Le général de…. la division, Yacouba Isaac Zida, a donc fini par battre en retraite sur au moins un front. En effet, on apprend à la lecture du Conseil des ministres de vendredi dernier, que lui et son épouse, Rehanata Stéphanie Kaboré, ont finalement renoncé aux parcelles acquises dans des conditions troubles à Ouaga 2000, et qui font, depuis de longues semaines, les choux gras des médias, l’objet de débats passionnés sur les réseaux sociaux et des gorges chaudes dans les gargotes et sous les chaumières.
C’est dans ce contexte d’affaire Zida, car affaire il y a bien, que le gouvernement a instruit l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) de faire la lumière sur les conditions de cette acquisition de terrain à Ouaga 2000. Une façon d’acculer l’officier Zida jusque dans ses derniers retranchements au Canada ou plutôt une brasse à reluire les étoiles controversées d’un général « particulier »?
On n’a donc pas fini d’entendre parler de cette ténébreuse affaire. On se demande d’ailleurs si cette reddition de Zida a été bien pensée, car en renonçant, les acquéreurs, aux yeux de certains, on fait un demi-aveu.
Pourquoi en effet prendre une telle décision, si les conditions d’acquisition ne souffrent aucune entache ?
Ce qui est en cause ici, c’est moins le fait que monsieur et madame Zida ont acquis un lopin de terre que les circonstances qui entourent la conclusion du marché et le moment où cela s’est produit.
Qu’y a-t-il d’extraordinaire à cela pour un salarié arrivé aux affaires déjà riche comme Crésus, comme l’a révélé la déclaration officielle de son patrimoine, estimé à 700 millions de francs CFA, ses comptes bancaires mis à part puisque non rendus publics par l’intéressé lui-même ? Que donc Yacou le richard ait des domaines à Ouaga 2000 ou même à Monaco, ville la plus chère du monde, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Mais intervenant en pleine Transition, cette transaction foncière confine à ce qu’on pourrait appeler abus de position sociale dominante.
En effet, les articles 72 et suivants de la Constitution ne stipulent-ils pas que «les membres du gouvernement ne doivent s’exposer à aucune situation susceptible de créer des conflits entre les devoirs de leurs fonctions et leurs intérêts privés», « Pendant la durée de leurs fonctions, les membres du gouvernement ne peuvent directement ou indirectement acheter ou prendre à bail tout ce qui appartient au domaine de l’Etat… » ?
L’affaire est donc loin d’être close. Le dernier développement est même assez surprenant, car il intervient alors que tout semble indiquer que le général Zida est en train de lâcher ses troupes, d’organiser la riposte, au moins sur le plan médiatique, avec des conférences de presse d’Organisations de la société civile (OSC) acquises à sa cause et à sa personne, en tout cas durant la Transition. Que certaines d’entre elles se pincent aujourd’hui le nez à la seule évocation du nom de Zida, c’est une autre affaire. Aphones depuis le déclenchement de cette affaire, certains gourous présumés et autres agités des OCS ont subitement retrouvé de la voix pour exiger des preuves et l’audit des parcelles de toute la zone de Ouaga 2000.
Ainsi du Mouvement «Plus rien ne sera comme avant» de l’inénarrable Idrissa Nogo, qui, au cours d’une sortie laborieuse jeudi dernier, a volé au secours de l’ex-PM de la Transition à coup d’argumentaires qui ont saoulé l’auditoire d’hilarité. Ainsi également de la coordination des OSC de la truculente Safiatou Lopez qui a sonné la mobilisation, le même jour, de ses troupes pour exiger des preuves sur ce qui se dit contre le général. Et que dire de la conférence de presse du « Balai citoyen » donnée le lendemain ? Un véritable spectacle de pitrerie avec Sam’K le Jah qui débitait des propos à la limite du mépris comme celui-là : « Ce n’est pas un V8 que Zida m’a donné, mais plutôt un train.»
Mais quand Me Guy Hervé Kam et ses potes vont jusqu’à exiger un audit de toutes les parcelles de Ouaga 2000, c’est là que le bât blesse. Si, par souci de transparence, on peut admettre le principe, cela ressemble à de l’enfumage de la part du porte-parole du « Balai citoyen », qui voudrait faire dans l’exception dilatoire.
Qu’on se comprenne bien : le citoyen Zida est présumé innocent, jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie à l’issue d’un procès équitable.
Plus les « avocats » de Zida rivalisent d’arguments pour le défendre, plus ils le chargent. « Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué », a prévenu Idrissa Nogo. Mais que ce dernier sache que son idole n’est pas un ursidé, même s’il vit actuellement au Canada, pas plus que ceux qui exigent la lumière sur cette ténébreuse affaire ne sont des trappeurs. Et il est peut-être temps pour lui de mettre fin à son séjour prolongé pour rendre compte, quand bien même il ne serait visé pour le moment par aucune poursuite judiciaire, après une permission qui a expiré depuis le 19 février et non le 19 mars, comme l’avait annoncé le chef de l’Etat Roch Marc Christian Kaboré. Car ça commence à faire beaucoup autour de sa seule personne. A l’affaire des parcelles viennent s’ajouter ce bruit sur un partage de butin entre membres de ce fameux « cabinet militaire de la Transition » et ce dossier de blanchiment d’argent.
Comme si cela ne suffisait pas, voilà qu’il est question ces derniers temps d’un marché de fuel de 82 milliards à la SONABEL que l’ancien locataire de la Primature aurait voulu passer, en violation flagrante des règles de passation des marchés publics, et qui a finalement échoué.
Si on ajoute à tout cela sa permission, qui aurait expiré depuis le 19 février 2016, il faut espérer pour lui, ses soutiens et le Burkina que tout ce qui se raconte ne soit pas vrai. Sinon le bref passage de Zida au sommet tiendrait davantage d’un roman noir que d’un traité de bonnes manières.
La Rédaction