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L’Observateur N° 8405 du 28/6/2013

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Journée nationale de protestation : à Ouagadougou, sous la fumée de lacry
Publié le lundi 1 juillet 2013   |  L’Observateur


Mise
© aOuaga.com par A.O
Mise en place du Sénat: l`opposition dans la rue pour une grande journée de contestation
Samedi 29 juin 2013. Ouagadougou. Des dizaines de centaines de marcheurs à la place de la Nation pour protester contre la mise en place du Sénat et contre la vie chère sur toute l`étendue du territoire national


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La date était connue, le lieu et l’itinéraire aussi. La seule équation restait l’adhésion des populations. La question est restée posée jusqu’à ce que la marrée humaine, qui a marché de la place de la Nation jusqu’au rond-point des Nations unies en passant par les avenues Houari Boumediene et Kwame Nkrumah, envahisse les rues de Simonville le 29 juin 2013. La journée nationale de protestation organisée par l’opposition politique burkinabè et pilotée par son chef de file n’a pas été un flop. Loin de là. Des milliers de militants, sympathisants et forces vives ont répondu massivement à l’appel, à coups de tapage médiatique et de bien d’autres formes de communication des partis politiques affiliés au Chef de file de l’opposition. Dans tout le pays, la protestation a eu lieu : Ouahigouya, Bobo-Dioulasso, Koudougou, Kaya, Dédougou, Banfora, etc. Hormis Ouagadougou, où la température est montée entre-temps entre les manifestants et les forces de l’ordre, ce qui a fini par des tirs de gaz lacrymogènes et un dispersement de la foule, les choses se sont déroulées dans le calme et la discipline.

Aux environs de 8 heures, quand nous arrivâmes à la place de la Nation, au regard du nombre pas impressionnant de personnes qui y étaient déjà, nous nous demandions si l’appel des partis de l’opposition aux Burkinabè à participer à la journée nationale de protestation, laquelle visait à dire non à la politique actuelle du gouvernement et particulièrement de la mise en place du Sénat, a été bien entendu. Nous n’eûmes pas le temps de nous interroger pendant longtemps car au fur et à mesure que les minutes s’égrainaient, les gens venaient de partout. A 8 heures et demie l’ambiance est à son firmament. Les jeunes animateurs sur le podium demandent des ovations pour les journalistes qui se sont massivement mobilisés pour la cause. Pour les harangueurs, les pisses-copies au Burkina sont des professionnels, seulement, plusieurs de ces gens qui font de grandes études sont souvent victimes de la censure de leur hiérarchie. «En plus ils végètent, comme nous ; ils roulent à moto. Ovationnez-les», poursuit-il avec le discours du président feu Thomas Sankara du 4 octobre 1984 à la tribune des Nations unies en fond sonore.

«Quand une lutte est juste, elle mobilise»

«Sénateurs wanted» ; «Oui à l’autosuffisance, le Sénat à la poubelle» ; «Non au Sénat, non au chômage, stop à la souffrance des étudiants» ; «Non au Sénat, non à la vie chère, non à la mauvaise gouvernance» ; «Un W.C. public vaut mieux que le Sénat». C’est, entre autres, ce que l’on pouvait lire sur les pancartes et autres banderoles. Pendant que les manifestants continuaient de converger vers la place de la Nation, un des animateurs annonce que tous les chefs de parti de «l’opposition réelle» sont en route. A ce moment-là, on entend dans la foule les vibrations d’un mégaphone qui rappellent le légendaire Sana Bob : «Quand une lutte est juste, les populations se mobilisent». Et c’est exactement ce qu’est venu déclarer le président du Faso autrement, Ablassé Ouédraogo, arrivé à la tête d’une première vague de responsables de partis dont François Ouendlasida Ouédraogo, Norbert Michel Tiendrébéogo, Toubé Clément Dakyo. Pour lui, le Sénat, c’est la folie des grandeurs de notre République.

Quelques minutes plus tard, en de véritables rocks tars, les artistes Smockey et SamsK le Jah parviennent au podium, armés de balais. «Nous allons garant les vieux pères de l’opposition : si nous sommes sortis aussi nombreux aujourd’hui, ce n’est pas pour rentrer de sitôt. Gare à ceux qui vont vendre la lutte». Le message du célèbre reggae man-animateur est clair : la jeunesse ne va tolérer les traîtres. Et le rappeur d’ajouter que s’ils sont armés de balais, c’est parce qu’au Burkina il y a trop de pourriture dont il faut débarrasser la nation.

A la suite des deux «bara mogo» arrivent une autre vague de responsables de partis avec, à leur tête, Me Bénéwendé Stanislas Sankara, président de l’UNIR/PS. Il est accompagné d’Emile Paré et d’autres ténors de formations politiques de l’opposition. Après eux, Arba Diallo arrive accompagné, entre autres, de Philippe Ouédraogo, de Boukary Kaboré, dit Le Lion. S’adressant à la foule, le maire de Dori dit ceci : «Même si Blaise ne vous voit pas, il vous entend. Avant, nous avions peur de mourir ; mais aujourd’hui, nous avons peur de vivre avec ces bandit-là» (NDLR : il parle du régime Blaise Compaoré).

