Après l’entrainement matinal sur le terrain Mapou Yanga-MBiwa, nous voilà au restaurant du club. Une trentaine de minutes plus tard, Bryan Dabo arrive après avoir pris sa douche. Premier fait remarquable la simplicité du joueur. Souriant, il tient à s’excuser. L’entretien que nous avons sollicité avec l’accord du club devait avoir lieu plus tôt. Mais le joueur a profité de la trêve internationale pour aller se ressourcer auprès de sa famille à Marseille. Avec un franc parler, l’ennui n’avait pas sa place au cours de cette interview.
Sidwaya Sport (S.S.) : En termes de bilan, que peut-on retenir de votre saison ?
Bryan Dabo (B.D.) : C’est une saison qui se passe bien pour moi. J’ai marqué plus de buts que d’habitude. J’ai enchainé aussi quelques passes décisives. Tout cela est un plus. J’ai pris du poids dans l’équipe. J’ai passé une étape dans ma carrière de jeune footballeur. Il me faut continuer comme cela. Nous avons eu un petit moment difficile en début de saison. Nous nous sommes très bien rattrapés par la suite.
S.S. : Vous avez montré une certaine polyvalence depuis que vous êtes à Montpellier. A quel poste vous vous sentez le mieux ?
B.D. : Mon poste de prédilection c’est le numéro 8. Box to box à l’anglaise. Après, je peux aussi jouer au 6 ou un peu plus haut.
S.S. : Comment gérez-vous la « starmania » si l’on sait qu’actuellement en France, vous montez en puissance avec pas mal de sollicitations, notamment des médias ?
B.D. : C’est d’abord l’éducation à la base. Il y a mes parents qui ont été très présents pour moi. C’est important parce que j’ai été jeté très jeune dans le grand bain. A cet âge 18-19 ans, tu peux vite prendre la grosse tête. Je suis quelqu’un de très simple. Je n’ai donc pas eu ce complexe en me disant que je suis un footballeur professionnel et il me faut avoir un mode de vie. Pour le moment ça me réussit.
S.S. : Parlez-nous de vos parents et de leurs origines ?
B.D. : Déjà, ce qu’il faut savoir c’est que mes parents viennent tout le temps au stade. Une fois sur deux lorsque je joue à Montpellier. Mon père, ma mère, ma sœur, mon fils, ils sont tout le temps là. Mon père est Burkinabè. Ma mère est Malienne née au Sénégal.
S.S. : Quel regard portez-vous sur le Burkina Faso actuellement ?
B.D. : Il n’y a pas longtemps c’était un peu compliqué à cause du coup d’Etat. C’est redevenu calme. J’ai l’habitude d’aller le plus souvent au Burkina Faso, au moins sept, huit fois (rires). C’est beaucoup parce qu’ici, faire des allers-retours reste compliqué. Lorsque j’étais tout petit, mes parents m’amenaient le plus souvent. Je connais mon pays ainsi que mon village. Ce sont des choses qui sont importantes. En plus, j’aime beaucoup le Burkina Faso parce que c’est là où j’ai beaucoup de familles. C’est un pays qui est en train de se développer au niveau du football aussi comme le Mali.
S.S. : Etes-vous de quel village au Burkina Faso ?
B.D. : C’est à 5 heures de route de Ouagadougou. Il ne faut pas que je dise des bêtises sinon mon père va me tirer les oreilles (rires). Je ne me rappelle plus du nom de mon village. (Après quelques temps de réflexion) c’est sûr, je vais me rappeler (rires). Je vous le dirai la prochaine fois. Je sais par contre que mon père est d’ethnie dagar-dioula.
S.S. : Comprenez-vous votre langue ?
B.D. : Je comprends la langue dioula. Lorsque j’étais petit, je parlais un peu le mooré. A force de rester ici tous les jours à parler le français, j’ai oublié.
S.S. : Quelques mots dans ces deux langues ?
B.D. : En dioula, I ti dioula kaamè wa ? En mooré, Fo mi maam ? (éclat de rire).
S.S. : Parlez-nous un peu de quelques quartiers de Ouagadougou que vous fréquentiez ?
B.D. : La villa de mon grand-père était située dans le quartier Dapoya. C’était la cour familiale donc j’y allais tout le temps. Ma mère, elle, avait sa sœur qui habitait le quartier Somgandé. Je fréquentais ces deux quartiers. Après, nous avions fait construire une maison à Ouaga 2000. J’allais aussi au grand marché, sans oublier l’Avenue Kwamé N’Krumah.
S.S. : Suivez-vous l’actualité des Etalons ?
B.D. : Je suis très bien les Etalons. Je suis en relation avec le coach. Lui et son staff se sont déplacés à Montpellier pour me voir. C’est une équipe que je suis avec quelques éléments que je connais. L’actualité des Etalons m’intéresse.
S.S. : Comment voyez-vous les chances des Etalons pour les éliminatoires de la CAN 2017 ?
