"Agir maintenant pour éliminer la faim en Afrique d’ici à 2025". Tel est le titre de l'éditorial du directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), José Graziano da Silva, à l'occasion de la 29e session de la Conférence régionale de la FAO pour l’Afrique prévue du 4 au 8 avril 2016 à Abidjan en Côte d'Ivoire.
L’adoption du Programme de développement durable 2030 par la communauté internationale a positionné le secteur de l’alimentation et l’agriculture comme catalyseur pour atteindre une croissance inclusive et éradiquer la pauvreté et la faim.
L’Afrique est bien placée pour atteindre l’ensemble des objectifs mondiaux. Les Chefs d’État et de gouvernement africains ont courageusement décidé d’éradiquer la faim d’ici à 2025. Ceci constitue un grand défi –puisque l’Afrique vise plus haut – mais aussi une grande opportunité. Les prochaines années seront donc cruciales pour l’Afrique si nous voulons rester dans l’histoire comme la Génération Faim Zéro.
Sous le thème : « La transformation des systèmes agroalimentaires africains pour une croissance inclusive et une prospérité partagée », la FAO se réunira avec les hauts responsables agricoles du continent lors de sa conférence régionale biennale qui se tiendra à Abidjan en Côte d’Ivoire du 4-8 avril 2016.
Cet événement arrive à point nommé, et pour plusieurs raisons.
Premièrement, il s’appuie sur la dynamique créée par la Déclaration de Malabo de 2014 dans laquelle les dirigeants africains appellent à un changement fondamental en matière de développement agricole et rural en Afrique comme présenté parmi les aspirations pour l’Agenda 2063 de l’Afrique, qui met l’accent sur l’unité, l’autonomie, l’intégration et la solidarité. De plus, en 2014, les pays africains se sont joints à tous les autres États pour adopter la Déclaration de Rome et son Cadre d’action lors de la Deuxième Conférence internationale sur la nutrition.
Deuxièmement, la Conférence régionale de la FAO survient peu après le récent accord de la COP 21 sur le changement climatique, qui présente à l’Afrique de nombreuses opportunités pour mettre au point ses interventions en matière d’adaptation au changement climatique et d’atténuation de ses effets.
L’Afrique ressent déjà les effets du changement climatique, cela comprend une augmentation de la gravité et de la fréquence des sécheresses, des inondations et d’autres phénomènes météorologiques extrêmes. Un exemple évident de ce problème est le phénomène El Niño en cours avec ses effets dévastateurs sur les moyens de subsistance des agriculteurs et des éleveurs en Afrique orientale et australe. Le changement climatique augmentera également le risque de phyto ravageurs, de parasites et de maladies transfrontalières des végétaux et des animaux, contre lesquels il faudra des mesures adéquates de contrôle et d’intervention.
Il reste plusieurs autres défis à relever, défis que les dirigeants du continent doivent transformer en opportunités.
On estime que plus de la moitié de la croissance démographique mondiale d’ici à 2050 serait en Afrique, c’est-à-dire que, environ 1,3 milliard de personnes s’ajouteront à la population actuelle.
On estime également que les marchés des produits agricoles africains dépasseront 1 000 milliards de dollars au cours des 30 prochaines années. Ces tendances démographiques et économiques représentent à la fois une énorme opportunité et un défi pour l’agriculture et les systèmes agroalimentaires africains.
En investissant dans les systèmes alimentaires africains dans la façon dont nous produisons, collectons, stockons, transportons, transformons, emballons et distribuons les aliments, nous pouvons produire nous-mêmes la nourriture pour la consommation africaine et créer un secteur dynamique générateur d’emplois et de moyens de subsistance pour nos jeunes. En investissant dans les institutions africaines pour éduquer les gens, établir et appliquer rigoureusement les normes alimentaires et surveiller la salubrité des aliments, nous pouvons améliorer notre alimentation et notre santé et créer un système alimentaire plus nutritif.
Les gouvernements africains devront se réengager dans la mise en œuvre systématique de bonnes politiques de développement rural et de programmes qui maximisent les possibilités pour les jeunes et les petits agriculteurs, renforcent leurs capacités et facilitent leur accès à des technologies durables et aux ressources productives nécessaires pour engendrer une croissance généralisée dans le secteur agricole secteur et l’économie rurale.
L’importation alimentaire en Afrique se chiffre actuellement à 50 milliards de dollars. De nombreux pays africains dépendent en permanence des importations alimentaires, ce qui demeure un grave problème d’autant plus que la facture des importations des denrées alimentaires prive d’autres programmes de développement importants de fonds nécessaires sans résoudre le problème de l’insécurité alimentaire.
La dépendance aux importations alimentaires ne devrait pas être la règle. L’Afrique a le potentiel d’être non seulement autosuffisante en aliments, mais aussi de devenir un important exportateur de nourriture pour le reste du monde.
Pour se nourrir, l’Afrique doit miser sur son potentiel d’intégration régionale. Il existe une marge importante d’expansion du commerce intra-régional des produits alimentaires stratégiques. Des institutions sous-régionales fortes et des politiques et règlements commerciaux cohérents et prévisibles sont des éléments essentiels pour une meilleure circulation des marchandises entre les pays.
Grâce à l’impulsion donnée par le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique et le Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine, il est maintenant largement admis que le renforcement du commerce intra-africain joue un rôle clé pour surmonter la dépendance aux importations alimentaires et les problèmes liés à l’insécurité alimentaire en Afrique.
Les mesures prises par les dirigeants africains sont essentielles ; les mesures prises par le reste du monde le sont tout autant. Un engagement politique soutenu au plus haut niveau est nécessaire pour que toute croissance enregistrée sur le continent atteigne les plus pauvres et les plus vulnérables.
La coopération Sud-Sud constitue un moyen important par lequel les pays en développement peuvent se soutenir les uns les autres pour combler le fossé technologique qui existe dans la production alimentaire, l’agriculture et l’économie rurale en général. À Abidjan, nous inviterons tous les participants à la Conférence à soutenir le Fonds fiduciaire de solidarité africain (ASTF) – un instrument important de coopération Sud-Sud – et à créer des partenariats dans le but de partager de l’expertise et les meilleures pratiques en faveur de l’agriculture, ainsi que des ressources financières.
L’éradication de la faim d’ici à 2025 et la réalisation des ODD d’ici à 2030 nécessitent des interventions ciblées et innovantes, y compris l’assistance en matière d’alimentation, de santé et d’assainissement, la protection sociale, l’éducation, la formation et l’amélioration des infrastructures –avec un accent particulier sur les plus vulnérables. Cela créera le « cercle vertueux » du développement local qui mènera à la sécurité alimentaire et à une meilleure nutrition.
Cela ne pourra se produire que si les femmes africaines sont autonomisées et placées en première ligne dans les efforts de développement. C’est seulement alors que l’Afrique pourra être libérée de la faim et accéder également à une meilleure nutrition.
De son côté, la FAO, avec son expertise et ressources disponibles, est disposée à soutenir l’Afrique dans la réalisation de ses priorités en collaboration étroite avec l’Union africaine, d’autres institutions régionales et les partenaires humanitaires et de développement.
C’est le moment pour les dirigeants africains d’agir ensemble. Ce faisant, ils peuvent s’assurer que leur continent peut réaliser, d’une manière durable et respectueuse de l’environnement, un avenir meilleur pour tous.
José Graziano da Silva
Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)