Dans les premiers mois d’exercice, le gouvernement a annoncé son intention de recruter 4 200 jeunes pour enseigner au post-primaire. Cette mesure visant à juguler le problème de chômage des jeunes diplômés ne requiert par l’assentiment des organisations syndicales. Celles-ci dénoncent une «violation» de la Constitution et une «manœuvre électoraliste».
L’enseignement au Burkina Faso souffre d’énormes difficultés, dont surtout le déficit d’enseignants notamment au post-primaire. Pour remédier à cette situation, conformément à une promesse de campagne, le gouvernement Paul Kaba Thiéba a décidé de recruter des jeunes diplômés. Dans le cadre du programme «Emploi jeunes pour l’éducation nationale», il est prévu, à partir du 2 avril 2016, le recrutement de 4 200 jeunes diplômés pour faire face au déficit de 6 399 enseignants dans le post-primaire. Selon les explications données par le ministre de l’Education nationale et de l’Alphabétisation, Jean Martin Coulibaly, lors du point de presse du gouvernement du 18 mars 2016, 3 000 jeunes diplômés seront recrutés en 2017 et 2 000 en 2018, pour couvrir les effectifs annoncés. En vue d’initier les candidats retenus à l’exercice du métier d’enseignant, une formation de 6 mois est prévue à leur intention, avec un pécule de 30 000 FCFA. Cette formation sera assurée par l’Ecole normale supérieure de l’Université de Koudougou (ENS/UK) et l’Institut des sciences (IDS), sur financement du budget de l’Etat. A l’issue de la formation, les bénéficiaires devront signer un contrat à durée déterminée d’un an renouvelable pendant 3 ans. «Le contractuel a droit à une allocation forfaitaire mensuelle de 100 000 FCFA, qui n’a pas le caractère d’un salaire ou d’une rémunération, mais elle est une contribution financière pour lui permettre de se loger et d’être dans des conditions acceptables de travail», a déclaré le ministre. Selon lui, cette somme n’est soumise à aucun impôt ou prélèvement social. Au bout de trois ans d’exercice, le contractuel devra passer un concours pour entrer dans la Fonction publique. A entendre le chef du département de l’éducation nationale, la réalisation de ce projet va coûter 2 823 160 000 FCFA en 2016. Au bout de 5 ans, ce sera ainsi plus de 16 000 jeunes qui auront bénéficié de cette mesure, dont le coût global est estimé à 46 742 640 000 FCFA. Cependant, les organisations syndicales n’approuvent pas ce genre de recrutement. Le porte-parole du collectif syndical Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B), Bassolma Bazié, estime que cette mesure viole un certain nombre de textes au Burkina Faso, notamment la Constitution.
«La Constitution à son préambule dit que tous les Burkinabè doivent être traités sur le même pied d’égalité. C’est une violation de la Constitution, quand vous recrutez deux personnes ayant le même niveau, avec un traitement différent», a-t-il affirmé. Selon lui, un agent recruté, qui reçoit une somme forfaitaire de 100 000 F CFA et qui ne cotise pas, n’est pas sécurisé. «Le manque de sécurité sociale est aussi une violation de l’article 19 de la Constitution, qui dispose que le travail doit être garanti et de façon égalitaire pour tous les Burkinabè», a-t-il justifié.
Une mesure diversement appréciée
M. Bazié pense également, que ce type de recrutement d’enseignants ne devrait pas avoir lieu, au moment où le combat contre la loi 028 relative au Code du travail, est en train d’être mené. Il désapprouve la décision du gouvernement, qui ne converge pas avec la loi 081, adoptée le 24 novembre 2015, qui annule l’existence de deux types d’agents dans la Fonction publique, à savoir le fonctionnaire et le contractuel. Au regard de ces multiples remises en cause, Bassolma Bazié propose des pistes de solutions à la problématique du chômage des jeunes. Dans cette optique, il dit opter pour une augmentation du nombre d’effectifs au niveau des différents concours ou la possibilité à accorder à ces jeunes de s’inscrire dans plusieurs domaines en dehors de l’enseignement. Il se justifie, en disant qu’en 2015, les dossiers reçus pour le recrutement d’enseignants n’ont pas atteint le nombre escompté. Pour lui, cela indique aisément, que ce n’est pas tous qui ont la vocation, ni l’intention d’aller enseigner. « Si l’Etat voulait se montrer soucieux des préoccupations du monde du travail, il devrait payer les avancements accumulés qui montent à plus de 18 milliards et mandater les agents qui attendent sur le terrain. Nous ne condamnons pas les jeunes qui vont aller s’inscrire pour pouvoir survivre. Nous disons que la décision de recruter des enseignants de cette façon est électoraliste», a-t-il ajouté. L’Association nationale pour le bien-être des enseignants du primaire du Burkina (ANEP), pour sa part, ne se montre pas aussi catégorique dans une analyse publiée sur le site lefaso.net, le 29 mars 2016. Elle apprécie, à sa juste valeur, l’initiative gouvernementale, tout en prodiguant des conseils avisés aux jeunes chômeurs. «Entre le travail de haut niveau que nous n’avons pas et le travail sans importance que nous ne voulons pas, le danger existe que nous ne fassions rien. Il y a une offre d’insertion professionnelle offrant un emploi contractuel d’un an renouvelable à concurrence de trois ans dans l’enseignement post-primaire avec une allocation de 100 000 FCFA par mois. Que celui qui veut, s’engage en toute franchise. On n’en voudra pas à celui qui trouve le montant insignifiant et qui refuse d’y aller, préférant attendre de passer les concours directs qui seront bientôt lancés», a déclaré le président national de l’ANEP, Jérôme Kaboré.
Habibata WARA