B.D. : Franchement le Burkina Faso peut se qualifier. Je ne le dis pas parce que je suis Burkinabè. Si vous regardez l’équipe du Burkina Faso par rapport aux autres équipes de la poule, sans leur manquer du respect, l’équipe du Burkina a de très bons joueurs par rapport à elles. Je prends les exemples de Jonathan Pitroipa, Charles Kaboré pour ne citer qu’eux. Ce ne sont pas des joueurs qui sont arrivés au haut niveau par hasard. Ils ont fait de grands clubs, ils ont joué longtemps. Ils ont l’expérience et la culture du football est développée au Burkina Faso par rapport aux pays de la poule. Pour moi, la logique voudrait que le Burkina Faso se qualifie. Mais ce qui est beau dans le football, c’est que tu peux jouer contre des joueurs qui sont sur le papier moins forts que toi, mais s’ils se donnent plus que toi sur le terrain, forcement ils vont gagner. Il va falloir de ce fait être vigilant. Mais si tout le pays est derrière les Etalons, il n’y a pas de soucis, nous pouvons nous qualifier.
S.S. : Bryan pourra-t-il un jour venir apporter sa contribution pour que les Etalons montent en puissance ?
B.D. : C’est la discussion que j’ai eue d’ailleurs avec le sélectionneur national. C’est une possibilité. Ça peut être envisageable. Ce que je dois vous dire c’est que je me fixe d’abord six mois à partir de maintenant pour réfléchir et savoir où je vais. Parce que cela va dépendra de là où je serai la saison prochaine. Je le dis parce que je ne sais pas si je vais rester à Montpellier ou aller dans un autre club la saison prochaine. Ça peut être une étape déterminante pour la suite de ma carrière. Donc, je me fixé un délai de six mois pour donner une réponse définitive.
S.S. : Ça vous intéresse la France ?
B.D. : Je suis un joueur droit. Je ne vais dire que j’envisage de porter les couleurs du Burkina et à la dernière minute changer d’avis pour aller avec la France ou le Mali. Je suis honnête dès le départ. Je me donne six mois pour réfléchir et donner ma réponse à une sélection. Mais c’est sûr que si la France m’appelle et que je sais que je pourrai faire quelque chose de bien avec elle, j’irai là-bas. Parce que je suis né en France et c’est là-bas que j’ai grandi. Après si je vois que la situation n’est pas envisageable, et la sélection du Burkina ou du Mali me tend la main, naturellement je ferai un choix. En plus, avec elles, je ne serai pas dépaysé parce que ce sont mes origines et je connais la culture.
S.S. : L’avis de votre famille va compter dans votre choix ?
B.D. : Si ça ne tenait qu’à mon père, demain je prends l’avion pour le Burkina (rires). La vie d’un footballeur est compliquée. Il y a forcément la famille, ensuite il y a le coach qui demande un certain choix, il y a le public qui réclame et aussi il y a le choix personnel. Pour mon cas, mon avis personnel va primer sur tout. Rassurez-vous, je ne vais pas prendre une décision égoïste. Cela veut dire que je ne vais pas penser rien qu’à moi.
S.S. : Est-ce que sincèrement le Burkina Faso peut espérer te voir un jour porter ses couleurs ?
Franchement oui. Là, il faut attendre après six mois.
S.S. : Vu tes performances et tes statistiques cette saison, Montpellier pourra-t-elle te garder ?
B.D. : Ça va dépendre du mercato. Déjà l’année dernière, j’ai failli partir à l’Olympique de Marseille. Je pouvais partir libre. J’ai trouvé que ce n’était pas bien vis-à-vis de Montpellier qui m’a formé à partir 14 ans. Ça fait un peu lâche. Avec le président, nous nous sommes entendus et j’ai réssigné pour deux ans. C’est vrai avec ma bonne saison actuelle, il y a beaucoup de mondes et de regards. On verra ce qui va se passer au mercato. C’est vrai que la tendance penche plus sur un départ mais je n’exclus aucune possibilité. Je suis à l’écoute de tout. Ça va dépendre du projet de jeu qu’on va me proposer. Franchement, je privilégie le football plus que l’argent.
S.S. : Tes fans pourront-ils peut-être te voir la saison prochaine avec un autre club français ou ailleurs ?
B.D. : C’est une possibilité. En Angleterre, en Allemagne, en Espagne.
S.S. : Avez-vous un club de rêve ?
B.D. : Mes deux équipes préférées à la base sont Arsenal et Barcelone. Si un jour j’arrive à jouer dans l’une d’entre elles, ça sera le top.
S.S. : Et le Real de Madrid ?
Non. Saviez-vous quand j’ai aimé le Real sans l’avoir supporté ? C’était au temps où il y avait Zidane parce qu’il est Marseillais et Ronaldo Luis Nazário de Lima.
S.S. : Des projets pour le Burkina Faso ?
B.D. : J’en parle souvent avec mon père. Je garde cela en famille en attendant que ça soit sûr avant de l’officialiser. J’envisage sincèrement faire des projets au Burkina Faso. C’est un pays où il y a beaucoup de choses. Je veux parler des réserves naturelles, des ressources etc. Ça me fait mal au cœur lorsque je vois des gens qui ne sont pas des Burkinabè qui font de beaux projets au Burkina. Je suis Burkinabè et si je peux faire quelque chose de très bon au Burkina, ça sera avec plaisir.
Interview réalisée à Montpellier
par Yves OUEDRAOGO
Tous les articles d'actualités
