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AN V de la chute du regime Gbagbo : La Côte d’Ivoire n’a pas encore retrouvé toutes ses marques
Publié le mardi 12 avril 2016  |  Le Pays
CPI
© AFP par DR
CPI : l’ex Président ivoirien Laurent Gbagbo devant les juges
Mardi 19 février 2013. La Haye. L’ancien président ivoirien comparait à la Cour pénale internationale (CPI), pour crime contre l’humanité.




Le 11 avril 2016 marque les cinq ans de la chute du régime Gbagbo en Côte d’Ivoire. Comme il fallait s’y attendre, cette date est diversement appréciée par les Ivoiriens. Pour les deux camps alors opposés lors de la longue crise postélectorale de fin 2010 – début 2011, les interprétations divergent. Cette date, pour Alassane Dramane Ouattara (ADO) et ses partisans, est à marquer d’une pierre blanche. Elle symbolise pour eux la fin de la dictature et surtout leur prise du pouvoir. Pour Laurent Gbagbo et ses partisans, ce fut une journée noire. En effet, le 11 avril 2011 a été pour eux le jour de la défaite face à l’adversaire. D’autant que la chute de Gbagbo a marqué le début d’une longue traversée du désert avec son transfèrement et le début de son procès devant la Cour pénale internationale (CPI).
Comme on peut le voir, les pro-Gbagbo et les pro-Ouattara ont des lectures différentes, sinon, contradictoires de ce qui s’est passé et des conséquences de cette chute sur le pays. Toujours est-il que cinq ans plus tard, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Deux soutiens de poids de l’actuel président ivoirien que sont Nicolas Sarkozy et Blaise Compaoré, ont, entre-temps, perdu, chacun à sa manière, le pouvoir dans son pays.

Le pays est redevenu plus ou moins sûr et cela est de nature à attirer les investisseurs étrangers

Mais, leur chute ne semble pas avoir handicapé ADO. En tout cas, la sécurité est revenue petit à petit dans le pays. En effet, les attaques
armées enregistrées ça et là pendant les premiers moments qui ont suivi la chute de Gbagbo, se font de plus en plus rares. C’est tout à l’honneur du régime ADO qui a su œuvrer au retour de la sécurité encore relative certes, mais perceptible à bien des égards. Le pays est redevenu plus ou moins sûr et cela est certainement de nature à attirer les investisseurs étrangers.
Du reste, ce regain des investissements est certainement pour quelque chose dans l’embellie économique constatée ces dernières années dans le pays. En ce qui concerne la reconstruction du pays, de grands chantiers sont lancés par le gouvernement. La réalisation de grandes infrastructures comme le Pont Henri Konan Bédié, est une réalité et cela participe à embellir encore plus le pays en plus de l’utilité pratique avérée de ces infrastructures et des retombées économiques de leur mise en service.
Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. L’embellie économique dont il est question contraste sérieusement avec les difficultés que rencontre au
quotidien l’Ivoirien moyen pour joindre les deux bouts. Le panier de la ménagère ne pèse pas lourd. Certes, on sait qu’il faut patienter pour voir les retombées d’une telle relance économique sur le quotidien des populations. Mais, il est aussi évident que les populations, après une telle crise, sont plus fragilisées et ont un besoin pressant de soutien effectif de la part de l’Etat. De ce point de vue, on peut comprendre l’insatisfaction des populations vis-à-vis du travail du nouvel exécutif. Pour les Ivoiriens, il ne saurait y avoir une véritable paix si les «marmites» et les ventres restent désespérément vides.
L’autre domaine où le régime ADO n’a pas encore rencontré le succès, est celui de la justice. Après toutes ces violences, la Côte d’Ivoire devait remporter le pari de la catharsis. Il importait que les responsabilités des uns et des autres fussent situées et que l’abcès fût crevé. La Justice devait se mettre en branle pour permettre à la société d’entendre ceux qui sont accusés d’avoir plongé le pays dans la violence. Certes, des lignes ont bougé. Mais le régime actuel n’a pas su ou voulu échapper à la tentation de la « justice des vainqueurs ».
Force est de constater qu’aucun fait majeur n’a été jusque-là reproché, du point de vue judiciaire, au camp Ouattara. Certes, on peut reprocher au camp Gbagbo de s’être arcbouté au pouvoir avec toutes les violences qui en ont découlé. Mais les crimes que l’on reproche au camp ADO ne sauraient être passés par pertes et profit. Et les éléments sur l’effectivité de ces crimes ressortent clairement de rapports d’organisations indépendantes de défense des droits de l’Homme sur la crise.

