Trois semaines après la réélection du président Mahamadou Issoufou à la tête de l’Etat nigérien, le premier gouvernement de son deuxième mandat a été dévoilé le 11 avril dernier. Il s’agit d’une équipe de trente-huit membres dont trois ministres d’Etat et six femmes, qui sera conduite par le Premier ministre Brigi Rafini en qui il a renouvelé sa confiance.
C’est donc la fin d’un suspense qui aura tenu en haleine les Nigériens et les observateurs de la scène politique nigérienne, au sortir d’une élection quelque peu agitée. Toutefois, les premières observations que l’on peut faire, c’est principalement l’absence, après les péripéties de l’élection présidentielle, de l’opposition dans ce gouvernement pourtant pléthorique, qui se particularise aussi par la faible représentativité de la gent féminine. En effet, avec seulement six femmes sur un total de trente-huit ministres, l’on ne peut pas dire que ce premier gouvernement du second quinquennat de Mahamadou Issoufou fait la part belle à l’autre moitié du ciel. Preuve qu’au Niger comme un peu partout ailleurs sur le continent, ce n’est pas demain la veille que l’égalité tant serinée entre l’homme et la femme, se traduira par une parité en termes de représentativité aux postes de responsabilités au sommet de l’Etat.
Mahamadou Issoufou a surtout été guidé par le souci de récompenser le maximum de ses soutiens
Quant au nombre de portefeuilles, au moment où la tendance est au resserrement des équipes pour des raisons évidentes de budget et en vue de la réduction du train de vie de l’Etat, une quarantaine de portefeuilles, cela fait quand même un peu trop. Surtout en ces périodes de vaches maigres et de faiblesses des ressources financières où la lutte contre le terrorisme absorbe une bonne partie du budget des économies à la peine. Et quand on sait ce que coûte un ministre au contribuable sous nos cieux, il y a lieu de croire qu’avec ce nombre pléthorique de portefeuilles, le pouvoir n’échappera pas à la grogne des syndicats et des OSC, surtout quand il se montrera incapable de satisfaire à certaines revendications sociales.
L’on aurait pu à la limite comprendre un tel chiffre s’il s’était effectivement agi d’un gouvernement d’union nationale comme le président Issoufou se proposait de le faire au lendemain de sa réélection, pour faire baisser le mercure social. Car, cette pléthore aurait pu se justifier par le souci de voir toutes les sensibilités représentées. Mais, à travers ce gouvernement pléthorique où l’opposition brille par son absence, il y a lieu de croire que Mahamadou Issoufou a surtout été guidé par le souci de récompenser le maximum de ses soutiens, après la défection de l’opposition. Cela peut paraître normal à bien des égards, sauf que quand on a eu le soutien d’une quarantaine de partis et formations politiques, le revers de la médaille est la difficulté à « caser » tout ce beau monde. Il n’est donc pas exclu que le président réélu ait été contraint de créer de nouveaux postes pour non seulement satisfaire le maximum d’alliés, mais aussi pour renforcer l’assise de son parti en prévision des prochaines joutes électorales et de sa succession. Toutefois, une telle situation a la fâcheuse tendance de montrer une fois de plus qu’en Afrique, plus qu’une question d’idéologie, la politique est et restera encore longtemps pour beaucoup, un marchepied pour se hisser et se maintenir au sommet de la pyramide sociale, tout en enrichissant au passage son curriculum vitae. Tant qu’il en sera ainsi, il ne faudrait pas s’étonner de la multiplication des partis politiques et des candidatures aux différentes élections. Mais cela n’est pas une particularité du Niger, car un peu partout sur le continent, bien des hommes politiques s’illustrent comme des « tubes-digestifs », plus guidés par leurs intérêts personnels que par ceux du peuple dont ils se moquent souvent comme de leur première culotte.
Pour en revenir à l’absence de l’opposition de ce gouvernement, l’on peut tout de même se poser des questions. A-t-elle refusé la main tendue du président Mahamadou Issoufou ? Pourquoi ? Ou bien est-ce le président Issoufou qui aurait entre-temps changé d’avis en lui tournant le dos ? Difficile pour l’instant de répondre avec certitude à toutes ces questions.
Il serait souhaitable que l’opposition nigérienne mette balle à terre
Toutefois, l’on voit mal le président Issoufou faire subitement volte-face, après sa main tendue à l’opposition. A moins que l’on ne soit finalement convaincu dans ses rangs, que la tempête de la contestation électorale est désormais loin derrière, ou qu’avec ses 92,51% de suffrages, Mahamadou Issoufou a suffisamment de légitimité pour ne pas céder au « chantage » d’une opposition aux abois, et qui fait dans la surenchère pour lui pourrir son mandat. Il reste cependant l’hypothèse du refus de l’opposition d’entrer dans un quelconque gouvernement d’union nationale. A l’analyse, cela n’est pas véritablement une surprise, eu égard à la position tranchée qui a toujours été la sienne. Aussi peut-on être porté à croire, si une telle hypothèse se vérifie, que l’opposition est restée égale à elle-même, dans sa volonté de ne pas pactiser avec un adversaire qu’elle a toujours voué aux gémonies. En outre, elle pourrait ne pas vouloir donner l’impression que toute son agitation était uniquement guidée par la recherche de postes. Mais il n’est pas non plus exclu qu’elle ait été prise à son propre piège, en posant comme condition sine qua non la libération de son représentant au second tour, Hama Amadou, qui a finalement obtenu la liberté provisoire après la proclamation des résultats. Toute chose qui peut lui avoir, d’une certaine façon, coupé l’herbe sous les pieds.
Toutefois, dans l’ensemble, l’on peut dire que l’opposition nigérienne est restée cohérente avec elle-même. Mais que va-t-elle faire maintenant ? Là est la grande question. Rentrera-t-elle dans les rangs ou bien va-t-elle continuer à ruer dans les brancards ? Les jours à venir nous situeront davantage, mais pour l’intérêt supérieur de la nation nigérienne, il serait souhaitable qu’elle mette balle à terre et concentre désormais son énergie à jouer à fond son rôle de contrepoids et d’opposition républicaine, en laissant le pouvoir assumer pleinement ses actes.
« Le Pays »