle d’un réseau parallèle de vente de parcelles. Elle recommande aussi le retrait de la quasi-totalité des parcelles attribuées par la SONATUR pour non-respect des délais de paiement et une profonde restructuration de la SONATUR, notamment à sa direction commerciale.
D’énormes irrégularités
Pour le volet gestion de la Transition, les structures auditées sont le premier ministère, le Programme spécial d’urgence de la Transition (PSUT) et la Commission de réconciliation nationale et des réformes (CRNR). Les investigations ont été faites sur les commandes publiques, les comptes de dépôt, les régies d’avance, les caisses de menues dépenses, le carburant et les lubrifiants.
Sur le premier point qui concerne la commande publique, le montant total des irrégularités constatées est de 60 milliards 175 MILLIONS 780 mille 699 F CFA. Les commandes par des procédures exceptionnelles représentent 55,33%, un taux très au-delà de la norme de l’UEMOA qui est de 15%. En ce qui concerne les comptes de dépôt, les dépenses irrégulières s’élèvent à 5 milliards 375 millions 91 mille 143 F CFA. Les régies d’avance, quant à elles, présentent 484 millions 948 mille 127 F CFA comme dépenses irrégulières. Les caisses de menues dépenses s’en tirent à bon compte car aucune dépense irrégulière n’y est décelée. Par contre, sur le volet gestion du carburant, bien qu’il n’existe pas de texte de portée générale, l’ASCE-LC estime que sur une somme totale de 7 milliards 601 millions 914 mille 701 F CFA, une consommation de plus de 632 milliards est irrégulière.
Six recommandations ont été formulées à ce niveau par Dr Luc Marius Ibriga et ses collaborateurs. Il s’agit, entre autres, du respect des normes communautaires relatives au recours aux procédures exceptionnelles dans la gestion de la commande publique, de la mise en place d’une règlementation appropriée en matière de gestion des comptes de dépôt, du respect strict de la règlementation en matière de gestion des régies d’avances et la prise d’un texte de portée générale qui règlemente et rationnalise la consommation du carburant et des lubrifiants dans l’administration publique.
Daniel ZONGO