Il appartient au président Ouattara de consolider les acquis et de rectifier le tir

Ceci expliquant cela, l’apaisement des cœurs qui est vital pour le pays, est loin d’être une réalité en Côte d’Ivoire, cinq ans après la chute du régime Gbagbo. C’est dire que la réconciliation nationale devait être un défi majeur pour le président ADO et son gouvernement. Hélas, à ce niveau, les choses piétinent pour ne pas dire qu’elles sont bloquées. Car, les Ivoiriens n’ont pas encore réussi à dépasser leurs antagonismes, à taire leurs rancœurs pour revivre ensemble comme fils et filles d’une même nation. Il y a certainement des raisons subjectives qui poussent les uns et les autres à ne pas faire le pas vers la vraie paix, celle des cœurs. Sont de ces raisons la propension pour les partisans de Gbagbo, à réclamer « l’impossible », c’est-à-dire la libération ici et maintenant de leur mentor, comme préalable à toute réconciliation. Ce qui, il faut en convenir, est au-dessus des pouvoirs de ADO car ne relevant pas de ses compétences. Mais il y a également des raisons objectives à la persistance des rancœurs dont cette justice partiale et sélective. Cette justice face à laquelle, toutes les personnes soupçonnées de crimes graves ne sont pas logées à la même enseigne, est l’un des pires obstacles à la réconciliation nationale en Côte d’Ivoire.
Le président ivoirien a quelque part perdu de son aura à travers tous ces défis non relevés, mais aussi du fait du comportement de certains acteurs de la galaxie ADO. Le cas le plus emblématique est celui de Guillaume Soro. L’actuel président de l’Assemblée nationale ivoirienne et poulain de ADO, est sous les feux de la rampe, de très mauvaise manière. Comme, on le sait, il est indexé dans plusieurs dossiers compromettants dont la tentative de putsch de septembre 2015 au Burkina Faso et tout récemment dans l’affaire de trafic de tonnes d’armes, révélée par des experts indépendants de l’Organisation des Nations unies. L’ex-chef de la rébellion ivoirienne est devenu, à tort ou à raison, un boulet aux pieds du président Ouattara. Il est accusé de traîner de nombreuses casseroles et a vu sa cote de popularité baisser, tant en Côte d’Ivoire qu’à l’extérieur. Avec lui, son mentor, le président Ouattara, a perdu un peu de son capital sympathie au sein de l’opinion ivoirienne et internationale.
Tout cela se passe dans un contexte de lutte fratricide pour la succession de Ouattara. Au sein du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), la tension, on le sait, couve. On assiste comme à une veillée d’armes. Et dans ces circonstances, les accusations portées par les experts de l’ONU, sur les tonnes d’armes qu’auraient acquises Soro, ne peuvent que raviver les inquiétudes sur le futur de la Côte d’Ivoire qui peut se retrouver, une fois de plus, l’otage des ambitions individuelles. En tout état de cause, cinq ans après la prise du pouvoir par Alassane Ouattara, la Côte d’Ivoire peine toujours à retrouver ses marques. Il appartient au président Ouattara de consolider les acquis de son régime, mais aussi et surtout, de rectifier le tir là où les choses ne sont pas allées dans le bon sens jusque-là. Ce n’est pas un jeu d’enfant, mais l’Eburnie et ses autorités ne sauraient en faire l’économie si elles veulent se donner toutes les chances de fermer à jamais, la porte à un retour des vieux démons.

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