Et à 9h 45 mn, arriva le chef de file de l’opposition, dans un tintouin qui ne permettait même pas d’entendre son voisin. Zéphirin Diabré, le président de l’UPC, dans sa courte adresse à la foule, lui demande de marcher dans le calme et de ne rien casser. «Nous savons que le CDP a infiltré des fauteurs de trouble en ce jour, mais nous leur demandons de tout de suite se rétracter», lança-t-il à la foule hystérique. Et la marche peut commencer.

Une interminable file disciplinée

Place de la Nation, rond-point du Cinéaste, Maison des jeunes et de la culture de Ouagadougou (MJCO), Cité CNSS, Cathédrale Notre-Dame de l’Immaculée Conception, Cimetière municipal, avenue Kwame Nkrumah, rond-point des Nations unies. Plusieurs milliers de personnes ont emprunté cet itinéraire sur lequel tous les commerces étaient restés fermés toute la matinée. Une longue et interminable file s’ébranle alors vers le rond-point des Nations unies suivant ce tracé. Sans casse. Impressionnant. Mais avec évidemment des slogans hostiles au régime en place depuis 1987 et aussi à la loi sur le Sénat votée récemment par l’Assemblée nationale. Tout au long du trajet, les responsables de la marche n’ont cessé d’exiger des marcheurs le calme et la discipline.

A la fin du mur de la DGTTM, située non loin du rond-point des Nations unies, les marcheurs remarquent quelque chose qui ressemble à une caméra de surveillance et qui est accroché à un lampadaire. «Si c’est pour voir si nous sommes vraiment nombreux, ils sont servis», lâche un marcheur montrant le fameux objet de curiosité à d’autres. A hauteur du Conseil économique et social (CES), une barrière est établie par les forces de l’ordre pour délimiter la fameuse ligne rouge. Bloqués, les protestataires entonnent le Ditanyè pendant que la tête de la file grossit énormément avec l’arrivée des colonnes de derrière.

Repli stratégique et non sauve-qui-peut

Dans l’attente du représentant du Premier ministre qui devait venir jusqu’à la ligne rouge pour réceptionner la lettre de protestation de l’opposition, les esprits s’échauffent au fur et à mesure que le temps passe et la tension monte progressivement jusqu’à atteindre ce moment : certains manifestants, malgré les tentatives des cordons de sécurité du CFOP de les retenir, tentent de passer et font tomber une barrière. Et boom ! Le premier tir de gaz lacrymogène est parti. Dans la foule, on entend : «Pas de panique ! Ils veulent nous pousser à casser, mais restez calmes !» Puis les tirs s’enchaînèrent, et vint la débandade. Mais même dans le sauve-qui-peut, le mot d’ordre continue de passer : "Retournons à la place de la Nation". Fuyant la fumée lacrymogène très nocive, libérée par les tirs des forces de l’ordre, un groupe de responsables nous informe que ce n’est pas un sauve-qui-peut, mais un repli stratégique. Et les forces de l’ordre, malgré le dispersement de la masse, poursuivent les fuyards jusqu’à hauteur de la maison du Peuple.

De retour à la place de la Nation, les manifestants semblent plus déterminés. L’ambiance d’avant le départ reprend et un meeting doit se tenir, comme prévu. Plusieurs dizaines de personnes se sont blessés lors de ce "repli stratégique", y compris notre confrère Noufou Zougmonré du Courier confidentiel. Çà et là, les éléments de la Croix-Rouge s’occupent des blessés. Une rumeur fait état d’une chute d’Arba Diallo qui manque à l’appel des leaders. Mais quelques minutes plus tard, le président du PDS/Metba apparaît dans la foule. "Ils sont tous là, saints et saufs. Et prêts à poursuivre", font entendre les animateurs. C’est donc dans cette ambiance surchauffée, avec des marcheurs gonflés de nouveau à bloc, que le chef de file de l’opposition s’est adressé aux militants. Il a salué la mobilisation de toutes les couches de la société et les a appelées à rester mobilisées pour les futurs mots d’ordre qui ne tarderont pas à tomber. Selon Zeph, cette mobilisation est sans pareille, et elle est la preuve que le peuple du Burkina est debout pour le changement. Il a aussi salué le don de soi des responsables des partis de l’opposition qui n’ont pas lésiné sur la communication afin de mobiliser les troupes. Il a aussi salué l’implication de la société civile, dont deux de ses figures emblématiques étaient d’ailleurs à la marche. Il s’agit des Pr Luc Marius Ibriga et Augustin Loada.

Egrainant les griefs que l’on peut faire au pouvoir, le CFOP a tenu pour responsable le Premier ministère des incidents du jour.

Pour l’opposition, cette grande mobilisation est la preuve que les Burkinabè ont définitivement rejoint l’opposition, à laquelle ils ont confié leur destin. C’est pourquoi, au nom de tous les partis affiliés à son institution, Zeph a pris l’engagement que le jour où il y aura alternance au Burkina, le premier décret qui sera pris sera celui de la dissolution du Sénat. Car, à l’en croire, le vrai objectif de la mise en place de cette institution est la modification de l’article 37. Et de finir en disant que ce n’est que le début de la lutte.

Nankoita Dofini

M. Arnaud Ouédraogo

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