Le temps n’est pas au sourire du côté de Bamako. En effet, le régime de Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) a bien du souci à se faire. L’état de santé du chef de l’Etat n’est pas au beau fixe, le forum de Kidal initialement prévu pour réunir les protagonistes de la crise malienne, a été un échec et les mines anti personnelles ont encore fait des victimes dans les rangs de la force française au Mali. Et pour ne rien arranger, l’opposition vient de claquer la porte lors des discussions en vue de l’organisation des élections communales et régionales. Mauvaise saison au Mali, est-on tenté de dire ! Une saison où les malheurs ou à tout le moins, les mauvaises nouvelles s’accumulent. Pour ce qui est du mauvais état de santé de IBK, il n’y a rien d’extraordinaire à cela. Mais, les chantiers sont si énormes que le pays a besoin de son président en bonne santé pour bien les réaliser.
Les vieux démons ont été visiblement plus forts que les anges de la paix
Quant au forum de Kidal, il incarnait, dans une certaine mesure, l’espoir d’un retour certes progressif, mais tangible, à la normale au Nord-Mali. Le retour des autorités officielles dans cette partie du pays, aurait été un symbole vivant des efforts des uns et des autres pour le retour définitif de la paix. Hélas, les vieux démons ont été visiblement plus forts que les anges de la paix, faisant échouer ce forum. Et parallèlement à l’incapacité des protagonistes de cette crise à accorder leurs violons, l’insécurité continue de faire son nid dans le pays. La
précarité de la situation sécuritaire du pays est, en effet, telle que si on devait juger le bilan partiel de IBK, il ne serait point exagéré de dire qu’il est largement en deçà des attentes. Les choses sont telles qu’il a fallu prolonger l’état d’urgence en vigueur depuis les attaques terroristes contre l’hôtel Nord-Sud à Bamako. Une prolongation qui est, si besoin en était encore, la preuve manifeste du délitement de la situation sécuritaire dans le pays, notamment dans sa partie Nord. Comme on le sait, l’état d’urgence vise à mieux protéger l’Etat, à lui donner plus de marges de manœuvre dans ses actions. Cela était d’une impérieuse nécessité face à cette situation où les attaques terroristes se sont métastasées.
Dans ces conditions, il n’aurait pas été de trop pour les Maliens de se serrer les coudes. Certes, on peut comprendre les récriminations de l’opposition à propos des élections locales en ce sens qu’elles sont l’expression de la démocratie à la base. Car, ces élections doivent mobiliser tout le monde, y compris les populations qui ont dû fuir momentanément leurs terres à cause de la crise. Mais, il faut être réaliste. La situation sociopolitique du pays est telle que placer le retour des réfugiés comme condition sine qua non de la tenue des élections locales, c’est prendre le risque de repousser aux calendes maliennes la restauration des institutions à la base. Du reste, en cherchant à replacer ainsi le Nord-Mali au centre du processus électoral, l’opposition donne du poids à la Coalition des Mouvements de l’Azawad, aux groupes
sécessionnistes qui se retrouvent gonflés à bloc. En tout cas, une telle attitude de l’opposition n’est pas de nature à ramener la paix au Mali.
D’ailleurs, la situation sécuritaire du pays n’était pas vraiment plus reluisante ni plus maîtrisée quand il s’agissait d’organiser la présidentielle et les législatives. Pourtant, les politiques maliens, y compris l’opposition actuelle, avaient compris les enjeux et s’étaient résolus à faire bloc pour tenir ces élections. A présent, la même union sacrée doit prévaloir en ce qui concerne la tenue des communales et régionales. Les consultations électorales querellées sont censées parachever le processus qui a commencé avec la présidentielle et les législatives. Les crises du genre de celle que vit le Mali étant longues et difficiles à régler, il ne serait pas judicieux de conditionner la tenue des élections locales au retour des réfugiés.
Il urge que les Maliens se résolvent à un dialogue franc et honnête
Le Mali n’a pas vraiment les moyens de sécuriser le vaste territoire qui est le sien. Il est réduit à compter sur la communauté internationale pour restaurer son intégrité territoriale. De toute évidence, l’unité et l’indivisibilité du territoire malien sont des principes intangibles pour Bamako. Les pays de la sous-région ne sont pas non plus favorables à l’idée d’un Mali divisé, qui consacrerait l’avènement d’un Etat « dangereux ». C’est dire que le pays de IBK se doit de trouver les voies et moyens de faire avec son gigantisme territorial. La complexité du défi sécuritaire, commande peut-être que le Mali apprenne à vivre avec ses irrédentistes, ses trafiquants et autres terroristes, à l’instar d’Israël qui a appris à vivre avec la guerre au quotidien. En tout état de cause, il urge de faire en sorte que le Nord-Mali ne soit pas un nouveau sanctuaire des djihadistes, s’ils venaient à être chassés de la Libye. Car, si le Nord-Mali continue ainsi d’échapper à l’autorité de l’Etat, le prochain khalifat des djihadistes de Daesh pourrait surgir des dunes du désert malien. Pour conjurer un tel sort, il urge que les Maliens, toutes tendances et obédiences confondues, se résolvent à un dialogue franc et honnête. A cet effet, un énième coup de main de la communauté internationale ne serait pas de trop.
« Le Pays »