Au Centre-Ouest, les sites d’orpaillage pullulent. Ce qui n’est pas sans conséquence sur l’environnement et partant, sur la vie de l’homme. Les exploitants sauvages s’attaquent au couvert végétal, à la recherche du métal jaune. Ce que n’entendent tolérer les services de l’environnement. C’est ainsi que courant mars 2016, la direction régionale de l’environnement a déclenché une guerre contre cette forme d’exploitation dans la forêt classée de Kalio, dans la province du Sanguié.
Les exploitants clandestins d’or dans la forêt classée et protégée de Kalio retiendront pour toujours les dates du 14 et 18 mars 2016. Et pour cause ? Ce sont ces jours que la direction régionale de l’environnement du Centre-Ouest a choisis pour leur rendre une visite des plus inamicales. D’abord, le 14 mars en pleine nuit, une mission de la brigade régionale des eaux et forêts, conduite par le commandant de ladite brigade, Nobila Jean-Baptiste Nana, est allée les surprendre en activité, saisissant de nombreux engins et matériels d’exploitation. Dans la même dynamique, le directeur régional en personne, Jean Bosco So, a conduit, quatre jours plus tard, une autre mission sur ce couvert végétal d’environ 37 000 hectares, aux abords du fleuve Mouhoun. Il était accompagné du directeur provincial en charge de l’environnement dans le Sanguié, du Président de la délégation spéciale (PDS) de Zamo et du concessionnaire de ladite forêt, Alexis Simporé. Ils y sont allés pour rencontrer les orpailleurs et tenter de les convaincre de quitter les lieux. Il était 10 h35mn ce 18 mars quand l’équipe a fait irruption dans le site. A vue d’œil, une cinquantaine de personnes s’activent. D’autres, camouflées au fond des galeries qui vont de dix à quarante mètres, ont fini par jaillir du fond des trous, sous l’injonction des forestiers.
L’on se rend compte que la première descente des hommes en vert n’a pas dissuadé les occupants illégaux de la forêt classée. Les groupes électrogènes ont continué à vrombir dans cet espace protégé, que l’Etat a cédé à un concessionnaire par appel d’offres, en 2012. Sous les ordres du directeur régional, les groupes électrogènes et autres compresseurs sont démontés et embarqués.Sur les lieux, 63 trous ont été dénombrés. Mais, il a été difficile de trouver un seul propriétaire de trous sur les lieux. Ceux qui ont accepté piper mot ont déclaré être des employés. Sont de ceux-là, Lassané Kaboré et Lookman Sankara, tous responsables d’équipe, qui ont affirmé être employés par des patrons absents au moment de notre passage. Et comme un refrain repris en chœur, ils soutiennent tous n’avoir jamais eu de l’or sur le site. Et pourtant, ils y sont depuis des années et y déploient du matériel semi-moderne d’exploitation. Un autre que nous avons trouvé à Koudougou à notre retour à la direction régionale en charge de l’environnement, du nom de Sibi Mogmenga, dit être venu chercher son engin saisi. Pour lui, c’est son frère qui a conduit son engin sur le site.
L’heure de la répression ?
Selon le préfet, président de la délégation spéciale de Zamo, Armand Bambara, c’est depuis plusieurs années que le phénomène s’est développé dans la forêt classée de Kalio, avec des conséquences désastreuses sur le vécu des populations : destruction de l’environnement, pollution des eaux, migration forcée des animaux sauvages vers d’autres zones. « Je pense qu’après la sensibilisation, il faut passer à la répression », s’offusque le PDS. C’est une forêt à vocation faunique et on ne saurait tolérer une cohabitation avec des orpailleurs, martèle-t-il.
Pour sa part, le concessionnaire de la zone de chasse de Kalio, Alexis Simporé, explique que c’est après avoir été retenu, à l’issue de l’appel d’offres, qu’il s’est rendu compte que la zone est empiétée par les orpailleurs, les braconniers et surtout les éleveurs pour le pâturage de leurs animaux. Et ses initiatives, avec le service de l’environnement, pour déguerpir tout ce beau monde,se sont révélées vaines. Selon lui, l’orpaillage détruit dangereusement l’environnement avec l’utilisation du cyanure. De même, l’empiètement des bœufs contribue à dépeupler la forêt de ses animaux sauvages pour des zones où ils ne sont pas inquiétés. Le problème a été posé au ministère en charge de l’environnement, et en attendant une solution définitive, les patrouilles et les interpellations restent le palliatif pour freiner la destruction de la forêt classée de Kalio.
Fin de récréation pour les orpailleurs
Pour sa part, l’inspecteur des eaux et forêts, Kogbila Hamadé Ouédraogo, directeur provincial de l’Environnement, de l’Economie verte et du Changement climatique du Sanguié, dit avoir été notifié par son directeur régional de ce que la brigade régionale a reçu comme informations selon lesquelles une opération allait se mener sur son territoire et si de ce fait, il pouvait être d’un appui. En effet, le Sanguié à lui seul possède cinq forêts classées sur les sept que compte la région du Centre-Ouest et ce n’est qu’à travers ces genres d’opérations que les forêts pourront respirer, explique-t-il. Dans presque toutes les forêts classées, indique le directeur provincial, l’orpaillage a un impact négatif à commencer par la forêt classée de Tiogo qui est sous l’emprise du PIF (Programme d’investissement forestier). Ensuite, la forêt classée de Kalio où on rencontre pas mal de problèmes dont la présente opération va contribuer à résoudre.
Concernant les sorties sur le terrain, le directeur régional de l’Environnement, de l’Economie verte et du Changement climatique du Centre-Ouest, Jean Bosco So, estime que c’est une aventure qui en valait la peine. « La région du Centre-Ouest a un bon potentiel de forêts classées, qu’il nous faut coûte que coûte préserver et c’est toute notre motivation », soutient M. So. Il était temps, appuie-t-il, d’agir afin de dissuader ces actes peu recommandables qui risquent de mettre en péril les efforts de protection. C’est ce qui justifie aisément, selon lui, cette opération un peu musclée dans la forêt classée de Kalio les 14 et 18 mars. Mais pour y parvenir, le directeur régional est d’avis qu’il faut avant tout, de la communication et nécessairement un réseau d’indicateurs qui puisse donner des informations assez claires. En réalité, détaille-t-il, les forêts classées, les chantiers d’aménagement qui sont situés en zones protégées sont différentes des forêts classées au nom de l’Etat qui font l’objet de restrictions particulières dans leur gestion. C’est un peu le cas des chantiers d’aménagement, mentionne M. So, qui sont réservés à l’aménagement participatif pour produire du bois afin d’alimenter notamment les grandes villes telles que Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Koudougou, etc. «Ce sont ces forêts protégées qui font face à des empiètements par les populations aujourd’hui et que nous devons obligatoirement agir. Il y a toujours ces orpailleurs qui menacent ces formations forestières, des éleveurs qui veulent y faire paître leurs animaux, des agriculteurs qui veulent même installer leurs champs dans ces forêts. Nous avons donc sonné la fin de la récréation. Ces orpailleurs, bergers et autres agriculteurs doivent quitter les lieux », somme le directeur régional en charge de l’environnement.
François KABORE