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Rejet de la motion de destitution de Zuma par le parti au pouvoir : quand l’ANC continue de se tirer une balle dans le pied
Publié le mercredi 6 avril 2016  |  Le Pays
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© Autre presse par DR
Le président sud-africain, Jacob Zuma




En Afrique du sud, le président Jacob Zuma continue d’accumuler les tuiles sur sa tête. En effet, le 5 avril dernier, il était l’objet d’une nouvelle procédure de destitution devant le Parlement sud-africain. Procédure enclenchée par l’opposition qui avait déposé une motion de censure à son encontre, suite au verdict de la Cour constitutionnelle qui l’a condamné, la semaine dernière, au remboursement de l’argent public indûment utilisé pour la rénovation de sa résidence privée. Malgré les appels à la démission pour ce qui apparaît aujourd’hui comme une violation flagrante de la Constitution qu’il s’était pourtant juré de respecter à sa prise de fonction, Jacob Zuma reste de marbre et résolument cramponné à son fauteuil.

A force de protéger un personnage loufoque et inconséquent, cela finira par jeter l’opprobre sur toute la famille politique

Et le vote d’hier qui a sauvé sa tête en raison du soutien de son parti malgré ses nombreuses frasques, n’est ni plus ni moins que l’expression d’une peur viscérale de l’ANC de perdre le pouvoir dans des conditions qui ne le rassurent guère sur la probabilité de le reconquérir immédiatement. Et pour cause, Jacob Zuma s’est montré, à maintes reprises, incapable de chausser les bottes de Nelson Mandela. Mais pire, il est en train de brader l’héritage que ce dernier a légué à la nation arc-en ciel. C’est pourquoi en continuant de soutenir, contre vents et marées, un personnage aussi fantasque que Jacob Zuma qui a fini de se décrédibiliser aux yeux de l’opinion nationale voire internationale, l’ANC, pourrait-on dire, continue de se tirer une balle dans le pied. Car, à force de protéger un personnage loufoque et inconséquent, cela finira par jeter l’opprobre sur toute la famille politique. Et là où la position du parti paraît encore plus incompréhensible, c’est que pour moins que les frasques et les errements de Zuma, il avait poussé Thabo Mbeki à la démission, en lui retirant sa confiance lorsque les critiques se multipliaient contre lui, au cours de son deuxième mandat. Pourquoi donc un tel soutien, à la limite aveugle, pour le chef zoulou ?
En effet, en choisissant de privilégier la fidélité au président Zuma au détriment du respect de la Constitution, l’ANC adopte une posture qui peut être lue sous le prisme de l’encouragement au vice dans la gestion de la chose publique. Pour un parti historique dont le combat pour l’égalité sous toutes ses formes et pour plus d’équité reste le fait le plus marquant de son histoire dans une Afrique du sud alors en proie à l’apartheid, cet encouragement pourrait s’apparenter à une trahison des idéaux même du parti.
Mais quoi qu’on dise, c’est la démocratie sud-africaine qui sort grandie de cette procédure d’impeachment même si elle a capoté. Car, l’on savait dès le début, qu’elle avait peu de chances d’aboutir, en raison de la domination outrageuse de la représentation nationale par le parti de Nelson Mandela. En tout cas, le géant de la pointe de l’Afrique a montré à quel point la démocratie y est enracinée. Et en l’espace de quelques mois, car c’est la deuxième fois, après l’affaire du mandat d’arrêt non exécuté contre le président soudanais Omar El Béchir, que le chef de l’Etat est mis à l’index par des institutions de la République pour des manquements à la loi.

Après 22 ans de règne, l’ANC est aujourd’hui à la croisée des chemins

Ailleurs en Afrique, il y a fort à parier que de tels actes du prince régnant n’auraient prêté à aucune conséquence, tant il est inconcevable de voir une quelconque institution de la République, aussi haut placée soit-elle, blâmer le chef de l’Etat. Pourtant, ce Jacob Zuma-là peut en cacher beaucoup d’autres sur le continent.
Toutefois, l’on peut regretter que le président sud-africain survive à cette nouvelle motion de censure à cause de la solidarité malsaine de son parti ; car il est allé un peu trop loin dans ses incartades. Pour l’exemple et pour l’histoire, l’ANC aurait dû adopter une position plus marginale vis-à-vis de son indélicat poulain, pour éviter que l’Histoire continue de s’écrire dans le mauvais sens pour elle, à cause justement des écarts de conduite récurrents de son porte-étendard. C’est pourquoi il ne serait pas saugrenu de commencer à penser à d’autres mécanismes constitutionnels pour ne pas que ce genre de dérives à répétition restent chaque fois impunies.
A moins que tous ces députés de l’ANC, qui font bloc derrière Zuma là où même des voix de vétérans se sont élevées à l’intérieur du parti pour appeler le président à rendre le tablier, ne soient que des affairistes qui, à l’image du président lui-même, ne pensent qu’à préserver leurs propres intérêts au détriment de ceux de la nation.
Quoi qu’il en soit, après 22 ans de règne, l’ANC est aujourd’hui à la croisée des chemins. Et c’est maintenant, plus que jamais, que se joue son avenir à la tête de la nation arc-en-ciel. Car, depuis 1994, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Et ils sont nombreux aujourd’hui, les jeunes Sud-africains qui ont entendu parler de l’apartheid sans l’avoir vraiment vécu, même s’il n’est pas exclu qu’ils puissent en subir encore les conséquences. L’ANC a donc intérêt à porter son fusil sur la bonne épaule car la légitimité dont pensent peut-être se prévaloir ses dirigeants actuels, peut paraître éculée aux yeux d’une jeunesse sud-africaine confrontée à des préoccupations d’un autre genre et d’une autre époque, et qui cherche ses repères. Les temps ont changé et l’ANC a intérêt à opérer sa mue, s’il ne veut pas rester en rade de l’Histoire.

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